Le 26 novembre 2020, à l’occasion de la Semaine Étudiante de la Réduction des déchets, a eu lieu un webinaire sur la pollution plastique en milieu marin. Si vous l’avez raté, pas de soucis, on vous résume tout dans cet article !
Nage en eaux troubles avec Surfrider Foundation
La pollution plastique en milieu marin est indéniablement un vaste domaine, et c’est à l’association Surfrider Foundation Europe, qu’est revenue la tâche complexe d’introduire le sujet, représentée par Jennifer Poumey, chargée de mission déchets chez Surfrider, Coordination Méditerranée. Le domaine d’expertise de l’association évolue sur 3 thématiques phares : la qualité de l’eau et son impact sanitaire, l’aménagement du littoral en intégrant les dynamiques du changement climatique ainsi que l’identification et le traitement des déchets aquatiques.
Le portrait précis du déchet est dressé et défini comme un matériau fabriqué par l’homme dont la finalité se distingue en trois catégories :
- Les déchets qui flottent, portés par les courants, et qui se retrouvent échoués sur les plages et littoraux.
- Les déchets qui flottent dans les océans, et forment des zones de convergence résultant en de véritables « continents » de plastiques. Ils sont au nombre de 5 principaux et répartis dans les océans, avec une certaine concentration entre le Japon et Hawaï.
- Les autres déchets qui se retrouvent au fond des océans. En effet, la plupart des déchets plastiques coulent, peu sont ceux qui flottent.
En réalité, les déchets flottants représentent uniquement 1 % de ce qui se trouve dans les milieux marins … et leur impact est double : d’une part, ils touchent la faune, car le plastique est une espèce invasive et se retrouve désormais dans des zones où il n’existait pas auparavant ; d’autre part, ils ont un impact sur l’homme et notamment sur sa santé car l’homme est au bout de la chaîne alimentaire.
Comment remédier au problème ?
Surfrider propose le projet Plastics Origin. Le principe est simple : des bénévoles motivé.e.s collectent des déchets sur la plage et font un décompte précis du nombre et type de déchets qu’ils récupèrent. Les données extraites serviront à édifier le plaidoyer de l’association pour mettre en place des solutions à grande échelle.
Et il est important d’agir à la source, et ce notamment sur le problème des plastiques à usage unique. C’est un matériau très dangereux pour l’environnement dont le rapport entre production et utilisation est dérisoire : il suffit d’1 seconde pour produire un emballage plastique et son utilisation se limite à une vingtaine de minutes. De plus, ces objets ne se dégradent pas, ils vont uniquement se fragmenter en micro-plastiques, très difficiles à identifier et dont une partie considérable arrive dans le milieu marin directement sous cette forme, issus des cosmétiques (interdits depuis janvier 2018 en France), des fibres des vêtements textiles, des pneus, … En bref, l’origine est toute trouvée, les pollutions plastiques proviennent à 80 % du continent et du comportement des humains.
Surfrider propose d’agir directement à la source du problème et promeut la réduction des déchets par les consommateurs : abolir l’emballage unique et le plastique de nos habitudes de consommations pour que ces déchets n’existent pas et que l’on ne les retrouve plus dans la nature.
La thématique de la pollution plastique nous emmène désormais à la rencontre d’acteurs engagés dans la protection de l’environnement en traitant une partie du problème avec une solution ingénieuse …
Une tortue ingénieuse : Green Turtle
Voici Green Turtle, un projet innovant porté par des étudiant.e.s de l’école d’ingénieur ESTACA, en région parisienne. Son objectif est de concevoir et de construire un robot-tortue traqueur de déchets et implantés dans une des plus grandes sources de pollutions plastique dans les milieux marins : les ports. Co-géré par Baptiste Jagoury et Thomas Gestel, tous deux étudiants ingénieurs, le projet se développe sur une catégorie de la pollution plastique, les macro-plastiques.
Pourquoi s’attaquer à la pollution plastique dans les ports ? La raison est simple : les ports sont en réalité des clusters à déchets qui nuisent à la faune et à la flore locale et par ailleurs, ces déchets induisent de la nuisance auprès des touristes et plaisanciers. Le problème est déterminant et gêne vraisemblablement tout le monde, il est nécessaire de s’y attaquer.
Une partie de la réponse à cette pollution se dessine dans le projet de Green Turtle, une solution bio-inspirée (s’inspirer de la nature pour tenter de la sauvegarder). L’association est portée par 17 étudiant.e.s, réparti.e.s en 3 pôles techniques : le pôle propulsion, qui travaille sur une imitation de la tortue ; le pôle détection et intelligence, chargé de permettre à la tortue de repérer son environnement et la faire bouger au sein des ports ; et le pôle structure, qui imagine la conception de toute la tortue.
Mais comment ça marche ?
L’idée de s’inspirer de la Tortue de mer vient de son adaptation toute particulière pour la nage en 3D. Habile et maniable, elle est conçue pour s’attaquer aux déchets, afin d’éviter que les vraies tortues ne souffrent davantage des déchets plastiques dans les océans.
La représentation concrète de l’animal marin va se faire avec un corps creux pour contenir les déchets récoltés. L’idée est de concevoir un robot précis et intelligent, capable de traquer les déchets sous et sur la surface. Afin d’y parvenir et de stocker les déchets sans pour autant gêner l’activité portuaire, le robot-tortue devrait atteindre 1 mètre de long, pour 70 centimètre de large avec une capacité de 50L. Complètement autonome, la tortue se viderait de ses déchets sur une borne de « docking » dans le port et repartirait à la tâche. Par ailleurs, la tortue serait dotée d’un système d’analyse précis et performant afin de distinguer les déchets plastiques des organismes marins : la tortue apprend constamment en créant d’une base de données qui s’enrichit au fur et à mesure (deep learning).
La volonté écologique du projet se porte aussi sur la conception du robot qui se veut biosourcé et biodégradable, et équipé d’une puce GPS afin d’éviter une pollution en cas de panne.
Et le projet avance ! La première année était dédiée à une simulation sur ordinateur du projet en intégrant des enseignements appuyés par les professeurs de l’ESTACA sur la mécanique des fluides (résistance du robot), le dynamisme, la performance des nageoires en alliant une bonne performance de nage avec envergure limitée. Le calendrier du projet est déjà tout tracé, l’association veut lancer son premier Prototype dans 1 an et le tester dans les ports d’ici 3 ans
Le futur du projet s’inscrit sur plusieurs points d’attention et notamment sur une analyse du cycle de vie, sur son impact sur les écosystèmes, une discussion s’engage aussi avec les autorités portuaires pour que le projet se retrouve dans le plus de ports possibles et cela va de pair avec une conception esthétique du robot-tortue.
Contacté par plusieurs ONG, dans le monde, le projet commence déjà à s’exporter et certains ports français lui proposent des espaces de test. Avec ce projet innovant, les étudiant.e.s de l’ESTACA comptent bien lui donner une nouvelle dynamique si sa réalisation est avérée possible, en transformant l’association étudiante en start-up ou ONG qui permettrait de limiter une partie des pollutions plastiques en milieu marin.
Micro-plastiques mais Maxi problème : Sea Plastics
Lorraine Wemaere et Manon Vichot représentaient lors de ce webinaire l’association Sea plastics dont elles sont membres. L’association, créée en 2016 par des étudiant.e.s-ingénieur.e.s d’AgroParisTech, lutte contre la pollution plastique en mer Méditerranée en sensibilisant les plus jeunes et en participant à la recherche scientifique. Chaque année un groupe d’étudiant.e.s embarque 5 mois sur un voilier et parcourt la côte méditerranéenne, pour échantillonner des micro-plastiques et intervenir dans des écoles et des événements locaux. Lorraine et Manon, avec 3 autres étudiants, font partie de la 5ème expédition de l’association qui naviguera entre mars et juillet 2021.
L’association est née du constat que le plastique est présent partout du fait de sa très grande durabilité qui apporte une valeur ajoutée aux produits qu’il compose, mais qui contraint sa gestion en déchet. En effet, le plastique ne se dégrade pas mais se décompose en nano et micro-plastiques qui vont contaminer tous les écosystèmes grâce à un potentiel de diffusion très important. On peut retrouver des micro-plastiques jusqu’à 4000m de profondeur. Par définition, une particule de plastique de moins de 100 nanomètres est considérée comme un nano-plastique et une particule de moins de 5 millimètres est considérée comme un micro-plastique. Ces particules sont issues de produits et d’activités humaines. Par exemple, un sachet de thé produirait 11,6 milliards de micro-plastiques dans une tasse de boisson.
Aujourd’hui, les micro-plastiques restent très peu connus du grand public. Pourtant les scientifiques ont constaté que l’accumulation de micro-plastique est préoccupante. Elle touche tous les réseaux trophiques, depuis les animaux filtreurs jusqu’aux mammifères marins, et touche donc également la chaîne alimentaire humaine. La quantité de micro-plastiques ingérée et inhalée serait donc sous-évaluée, le plus gros danger des micro-plastiques étant leur potentiel de diffusion et leur capacité à porter des matériaux toxiques.
Face à ce constat alarmant, l’association Sea plastics se mobilise par la recherche et la sensibilisation.
Chaque année une expédition, composée d’étudiant.e.s, s’organise et parcours pendant 5 mois la mer méditerranée. Les membres de l’expédition réalisent un échantillonnage en mer à la surface et dans la colonne d’eau. Suite à un pré-tri réalisé au microscope pour enlever les morceaux de matières organiques les plus gros, les échantillons sont envoyés dans un laboratoire pour identifier l’âge, la nature, l’origine et l’état de dégradation des micro-plastiques. La recherche sur les micro-plastiques est aujourd’hui freinée car chaque laboratoire a ses propres méthodes d’échantillonnage. L’objectif de l’expédition 2021, dont font partie Lorraine et Manon, est d’évaluer les méthodes de 4 laboratoires partenaires et de comparer leurs résultats afin de fixer des normes d’échantillonnage. De plus, elle souhaite mettre en place un filtre pour pouvoir échantillonner les particules inférieures à 150 micromètres.
D’autre part, les étudiant.e.s de l’association organisent des conférences pour sensibiliser le grand public ou des jeux à destination des enfants, entre autres par le biais de partenariat avec des mairies ou de clubs de voile. Les côtes méditerranéennes sont une cible très importante pour la lutte contre la pollution plastique car on retrouve dans la Méditerranée plus de 7% des micro-plastiques présents dans les milieux marins.
En mars, les 5 ami.e.s embarqueront sur le Catamaran d’un bénévole de l’association et feront le tour de la Méditerranée en passant par l’Espagne, l’Italie, la Corse et puis la côte française. 6 mois après, les résultats de l’expédition seront disponibles sur son site internet. L’analyse de ces résultats, réalisée avec l’aide de 4 laboratoires de recherche et 3 étudiant.e.s en master, sera publiée un an après leur retour. Cette rapidité de résultats, rare dans le monde scientifique, est un atout pour l’association et la rend complémentaire de plus gros projets comme celui de l’association Tara.
Sea plastics travaille également avec d’autres associations en France et en Espagne. Il.elle.s aimeraient, dans de futures expéditions, étendre leur projet jusqu’aux côtes d’Albanie où la pollution des déchets est encore plus importante. Ce projet n’est pas envisageable pour le moment, du fait des temps très longs pour obtenir une autorisation des ministères pour faire des relevés dans des mers à l’étranger.
Agir en tant qu’étudiant.e
En tant qu’étudiant.e.s, nous pouvons bien sûr agir à notre échelle. Tout d’abord en réduisant notre consommation de plastique en se souvenant des 3R: réduire à la source, refuser le sur-emballage et privilégier le réutilisable. En bref, ne pas se faire avoir par le marketing et en utilisant les objets le plus longtemps possible, par exemple en donnant au lieu de jeter. Ensuite, si vous souhaitez vous investir sur le sujet, vous pouvez vous engager dans de nombreuses associations.
Par exemple, Sea plastics réalise des sensibilisations dans des établissements et s’associe avec des bénévoles pour qu’ils sensibilisent à leur tour les étudiants. N’hésitez pas à les contacter pour en savoir plus !
Chez Surfrider, des solutions sont mises en avant dans les infographies. Si vous souhaitez agir sur le terrain, vous pouvez participer au projet Plastic Origins . Il s’agit d’un projet de science participative qui vise à cartographier la pollution plastique des fleuve et des rivières afin d’identifier les zones les plus polluées et alerter les collectivités. Pour ce faire, Surfrider invite toutes personnes intéressées à télécharger l’application Plastic Origins (disponible sur Android et IOs), à les contacter pour une petite formation en ligne et à aller parcourir un cours d’eau en kayak ou ses abords à pied pour collecter des données sur les déchets. Si vous êtes intéressé.e.s, n’hésitez pas à les contacter : plasticorigins@surfrider.eu.
Pour en savoir plus :
- Des infographies sur les fausses bonnes idées : https://surfrider.eu/nos-missions/dechets-aquatiques/break-the-plastic-wave-70177.html
- COMPTER SUR LE RECYCLAGE POUR SUPPRIMER TOUS NOS DÉCHETS PLASTIQUE ! : https://www.qqf.fr/infographie/73/pollution-plastique
- Tomber dans le panneau du bioplastique. : https://www.qqf.fr/infographie/74/pollution-plastique-2
- Espérer nettoyer tout le plastique de l’océan. : https://www.qqf.fr/infographie/75/ocean-plastique-montagne-solutions
- Un article sur Green Turtle : https://www.futura-sciences.com/tech/actualites/robotique-etudiants-francais-ont-invente-robot-tortue-chasse-plastique-mange-81420/
Article rédigé par Marin et Seyna, en service civique au REFEDD