Des droits humains violés par l’Égypte à la crise environnementale dont l’imminente catastrophe est rappelée par le dernier rapport du GIEC, la COP 27 ne cesse de révéler de nouvelles problématiques. Les déléguées du RESES présentes à Charm el-Cheikh n’en constatent pas moins.
Alors que l’ONG Human Right Watch (HRW) qualifie la COP 27 de « récompense pour le pouvoir répressif » du Président Abdel Fattah al-Sissi, cette Conférence internationale confirme que la société civile y est peu tolérée. L’entre soi des dirigeant.e.s politiques semble se refermer davantage et la problématique mondiale des enjeux environnementaux ne demeure pas plus avancée que celle des droits humains.
D’une action théorique de la société civile à une action pratique : la nécessité du collectif
Hier, le mercredi 9 novembre 2022, se clôturait le World Leader Summit (Sommet des dirigeant.e.s mondiaux), laissant place à la prise de parole de la société civile. Cette dernière correspond aux associations et aux Organisations Non-Gouvernementales (ONG). La société civile accréditée à la COP dispose d’un badge jaune, lui attribuant le rôle d’observateur.rice. , c’est-à-dire qu’iels ne participent pas directement aux négociations. A l’inverse, les Parties ont un rôle actif dans ces négociations dont découlent l’adoption de certaines décisions politiques internationales. Toutefois, d’autres négociations relatives à ces accords ont lieu en amont, durant de nombreuses autres réunions internationales – à l’instar de la procédure d’adoption et de négociation des accords de Paris.
Les délégué.e.s de la société civile peuvent profiter des réunions internationales pour exercer une certaine pression sur les décideur.euse.s politiques. Leur « observation » n’est effectivement pas à prendre au premier sens du terme. Selon la délégation du RESES présente à Charm-El-Cheikh, leurs accréditations « permettent de tenir les états responsables : les observateur.trice.s par leur travail d’écoute en négociation, de discussion avec les membres des délégations et de recherche sur les sujets traités à la COP émettent un avis critique sur les propositions faites et tentent de convaincre les décideur.euse.s de l’importance d’ajouter, de modifier ou de retirer certains mots, phrases ou provisions dans les textes négociés ». En effet, les diverses associations et organisations présentes peuvent communiquer avec les négociateur.trice.s, voire interpeller les dirigeant.e.s afin de proposer des alternatives ou dénoncer l’inaction.
Toutefois, iels ne peuvent exercer cette influence seul.e.s. Si notre délégation reconnaît qu’à la COP « nous ne pouvons pas avoir d’influence en tant que RESES », elle se réjouit d’appartenir à diverses organisations internationales, comme YOUNGO, mais plus particulièrement au réseau du Climate Action Network (CAN). En plus d’une large expertise, ce réseau international dispose d’une véritable influence sur ces évènements. L’élection du « Fossil of the Day » demeure l’une de leurs actions les plus marquantes. Cette cynique élection permet de pointer du doigt les pays « qui font le plus pour réaliser le moins”. Les pays élus réagissent régulièrement à leur nomination. Le mercredi 9 novembre 2022, étaient nominés le Japon, l’Union Européenne, l’Égypte et les Émirats Arabes Unis. La victoire est revenue au Japon avec 10,6 milliards de dollars dépensés par les fonds publics dans « les projets pétroliers, gaziers et charbonniers ».
Une double société civile aux objectifs communs : lier la justice sociale aux enjeux environnementaux
Il existe deux sociétés civiles : une société aux actions plus institutionnelles, qui obtient facilement son accréditation pour entrer aux COPs, et une société civile au militantisme plus concret et localisé, qui voit son accréditation se faire refuser. Ces deux sociétés ont des moyens d’action différents, mais des objectifs communs.
En ce sens, de nombreux.ses activistes environnementaux de la société civile non-accrédité.e.s sont entravé.e.s dans leurs travaux. En effet, l’ONG HRW révèle de nombreuses et constantes pressions exercées sur cette société civile. Que ce soit dans leurs travaux de recherche ou d’action locale en matière environnementale, les activistes font face aux autorités égyptiennes : harcèlement, intimidation, convocation, inscription sur une « liste des terroristes », interdiction de quitter le territoire ou exil, tant de conséquences qui entravent leurs actions environnementales et violent les droits humains.
Ces agissements sont devenus habituels aux COPs et ne sont plus isolés mais prennent une tournure violente inédite à la COP 27 en Égypte. Alors que les gouvernements semblent muets sur ces procédés répressifs, la société civile est amenée à jouer un rôle nouveau. Un exemple de lien entre ces deux sociétés civiles s’est établi le mardi 8 novembre 2022, lors d’une intervention de Sanaa Seif, sœur du détenu politique Alaa Abdel Fattah. Opposant du gouvernement égyptien et militant pour une démocratie effective en Egypte, M. Abdel Fattah a subi de nombreuses arrestations et détentions ainsi qu’une interdiction de quitter le territoire. Depuis le début de la COP 27, le militant politique a alourdi sa grève de la faim, débutée le 2 avril 2022, en cessant de s’hydrater pour alerter les gouvernements.
La conférence de Sanaa Seif, était présentée par Gadir Lavendez, membre de la Campagne mondiale pour exiger une justice climatique. Mme. Seif dénonce alors les raisons et les moyens de détention de son frère en affirmant qu’elles sont habituelles pour les opposant.e.s politiques et militant.e.s environnementalistes. En soulignant que les plus riches négocient avec les plus puissant.e.s, Sanaa Seif interpelle tous les gouvernements dans cette violation des droits humains. Cette intervention n’est pas sans rappeler que les conséquences de la crise climatique entravent de nombreuses de nombreuses libertés et droits humains.
Notre délégation s’est préparée à cette COP en incorporant les enjeux humanitaires aux enjeux environnementaux. Une fois sur place, plus aucun doute pour nos déléguées : « la particularité {de cette COP} nous semble être le mouvement “no climate justice without human rights“. {…} Le message “What do we want ? Climate justice ? When do we want ? Now !“ {…} est un message essentiel que les différent.e.s constituant.e.s de la société civile tentent de faire passer cette année plus que jamais ». En effet, il commence à paraître évident que la justice climatique ne pourra se faire sans prise en compte des droits humains et, in fine, sans prise en compte des outils démocratiques.
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