L’agriculture a véritablement fait son entrée dans les négociations climatiques lors de la COP 24 (Conférence des Parties) qui s’est tenue à Katowice du 2 au 14 décembre 2018. A cette occasion, on s’est demandé quelle était sa place dans le combat contre le réchauffement climatique…
Une arrivée tardive sur la table des négociations
Le secteur agricole est l’une des causes principales d’émissions de gaz à effet de serre (GES), à hauteur de 13,5% des émissions mondiales (1) et de 20% des émissions françaises (2). La production agricole, notamment intensive, a aussi un impact considérable sur la biodiversité de chaque territoire, sur la qualité des sols, de l’eau (nappes phréatiques), de l’air, mais est aussi à l’origine de 80% de la déforestation mondiale selon la FAO (Food and Agriculture Organization) en 2015 (3).
Mais, si la production agricole, à laquelle est ajoutée l’élevage, est l’une des causes principales du réchauffement climatique, elle est aussi l’une des premières à en subir les conséquences.
Selon le rapport scientifique de la revue The Lancet (2018) par exemple, 122 milliards d’heures de travail agricole auraient été perdues en 2017 à cause de la chaleur, en particulier dans l’hémisphère sud. Une diminution effective des rendements agricoles due aux différents bouleversements climatiques et changements météorologiques est déjà constatée dans une trentaine de pays, ainsi que les impacts désastreux de l’exposition du bétail à des vagues de chaleur.
Le secteur agricole est donc indubitablement lié aux questions de sécurité alimentaire, comme l’a souligné à maintes reprises Valérie Dermaux, négociatrice de la Délégation française à la COP 24 sur les questions agricoles et climatiques.
Malgré cela, depuis le Sommet de la Terre à Rio de Janeiro en 1992, les questions agricoles n’ont pas été véritablement considérées comme une priorité dans le combat contre le réchauffement climatique, dans le cadre des négociations internationales.
Etat des lieux de l’inclusion des questions agricoles à la fin de la COP 24
A l’occasion de la COP 23 à Bonn en novembre 2017, l’OSCST (Organe subsidiaire de Conseil scientifique et technologique) lançait “l’Action commune de Koronivia pour l’agriculture”, dont les réunions ont pu véritablement commencer pendant la COP 24. Ce groupe de travail a pour but d’“examiner ensemble les questions relatives à l’agriculture, notamment dans le cadre d’ateliers et de réunions d’experts, en coopérant avec les organes constitués au titre de la Convention et compte tenu des vulnérabilités de l’agriculture aux changements climatiques et des modes d’examen des questions de sécurité alimentaire” (4). Ils ont aussi pour mission de préparer une feuille de route à l’horizon 2020.
Si une collaboration internationale sur les différentes politiques agricoles semble encore balbutier, le sujet avait déjà été abordé avant la COP 24, notamment avec les termes de “gestion des terres” à la COP 19 (2011) et de “sécurité alimentaire” à la COP 21 (2015). Par ailleurs, le regroupement des organisations non-gouvernementales agricoles aux COP, nommé “Farmers”, est en cours de reconnaissance officielle.
Il ne faut pas oublier que, selon la FAO, 90% des Contributions nationalement déterminées (NDC) des Parties incluent l’agriculture ou le secteur des terres dans leurs objectifs d’atténuation (5).
L’agriculture, une solution pour combattre le réchauffement climatique ?
L’inclusion de l’agriculture dans les négociations climatiques à la COP 24 marque donc un tournant, puisqu’elle est désormais considérée comme “une solution pour le climat et non plus seulement comme émettrice de gaz à effet de serre” selon Rémi Cardinael, agro-pédologue au Cirad (Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement).
L’initiative “4 pour 1000”, réunissant acteurs du public et du privé, lancée par la France à l’occasion de la COP 21, témoigne de cette nouvelle vision. En partant du constat que les sols mondiaux contiennent 2 à 3 fois plus de carbone que l’atmosphère terrestre, une augmentation de 0,4% de ce taux de carbone dans les sols – grâce à des pratiques agroécologiques – stopperait l’augmentation annuelle de CO2 dans l’atmosphère.
Ce type d’initiative fait partie de la promotion de l’agroécologie par différents organismes internationaux comme la FAO ou nationaux comme l’INRA, comme solution face aux enjeux à la fois de réchauffement climatique et de sécurité alimentaire.
Pour aller plus loin:
- Site de la Convention-Cadre des Nations Unies sur le changement climatique, onglet Agriculture
- Initiative 4 pour 1000
- Agroecology Knowledge Hub de la FAO
Sources
(1) https://unctad.org/fr/docs/presspb20108_fr.pdf
(2) https://www.terre-net.fr/actualite-agricole/economie-social/article/la-france-a-rate-ses-objectifs-en-2016-202-134284.html
(3) https://www.lemonde.fr/planete/article/2015/09/07/80-de-la-deforestation-est-due-a-l-agriculture_4747867_3244.html
(4) Décision 4/CP.23, paragr. 1.
(5) https://www.cirad.fr/actualites/toutes-les-actualites/articles/2018/questions-a/vincent-blanfort-cop-24
Article rédigé par Carole, observatrice pour le REFEDD à la COP24.