La Convention Citoyenne pour le Climat : de quoi parle-t-on ?

Depuis début octobre, une nouvelle façon de pratiquer la démocratie est mise en place au sein de la République Française. Elle prend la forme d’une Convention Citoyenne pour le Climat (CCC), regroupant 150 citoyen.ne.s tiré.e.s au sort, représentatif.ve.s de la population française. Ils.Elles se réunissent, se forment et délibèrent sur la question majeure que représentent les enjeux climatiques. Découvrez comment est née cette initiative, son fonctionnement, et enfin quels en sont les aboutissements.

Une initiative née pendant le Grand Débat National.

Petit point historique pour comprendre l’origine de la CCC. Retour en janvier 2019 : le Gouvernement, en réaction aux manifestations des Gilets Jaunes, prend la décision d’organiser « Le Grand Débat National ». L’objectif était d’écouter l’ensemble des français.e, de comprendre leurs points de vue, pour ensuite décider du nouveau cap que prendrait l’action gouvernementale.

C’est en parallèle que l’idée d’organiser la CCC est avancée au sein du Gouvernement par Marion Cotillard et Cyril Dion[1]. La première avait reproché au Gouvernement[2] d’opposer, en plein moment fort des Gilets Jaunes, « fin du mois et fin du monde ». Cette critique lui vaut d’être appelée par le Président à l’Elysée. C’est ainsi, avec Cyril Dion, qu’il et elle ont proposé au Gouvernement la mise en place d’une Assemblée Citoyenne, co-organisée entre le Gouvernement et les Gilets Citoyens[3]. La CCC a ainsi été annoncée lors de la restitution du Grand Débat faite par le Président français.

Comment a été pensée cette première Assemblée Citoyenne ?

L’organisation a été léguée à trois acteurs : le Gouvernement, les Gilets Citoyens et le Conseil Économique Social et Solidaire (CESE, 3ème chambre constituante de la République). Ensemble ils ont synthétisé son objectif: « définir les mesures structurantes pour parvenir, dans un esprit de justice sociale, à réduire les émissions de gaz à effet de serre d’au moins 40 % d’ici à 2030 par rapport à 1990 »[4]. Ainsi, la CCC pourra traiter de différentes questions relatives « aux économies d’énergie, à la rénovation thermique des logements, à l’agriculture, aux mobilités, à la fiscalité écologique et à tout autre verrou ou levier d’action qu’elle jugera pertinent. »[5]. Elle se déroulera en six sessions, réparties entre octobre et janvier, chacune ayant son objectif mais visant toutes dans l’ensemble à préparer la restitution finale.

Il a été décidé que la CCC serait organisée et hébergée par le CESE au palais d’Iéna, et qu’elle serait indépendante. Le CESE composa alors un comité de gouvernance de quinze personnes, qui pilotera les travaux de la CCC. Ces quinze personnes se divisent en : deux coprésident.e.s, trois expert.e.s de la démocratie participative, trois expert.e.s du climat, quatre expert.e.s des questions sociales et économiques, et deux représentant.e.s du Ministère de la Transition Écologique et Solidaire. Le tout est complété par un duo tournant tiré au sort parmi les citoyen.ne.s de la CCC. De plus, trois garant.e.s (un élu par le sénat, un par l’Assemblée Nationale et un par le CESE) restent à disposition en cas de besoin.

 

Palais Iéna

La représentativité a été une question importante. Afin de la respecter au maximum, six principaux critères ont été pris en compte lors du tirage au sort (ayant eu lieu entre la fin août et mi-septembre) :
– Tranche d’âge (avec par exemple, la présence de quatre individus âgés entre 16 et 18 ans)
– Sexe (51 % femmes, 49 % hommes, comme dans la société française)
– Zone géographique (les départements d’Outre-Mer sont aussi représentés)
– Type de territoire
– Catégories sociales
– Niveaux d’études (25 % sans le bac, comme dans la société française)

À cela s’ajoute la prise en compte de ceux qui sont à la rue, des personnes en situation de handicap, mais également du fait d’être célibataire.

La CCC est constituée de cinq groupes thématiques: alimentation, déplacement, logement, consommation et travail. Des temps de formation (avec des expert.e.s), de débat ainsi que de restitution publique vis-à-vis de ces groupes sont mis en place. Enfin, durant les deux dernières sessions, des juristes aideront les citoyen.ne.s à écrire les lois qui seront remises au Gouvernement.

Il est par ailleurs possible de fournir des contributions publiques, en passant par le site officiel de la CCC, de façon individuelle ou en étant une personne morale. Une rubrique “votre contribution” est accessible depuis le site officiel de la CCC. C’est le moment de se lancer !

Quels aboutissements ?

La question est désormais de savoir ce que le Gouvernement fera des propositions de lois. Celui-ci s’est engagé oralement à accepter l’ensemble des lois proposées par la CCC : il n’y est donc pas légalement contraint. Trois traitements différents sont possibles : législatif (c’est à dire par vote à l’assemblé et au sénat), par décret ou via un référendum.

La fin de la CCC est prévue pour le 16 janvier 2020, après la dernière session. Un rapport rassemblera les propositions législatives et réglementaires, qui sera remis au Président de la République, au Gouvernement et aux médias. Les citoyen.ne.s membres de la CCC sont libres d’indiquer, au sein de ce rapport, quelles propositions devraient selon eux.elles être soumises au référendum, et lesquelles devraient passer par la voie parlementaire. Les points de consensus et de dissensus entre les membres seront également mis en avant.

Le gouvernement fera par la suite une réponse publique, puis donnera un calendrier prévisionnel concernant la mise en œuvre des propositions. Une dernière journée sera alors organisée, durant laquelle les citoyen.ne.s ayant participé.e.s à la CCC pourront s’exprimer une dernière fois, en réaction aux propositions du Gouvernement.

Rappelons que ces dernières années, partout où elle a été mise en place, cette forme de démocratie participative a montré son efficacité. Des pays comme l’Irlande, le Canada ou l’Islande sont effectivement des exemples concrets, mettant en avant le succès de cette nouvelle forme de démocratie.

Merci à Martial Breton, volontaire en service civique à Démocratie Ouverte qui a été d’une aide précieuse pour éclaircir nos questions sur la CCC !

Article rédigé par Eloise Lehmann, chargée de mission transition énergétique, et Alexandre Partouche, chargé de mission économie circulaire.

Un petit mot sur Démocratie Ouverte :
C’est un collectif visant le développement de la démocratie au sein de la société. Il met notamment en avant de nouveaux outils, méthodes et manières pour établir une démocratie concrète au sein d’une société ouverte, plus transparente, participative et collaborative. https://democratieouverte.org/

Sources :

[1] Article de Reporterre sur la mise en place de la convention par Cyril Dion et Marion Cotillard
[2] Lors de la matinale de France Inter du 21 décembre 2018
[3] Le collectif des Gilets Citoyens est formé d’acteurs issus des Gilets Jaunes et des marches pour le climat, essayant notamment de mettre en place un cadre méthodologique différent de celui utilisé lors du Grand Débat.
[4] Lettre de mission du Premier ministre Edouard Philippe concernant la CCC
[5] Site officiel de la Convention Citoyenne pour le Climat