Loi climat : un pas en arrière des député.e.s, un pas en avant des citoyen.ne.s

Mardi 4 mai 2021 sera votée à l’Assemblée nationale la fameuse “Loi Climat” après à peine 3 semaines de débat. Cette législation, censée être l’un des projets phares du quinquennat d’Emmanuel Macron, aura généré bon nombre d’espoirs après les multiples promesses qui ont accompagné ses prémices. Cependant, à la veille de son adoption à l’Assemblée et de son futur examen au Sénat, force est de constater qu’elle est loin de répondre à l’urgence climatique. Engagements non tenus, lobbying et amendements rejetés en masse, nombreuses sont les raisons pour lesquelles ce texte si attendu crée autant d’inquiétudes… 

Autopsie de la première véritable législation française en faveur de l’environnement, ses enjeux, ses lacunes et les actions encore possibles pour la sauver.

Jeux d’influences sur l’échiquier politique

@Bastamag

Très loin de l’enthousiasme suscité par l’expérience démocratique que fut la Convention Citoyenne pour le Climat (CCC), le projet de loi – supposé la retranscrire – a de quoi nous laisser sur notre faim.

Un chiffre suffit à lui seul à résumer son manque d’ambition : les mesures contenues dans la loi ne nous permettraient de réduire nos émissions de gaz à effet de serre (GES) que de 15% au lieu des 40% de la CCC !

Mais comment en est-on arrivé là ? En avril 2019, juste avant le lancement de la CCC, le Président de la République l’assurait : « ce qui sortira de cette Convention, je m’y engage, sera soumis sans filtre soit au vote du Parlement, soit à référendum, soit à application réglementaire directe ». Un coup d’éclat politique qui avait pour objectif de répondre à la forte pression des mouvements écologistes et sociaux (Gilets jaunes, Marches pour le climat). Mais cette belle promesse n’a pas fait long feu. Très vite, le projet de loi fut l’objet d’attaques répétées des lobbyistes. Les principaux secteurs industriels – automobile, aérien, agrochimie, publicité – ont ainsi « mobilisé tous les leviers d’influence à leur disposition » pour détricoter le travail de la Convention, comme l’atteste l’Observatoire des multinationales. Résultat : les intérêts privés ont primé dans l’hémicycle, l’exécutif s’alignant sur les demandes des grands groupes.

Un bilan législatif qui est loin de faire l’unanimité, comme le démontre la pluie de critiques qui accusent le gouvernement de manquer de courage politique et de vider de leur substance les 149 propositions de la convention. Des critiques des associations environnementales, mais aussi d’élu·e·s et des citoyen·ne·s de la convention, eux·elles-mêmes, déçu·e·s du recul de l’Elysée. Fait nouveau, la loi marque également une rupture avec la communauté scientifique. « Leurs avis, dont celui du Haut conseil pour le climat, n’ont jamais été pris en compte, ni même évoqués », affirme la députée Delphine Batho.

Un débat démocratique bafoué

Les dessins de Plantu – Le Monde

Le décryptage du contenu de la loi nous permet rapidement d’y voir plus clair. Dans l’ensemble, les propositions les plus structurantes n’y apparaissent pas, d’autres ont vu leur portée restreinte, ou bien leur calendrier repoussé. En d’autres mots, ce n’est qu’une couche de peinture verte sur le bilan politique du quinquennat. Si l’on gratte un peu, il ne reste plus grand-chose…

C’est le cas de certaines mesures présentées sous la forme d’engagement volontaire et non d’obligation contrôlée et sanctionnée. Par exemple, le texte prévoit uniquement une interdiction de la publicité sur les énergies fossiles, qui est extrêmement rare. Pour les annonceurs des autres secteurs, la loi se contente de « codes de bonnes conduites », à l’efficacité controversée. Dans d’autres cas, c’est le champ d’application qui se trouve limité. Ainsi, après avoir baissé le seuil d’émission des voitures les plus polluantes – préconisé par la CCC -, l’objectif de fin de vente d’ici 2030 ne concerne plus que 1 à 3% des véhicules neufs vendus.

Par ailleurs, le débat démocratique n’a pas été à la hauteur de l’enjeu. Sur les 7000 amendements déposés, près d’1/4 ont été jugés irrecevables – car sans lien direct avec les articles de loi – et n’ont donc même pas été débattus. Des propositions phares du projet de la Convention ont ainsi été écartées : le renforcement de la responsabilité climatique des grandes entreprises, la mise en place d’un plan d’investissement pour le ferroviaire, ou encore l’ensemble des mesures relatives à la justice sociale.

La majorité ayant fait le choix d’une procédure accélérée, le temps de l’examen a aussi été réduit à moins de trois semaines. « Avec le temps législatif programmé, nous, les non-inscrits qui sommes pourtant parmi les plus engagés, n’avons que 50 minutes de temps de parole. » a regretté le député Matthieu Orphelin, trop court pour « argumenter et défendre nos 400 amendements ».

Quelques avancées timides sont tout de même à relever. L’instauration des menus végétariens hebdomadaires dans les cantines scolaires est maintenant actée. De même que l’élargissement de la prime à la conversion pour l’achat d’un vélo à assistance électrique. Des victoires somme toute anecdotiques face au virage environnemental que devraient prendre nos dirigeants pour répondre aux objectifs climatiques. 

Agir pour une “vraie Loi climat”

Des défenseurs de l’environnement manifestent pour une « vraie loi Climat », le 14 avril 2021 sur la place du Président-Édouard-Herriot à Paris, devant l’Assemblée nationale. © Mathis Fidaire 

On l’a vu, des débats à l’Assemblée Nationale ressort une pâle copie des propositions de la CCC et des amendements proposés par les député·e·s de tous bords. Cependant, tout n’est pas perdu et il est encore possible d’agir pour construire une législation qui réponde véritablement à l’urgence de la crise climatique. 

Aperçu des actions coordonnées par les élu·e·s, associations et/ou citoyen·ne·s pour un texte à la hauteur de ses ambitions :

Le dimanche 9 mai aura lieu une marche pour dénoncer le manque d’ambitions de ce projet de loi, à l’appel d’une quinzaine d’organisations dont Greenpeace et On est prêt. Ce rassemblement a pour but de faire pression sur les élu·e·s et le gouvernement afin de les appeler à changer de cap et à refondre ce texte en une législation véritablement ambitieuse. Une pétition en ligne a également été mise en place par le réalisateur Cyril Dion afin d’interpeller le président sur le sujet.

En parallèle, la mobilisation de la jeunesse dans la rue ne compte pas faiblir. En effet, depuis fin mars et malgré quelques déboires (interdictions de manifester, amendes…) un petit groupe de jeunes manifestent devant le siège de l’Assemblée nationale pour interpeller directement les élu·e·s sur les sujets les plus pressants. Ils comptent bien continuer leurs actions une fois le texte en examen au Sénat. Selon Julie Pasquet, vice-présidente du RESES, il existe bon nombre de sujets sur lesquels les sénateur·rice·s peuvent agir, dont le transport, le vrac et la consigne ainsi que la rénovation énergétique et la sobriété numérique, autant de points qui ont été drastiquement revus à la baisse à l’Assemblée.

De nombreuses autres actions de plaidoyers sont menées par les associations environnementales auprès des sénateur·rice·s sur ces sujets stratégiques, ainsi que des pétitions locales que chacun·e peut signer pour interpeller ses élu·e·s sur les sites de Green Vox et Extinction Rebellion, entre autres. Le think tank Déclic met quant à lui des propositions d’amendements à disposition des élu·e·s, avec l’appui de Green Lobby. Ces derniers sont d’ailleurs à suivre sur Linkedin pour des mises à jour régulières sur l’avancée de la Loi, tout comme le climatomètre, qui propose une actualisation quotidienne des amendements votés sur 15 mesures structurantes. 

Il est évident que le projet de Loi climat et résilience est loin des ambitions de la CCC et des promesses du Président de la République et n’offre en aucun cas une réponse satisfaisante à l’urgence climatique que nous vivons. Malgré tout, rien n’est encore perdu et il est plus que jamais temps de redoubler d’efforts au niveau individuel et collectif, pour s’assurer que ce texte ne soit pas seulement une occasion manquée de prendre la crise environnementale à bras le corps.


Article co-rédigé par Bérénice Rolland et Noémie Melen, rédactrices blog.

Sources


Pour aller plus loin

Un tableau comparatif entre les propositions de la CCC et le projet de loi: 
https://reseauactionclimat.org/wp-content/uploads/2021/04/def-tableau-comparatif-evolution-pjl-climat-resilience.pdf

Le climatomètre, pour suivre les avancées issues des débats: https://climatometre.org/

Un documentaire Arte sur la Convention Citoyenne pour le Climat: https://www.arte.tv/fr/videos/095176-000-A/convention-citoyenne-democratie-en-construction/