Les vulnérabilités des minorités et des femmes, populations marginalisées, sont largement accrues au regard de la crise climatique. Elles font partie de celles et ceux qui seront le plus touché.e.s car elles sont structurellement dépendantes dans les rapports sociaux économiques mondiaux. En effet, sur 1,3 milliards de personnes vivant dans des conditions de pauvreté, 70% sont des femmes, tandis qu’au sein des populations autochtones, ce sont “15 % du nombre d’individus (qui) vivent dans l’extrême pauvreté”, selon la Banque Mondiale. La question du genre est un sujet à part entière dans la lutte contre le changement climatique, conformément aux accords de Paris et mis à l’agenda de la COP 27 comme enjeu primordial par le président Al Sissi dans son discours d’ouverture.
La place du genre dans les négociations d’une COP africaine
La question du genre dans les négociations climatiques a été mise en avant pendant la COP 27 comme une composante de ce rendez vous international autour de la notion de feminist diplomacy, mentionnée par les chef.fe.s d’état lors du World Leaders Summit. Ce sommet des premiers jours de la COP est l’un des moments clés, parmi les plus attendus, où les chef.fe.s de gouvernement dévoilent les engagements majeurs en matière de climat au début des négociations.
La société civile féminine était présente au rendez-vous de la COP 27 et très active sur le terrain dont le Collectif African Women and Girls Demand Climate Justice qui a ouvert la journée féministe africaine se revendiquant comme un “Collectif de femmes et de filles africaines qui ont décidé que comme la COP avait lieu sur le sol africain, il fallait se mobiliser collectivement pour faire entendre la voix des femmes africaines. Nous réclamons que nos aspirations et nos ambitions soient entendues à la COP 27 et que la question du genre ne soit plus repoussée des salles de négociations”.
Les politiques climatiques dont les grandes lignes sont tracées lors de la COP impactent surtout les pays africains, en première ligne de la crise climatique, et essentiellement les femmes africaines. Pourtant celles-ci sont peu présentes et prises en compte dans les processus de négociations et les inégalités de genre auxquelles elles font face sont complètement différentes de celles auxquelles font face les femmes occidentales (différence de cultures, de religions, de politiques…). Il est donc important que celles-ci participent pour dénoncer l’inefficacité de solutions occidentales dans le Sud autour de la question du genre. L’inégalité de genre ne possède pas qu’une seule face mais au contraire, c’est un prisme multidimensionnel qui est sous-jacent à de nombreux autres enjeux en Afrique. Par exemple, en Afrique sub-saharienne, les femmes constituent en moyenne 60% de la force de travail dans le domaine agricole au sein de leur pays et pourtant elles ne possèdent que 15% des terres et le chiffre est même alarmant pour l’Afrique du Nord, où les femmes représentent moins de 5% des propriétaires foncier.e.s agricoles. Pourtant, en travaillant la terre dans des exploitations vivrières, elles font face aux changements climatiques, à la destruction et au manque de ressources, ce qui rend donc leur rôle primordial dans la sécurité alimentaire du continent.
L’objectif de la COP 27 de voter un plan d’action pour le genre n’a pas progressé, il n’y a pas eu de prise en compte du rapport du GIEC sur les vulnérabilités dues au changement climatique et auxquelles les femmes font face. Les activités essentielles de ce plan d’action n’ont pas été votées car elles nécessitent un financement (lui aussi absent). La déception des associations féministes ou simplement des personnes engagées dans cette thématique est aussi grande que le ressentiment envers l’hypocrisie des pays du Nord. Elles reprochent aux chef.fe.s d’État leurs fausses promesses, notamment lors du World Leaders Summit, où iels se sont vanté.e.s de pratiquer une “feminist diplomacy” ou d’implémenter des politiques féministes.
Les observateur.rice.s des négociations ont observé que les pays pour qui ces politiques sont prioritaires n’ont pas réussi à s’imposer sur ce débat, une négligence démontrée. Par ailleurs, la délégation du RESES rapporte que certains ateliers menés par des femmes pour la cause du genre au sein de la COP 27 ont été repoussés ou annulés. Elle cite celui organisé par des femmes autochtones qui devaient par la suite rencontrer les négociateur.rice.s du genre. Cet atelier n’a eu de cesse d’être repoussé et finalement a eu lieu tard, si bien que toutes les femmes n’ont pas eu le temps de prendre la parole, et n’ont pas pu faire passer les messages qu’elles souhaitent comme l’événement s’est terminé une heure après son commencement.
La protection des minorités en première ligne à subir les dégâts climatiques
Bien que la question des minorités ne semble pas avoir percé autant que souhaité les salles de négociations, c’est une question qui a été portée largement par la société civile via la voix des populations indigènes. Chaque jour de la COP 27, on pouvait compter au moins un événement sur la question des peuples indigènes et de leur place dans la lutte contre le changement climatique. Les revendications sont multiples mais ciblées, liées au caractère intrinsèque de leur vulnérabilité.
Premièrement, la reconnaissance qu’iels sont les premier.e.s à subir les conséquences dramatiques du changement climatique (zones d’habitations touchées par les catastrophes naturelles, manque d’infrastructure pour se protéger des risques, actions délétères des gouvernements étatiques et des entreprises détruisant les lieux d’habitation respectueux de l’environnement). Puis, la reconnaissance du fait que les peuples indigènes doivent être intégrés, plus aux processus de négociations car ils font partie de la solution au « problème climatique ». Les communautés mettent en avant leur utilisation de technologies et techniques ancestrales de survie en accord avec l’environnement, dont le partage de savoir est important pour que le reste du monde puisse en bénéficier.
Troisièmement, l’appel à la mise en place de plus de mécanismes internationaux pour faire respecter leurs droits. Iels revendiquent le droit à un environnement sain ainsi que le droit à la sécurité et la pérennité (de nombreuses menaces d’existence pèsent sur les peuples autochtones comme c’est le cas en Amazonie avec la destruction de l’habitat par les activités industrielles) ainsi que leurs propres droits humains puisque les peuples autochtones sont toujours considérés comme des citoyens de seconde zone. Enfin, iels lancent un appel à l’aide financière concernant l’implémentation de politiques climatiques. A chaque COP, ce sont des milliards de dollars qui sont promis aux pays en développement et iels réclament plus de transparence quant à l’attribution des fonds et que ces derniers soient directement attribués aux communautés et organisations autochtones (sans passer par les États ou les gouvernements). A la COP 27, l’implémentation était l’un des points fondamentaux, on pouvait lire partout “together for implementation” donc il y a beaucoup d’attente de ce côté de la part des communautés autochtones. Il faut noter que les communautés indigènes sont également concernées par les pertes et préjudices et demandent une partie des financements pour protéger notamment leurs savoirs.
Au croisement du genre et du climat : le cas des femmes indigènes
La question des minorités et la question du genre sont deux questions qui peuvent se rejoindre. S’il a été question de parler du genre et des peuples autochtones, c’est aussi l’occasion d’entendre la voix des femmes indigènes. Ces dernières sont les grandes perdantes du changement climatique puisque elles sont responsables de la sécurité alimentaire au sein de leur communauté, par conséquent une perte de ressources les impacte fortement. Pourtant, les femmes sont en première ligne pour apporter des solutions face aux conséquences du changement climatique, elles sont souvent les gardiennes de savoirs ancestraux et naturels. De ce fait, les femmes indigènes ont porté à la COP un plaidoyer insistant sur le fait que leur savoir est capable d’aider les humain.e.s à se reconnecter avec la planète. Elles sont aussi les garantes des rituels et des traditions, la culture indigène étant menacée de disparition par l’action des humain.e.s. La place des femmes indigènes est donc nécessaire au sein du débat climatique car elles sont porteuses de solutions pour contribuer à la lutte contre le changement climatique.
Article rédigé par Sophie et Maia
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