Témoignage : « mon expérience pendant les intersessions COP »

Thomas, membre de la délégation intersessions COP27 a pu découvrir pendant la 2ème semaine à Bonn, l’envers du décors des négociations internationales. Il revient sur son expérience et les enjeux de ces négociations !

Le rendez-vous manqué avec les transferts de technologies

Ici Thomas, l’un des chanceux à avoir pu atteindre la capitale de l’ancienne République
Fédérale d’Allemagne pour suivre la deuxième semaine de cette 56e session des organes
subsidiaires de mise en œuvre (SB 56) de la Convention-cadre des Nations Unies sur les
changements climatiques (CCNUCC, ou UNFCCC en anglais).

Ma mission prioritaire ? Suivre pour vous les questions relatives aux transferts de technologies et leur mécanisme dédié, le programme stratégique de Poznań. Malheureusement pour nous, le plan ne s’est pas tout à fait déroulé comme prévu.

En effet, la majorité des discussions a eu lieu en première semaine et le week-end, en format informel-informel (inf-inf), c’est-à-dire fermé aux observateur.rice.s. Par ailleurs, les jeunes français.e.s présent.e.s en première semaine (les jeunes tout court en vrai) n’ont pas du tout suivi ce sujet de négociations. De fait, je suis arrivé pile à l’heure pour la dernière session, celle consacrée à l’adoption du draft de conclusion discuté les jours qui précédaient, mais sans aucune idée de ce à quoi j’allais assister et quelle allait être la teneur des échanges. Cette session de 30 minutes a été plus que décevante, puisque s’y est perpétré le détricotage du texte adopté en inf-inf le matin même. En somme, un pays du Moyen-Orient qui a bâti sa fortune sur les exportations pétrolières et un pays d’Amérique du Nord peu considérant à l’égard des droits des femmes se sont habilement coordonnés pour changer le contenu du document, menant à une paralysie des négociations.

Les discussions se sont poursuivies quinze minutes dans le coin de la salle, avant de reprendre avec l’ensemble des délégations présentes. Le représentant du groupe Afrique a défendu avec vigueur l’adoption du texte tel quel. Notamment parce que son article 5 était spécifiquement dédié aux progrès à faire pour permettre au continent de bénéficier au mieux des dispositifs de transferts de technologie. Làs pour toutes les parties prenantes, et pour la présidente, le consensus n’a pas été trouvé et il faudra repartir de 0 à Charm el-Cheikh.

Dans ces conditions, impossible de vous proposer un article intéressant sur cet item. Si vous en
voulez plus sur les transferts de technologie, allez voir celui d’Emma qui est toujours d’actualité.

Capacity-building, mode d’emploi

Parce que je suis un enfant de la Start-up Nation, je me devais de pivoter rapidement. Et c’est ce que
j’ai fait. Immersion dans les eaux profondes du renforcement des capacités.

Le renforcement des capacités, capacity-building dans sa forme anglaise (largement utilisée dans nos
contrées), est un des éléments largement cités dans l’Accord de Paris. Son article 11 le définit
comme :
« Le renforcement des capacités au titre du présent Accord devrait contribuer à améliorer les
aptitudes et les capacités des pays en développement, en particulier ceux qui ont les plus
faibles capacités, tels que les pays les moins avancés, et ceux qui sont particulièrement
vulnérables aux effets néfastes des changements climatiques comme les petits États insulaires
en développement, afin qu’ils puissent lutter efficacement contre les changements climatiques,
notamment mettre en œuvre des mesures d’adaptation et d’atténuation, et, devrait faciliter la
mise au point, la diffusion et le déploiement de technologies, l’accès à des moyens de
financement de l’action climatique, les aspects pertinents de l’éducation, de la formation et de
la sensibilisation de la population, et la communication transparente et précise d’informations
en temps voulu. »


Il s’agit donc d’un sujet où les pays riches ont le devoir « moral » de transmettre et diffuser aux pays
pauvres des capacités pour atténuer les effets des changements climatiques. Pour ce faire, le rapport
d’adoption final
, annexe à l’Accord de Paris, prévoit à ses paragraphes 71 et ultérieurs la constitution
d’un mécanisme dédié. Il s’agit du Paris Committee on Capacity-building (PCCB), qui se réunit
chaque année en marge des Intersessions ou des COPs (en alternance avec le forum de Durban,
également dédié au capacity-building), avec des travaux intermédiaires menés entre ces évènements.

Deux salles, deux ambiances : découverte du PCCB

J’ai eu le plaisir d’assister à la sixième édition de l’assemblée du PCCB, qui s’est déroulée sur 3 jours
complets avec l’ensemble des membres du PCCB . Je parle de plaisir, car suivre les travaux du PCCB est beaucoup moins frustrant que ce qui a été évoqué plus haut. En effet, ce mécanisme ne prévoit pas l’adoption d’un texte à négocier et les observateurs, tels que RINGO, YOUNGO, ECO et WGC, participent aux discussions d’égal à égal avec les parties. Par ailleurs, les États qui ne sont pas membres du PCCB étaient présents durant les 3 jours en tant qu’observateurs. Les discussions sont ici apaisées et détonnent de l’ambiance générale.

Focalisons-nous d’abord sur le rôle des États observateurs. Ces derniers sont particulièrement
discrets. Les interventions sont neutres et consensuelles 95% du temps, dans le sens de ce qui est
exprimé par les membres. Le représentant du pays exportateur évoqué plus haut s’illustrait par son
décalage avec les travaux du PCCB. En somme, il a essayé d’occuper le temps pour se rendre
visible. Aussi, les représentant.e.s européen.ne.s sont très rarement intervenus. Et pour cause, de l’aveu
même de ceux-ci, leur présence était tout sauf intéressée par le PCCB. En effet, l’ensemble des pays
riches présents pour observer suivaient vraisemblablement uniquement les débats pour bloquer
les éventuelles demandes d’extension du budget alloué aux travaux du PCCB.

Du côté de RINGO, la constituante représentant la recherche scientifique, la principale demande
avancée était d’avoir plus de temps pour travailler lors de la COP27.
Pour ce qui est de la constituante représentant les femmes (Women & Gender Constituancy),
soutenue par la constituante pour l’éducation (ECO), elle s’est chargée de demander à ce que la
place des femmes dans le renforcement des capacités soit mieux prise en compte. Notamment parce
que les femmes, dans les pays destinataires des travaux du PCCB, sont en première ligne dans
l’action climatique (voir les travaux de Catherine Larrère). La présidente Roberta Ianna a alors promis
de faire de son mieux pour intégrer les femmes comme une composante traverse dans les sessions
de groupe à venir.

Enfin, parlons des pays membres qui sont pour la grande majorité des pays du Sud économique. Ces
derniers ont exprimé à de très nombreuses reprises une demande qui paraît simple, mais qui ne l’est
pas : une traduction des documents produits par le PCCB. À l’heure actuelle, les documents du
PCCB, et notamment la boîte à outils pour le renforcement des capacités, n’existent qu’en langue
anglaise. Or les pays destinataires ne sont pas des locuteurs anglais et sont en majorité des pays de
langue latine. De fait, il a été demandé à de multiples reprises une traduction en français, en
espagnol et en portugais, à minima, pour permettre une meilleure compréhension des ressources
mises à dispositions. À ce sujet, le pays d’Amérique du Nord peu regardant sur les droits des femmes
et l’UE ont exprimé leurs réserves à ce sujet. Ce ne serait « pas du tout une priorité » selon elleux, et
pour cause : ces demandes engendrerait une contribution supplémentaire à ce dispositif.

Un autre volet des demandes portées par ces pays réside dans la nécessité d’inclure les
communautés locales aux travaux et processus du PCCB. Parce que, comme l’a expliqué l’émissaire
d’Antiga et Barbuda, les pays du Sud économique n’ont pas toujours un État avec une autorité
certaine et étendue sur son territoire, contrairement au modèle occidental de l’État-nation. Plus
largement, avec l’appui de RINGO, il a été demandé de mettre en place une réflexion pour permettre
plus d’inclusivité afin de faciliter le renforcement des capacités.

Nous aurons donc des réponses à ces demandes à Charm-el-Cheick, et j’espère que le RESES
continuera à suivre cet item qui montre la diversité d’évènements de négociations internationales sur
les changements climatiques.

D’autres articles de notre délégation COP :

Article rédigé par Thomas