Le 10 novembre, CliMates, les Jeunes Ambassadeurs pour le Climat (JAC) et le REFEDD ont proposé un événement en ligne de découverte des négociations sur le climat. Six intervenantes expérimentées ont partagé leur vécu et ont répondu aux questions des participant·e·s. Tu n’as pas pu assister au live ? Tu aimerais retrouver des informations pour aller plus loin et connaitre l’actualité climatique de la jeunesse ? Cet article revient sur l’essentiel.
Une discussion co-organisée par CliMates, les JAC et le REFEDD
CliMates, les JAC et le REFEDD sont trois associations qui souhaitent donner aux jeunes les moyens de s’impliquer dans la transition écologique, notamment en s’intéressant aux négociations sur le climat. Les 3 associations permettent à 2 Jeunes Délégué.e.s de participer aux COP (Conference of Parties) et intercessions. De plus, elles envoient chacune une délégation d’observateur·trice·s.
Les trois associations co-organisent aussi deux fois par an des formations sur la diplomatie climatique. Elles se tiennent d’habitude en présentiel ; mais compte tenu du contexte, c’est un webinaire qui a été proposé le 10 novembre dernier. L’échange était structuré en quatre parties. Chacune était ponctuée par une séquence où les intervenantes ont apporté des réponses aux questions des participant·e·s, intégrées dans ce compte rendu.
C’est quoi, les négociations internationales sur le climat ?
Par Aline et Marjolaine, observatrices à la COP25 pour le REFEDD et membres de la délégation qui suit l’actualité pré-COP26.
La COP sur le climat, partie émergée des négociations sur le climat
Aline a d’abord expliqué que quand on parle de COP, on désigne l’organe décisionnel le plus important de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC, UNFCCC en anglais). Il existe d’autres conventions internationales, par exemple celles sur la biodiversité et sur la lutte contre la désertification, créées en même temps que la CCNUCC. Chacune a sa propre COP.
Les “Parties” de la COP sur le climat sont les 196 Etats signataires de la CCNUCC, auxquels il faut ajouter l’Union européenne (UE). Ils se réunissent chaque année pour essayer de s’accorder sur des solutions visant à “stabiliser […] les concentrations de gaz à effet de serre dans l’atmosphère à un niveau qui empêche toute perturbation anthropique dangereuse du système climatique” (art. 2 de la CCNUCC). Entre chaque COP, des intersessions (SB), sortes de conférences préparatoires, se déroulent à Bonn, où siège le secrétariat de la CCNUCC.
A toutes ces conférences, il s’agit de prendre des décisions, c’est-à-dire d’adopter de nouveaux textes. Les négociations portent sur les objectifs, les engagements, les modalités d’application, etc. et font constamment évoluer la Convention-cadre.
En plus des délégations des 197 Parties, les négociations rassemblent des acteurs non-étatiques, regroupés en 9 constituantes : commerce et industrie ; ONG environnementales ; municipalités et gouvernements locaux ; peuples indigènes ; recherche scientifique ; syndicats ; agriculture ; femmes et questions de genre ; et jeunesse (YOUNGO). La presse est également présente.
Du sommet de Rio à l’accord de Paris
Comme Marjolaine l’a rappelé, l’histoire de la CCNUCC démarre en 1992, avec le sommet de la Terre à Rio. En 1997, la COP3 voit l’adoption du Protocole de Kyoto. Entré en vigueur en 2005, cet instrument juridique connexe dont s’est doté la COP vise à réduire les émissions de certains GES par rapport à 1990, avec des obligations pour les pays développés uniquement.
En 2015, l’accord de Paris fixe comme objectif de “conten[ir] l’élévation de la température moyenne de la planète [à 1,5 °C et] nettement en dessous de 2 °C par rapport aux niveaux préindustriels” (art. 2). Cet objectif commun est soutenu par les contributions déterminées au niveau national (NDC).
L’accord de Paris est dit “universel”, c’est-à-dire que chaque pays doit agir contre le dérèglement climatique. Également réputé contraignant juridiquement, il ne prévoit pourtant pas de sanction directe ; les pays restent souverains. Cependant, des contre-pouvoirs peuvent déclencher des sanctions. C’est le cas en France avec l’Affaire du Siècle et le dossier de Grande-Synthe, au sujet desquels le Conseil d’Etat vient de donner trois mois au gouvernement pour “justifier que la trajectoire […] pourra être respectée”.
Où en est-on aujourd’hui et qu’attendre des prochaines négociations ?
Par Inès, coordonnatrice de l’équipe de suivi des négociations de CliMates (Negotracking) qui suit et analyse les négociations sur le climat et établit des rapports sur les questions politiques.
« 2020 aurait dû être une année très importante pour les négociations sur le climat »
En 2020, 5 ans après l’accord de Paris, les émissions de GES auraient dû atteindre leur pic pour être en accord avec l’objectif de 1.5°C ; or la trajectoire annuelle nous mène vers une augmentation de 3°C. Enfin, le mécanisme d’ambition de l’accord de Paris prévoyait que les pays communiquent ou révisent leurs NDC. Mais les pays les plus émetteurs ont peu pris d’engagements. 2020 est d’ailleurs l’année où les Etats-Unis ont officiellement quitté l’accord de Paris.
Inès nous a expliqué qu’en 2020, il ne s’agit plus de négocier des accords, mais de les mettre en place. Il y a une réelle réflexion à engager sur le devenir des COP. Ce “méga rassemblement” annuel doit être repensé dans ses objectifs et ses modalités. Sert-il à maintenir un fort engagement de la part des organisations non-étatiques ? A donner un cadre légitime aux négociations entre Etats ?
Alors, à quoi s’attendre en 2021 ? On sait que pour pallier le report de la COP26, la CCNUCC a organisé des Dialogues pour le Climat, suivis par une équipe du REFEDD. A ce stade, on ignore encore si une COP telle que les précédentes pourra être organisée. On peut néanmoins imaginer que le Covid-19 risque d’avoir un fort impact sur le fond des échanges. Pour ce qui est des observateur·trice·s à la prochaine COP, Inès s’attend à une forte présence des grands groupes ; à de vives protestations de la part des jeunes et des ONG environnementales face au manque d’ambition et d’action ; et à des prises de position contre les industries fossiles, pour une reconstruction juste et durable.
Participer aux négociations sur le climat en tant que Jeune Délégué.e
Par Héléna, Jeune Déléguée (JD) pour le climat depuis juin 2019 et membre des JAC, étudiante en master Politiques Environnementales à Sciences Po Paris .
Héléna nous a raconté son parcours, le processus pour devenir JD pour le climat (entretiens Skype puis au ministère de la Transition écologique) et sa participation aux intersessions à Bonn en juin 2019 et à la COP25 à Madrid en décembre 2019. Un mandat de JD s’étale sur deux années de négociations ; elle participera donc aux prochaines intercessions (SB52) et à la COP26 à Glasgow, pour l’instant reportée à 2021.
Aller aux négociations sur le climat avec la délégation française
Le programme JD permet en effet à 2 étudiant·e·s d’accompagner la délégation française aux négociations internationales. La délégation est composée d’employé·e·s des ministères de la transition écologique, des affaires étrangères ou de l’agriculture, spécialistes des sujets qu’il·elle·s négocient. Certain·e·s d’entre eux·elles sont des anciens CliMates, JAC ou du REFEDD. Mis en place en 2016 par CliMates et le REFEDD avec le ministère pour la COP22 à Marrakech, le programme est soutenu par les JAC depuis 2018.
Les droits et devoirs des Jeunes Délégué·e·s
Héléna a présenté les opportunités de suivre les négociations sur le climat de l’intérieur. Grâce au précieux badge rose, les JD peuvent :
- suivre un sujet de négociation en particulier ; il est impossible de pouvoir tout suivre.
- acquérir des nouvelles compétences au cours des 4 sessions. En effet, la vision des COP qu’ont les JD évolue, et leur compréhension s’affine.
- appuyer la délégation française : les JD sont appelé·e·s à suivre certains événements, à rédiger des comptes rendus et à les envoyer dans la boucle de mail de la délégation.
- participer aux réunions de délégation, avoir accès aux documents sur les positions de la France
- tisser une relation de confiance avec les membres de la délégation
- faire le lien entre le délégation et les autres jeunes Français·e·s, en organisant par exemple des rencontres
- Rencontrer la jeunesse présente, créer des contacts avec les autres jeunes et organisations présents
En retour, les JD ont aussi un triple devoir de réserve de confidentialité et de neutralité. Il·elle·s ne doivent pas participer à des mouvements d’opposition internes aux COP. Il ne faut pas non plus qu’il·elle·s s’asseyent à la table de négociation derrière le drapeau français, au risque de donner l’impression qu’il·elle·s représentent la France.
Aller à la COP avec la délégation du REFEDD
Par Karine, étudiante à CentraleSupélec en 3ème année du cycle ingénieur·e et Éloïse Lehmann, étudiante à King’s College London en Master en Environnement et ancienne service civique au REFEDD, observatrices à la COP25 pour le REFEDD.
Vivre les négociations du climat « de l’intérieur »
Éloïse et Karine nous ont raconté leur expérience en tant que jeunes observatrices à la COP25 à Madrid. En effet, depuis la COP19 à Varsovie en 2013, le REFEDD envoie chaque année une délégation constituée de 6 à 10 étudiant·e·s aux négociations.
La COP25 s’est tenue dans un immense bâtiment, la Feria de Madrid, et a rassemblé jusqu’à 20 000 personnes. La journée type commence à 8h et se finit à 21h. Les membres de la délégation du REFEDD préparent chaque journée la veille. Il·elle·s choisissent un sujet de négociation puis assistent aux événements liés. En fonction de sa nature, chaque événement a lieu dans un espace particulier :
- en salle plénière (10 sur le “General Map” ci-dessus). C’est ici qu’ont lieu l’ouverture et la fermeture de la COP, les présentations des rapports du GIEC, les discours et le vote des textes. Tous les pays peuvent entrer dans la salle, ainsi que les observateur·trice·s et la presse.
- en salle de négociations (9). En tant qu’observatrices, Eloïse et Karine ont pu assister à certaines négociations et se rendre compte que dans l’élaboration commune d’un texte, chaque mot compte !
- dans les espaces dédiés aux side events et aux constituantes (4) et les pavillons (8-5). C’est là que les membres de la délégation du REFEDD passent le plus de temps : on y trouve des événements sur des sujets qui ne concernent pas directement les négociations, certains organisés par des ONG et des jeunes, notamment le fameux “fossile du jour”. Chaque pays se met en avant dans son pavillon, en y accueillant événements et personnalités politiques.
Une expérience parfois frustrante, mais toujours enrichissante
Éloïse a vécu une COP25 très enrichissante sur le plan académique et surtout sur celui des rencontres. La COP peut parfois être frustrante, du fait du décalage entre les problèmes concrets et urgents, dont témoignent par exemple des représentants de populations indigènes, et la technicité et la minutie des solutions : des textes de droit international où un mot peut faire l’objet de plusieurs heures de négociations. Karine confirme que si l’expérience a été parfois fatigante et dure émotionnellement, elle est surtout un excellent apprentissage. Elle s’est notamment rendu compte que le processus décisionnel ne se limite pas aux 2 semaines de la COP, mais a lieu tout au long de l’année, notamment au niveau national. D’où l’importance de s’engager dans sa vie de tous les jours.
Quelques ressources complémentaires :
- Les principaux projets du REFEDD en lien avec les négociations internationales climatiques, notamment l’envoi d’une délégation d’étudiant·e·s aux COP et SB.
- Le site et la chaîne YouTube des Jeunes Ambassadeurs pour le Climat (JAC).
- Le site et le ClimBlog de CliMates.
- Les informations sur le programme jeune délégué et sur le processus de sélection des JD.
- La fiche accréditation qui explique comment les établissements d’enseignement supérieur peuvent obtenir des badges pour leurs étudiant·e·s. Attention : avec le décalage d’un an du calendrier, la date limite pour la demande d’obtention du statut d’observateur à la COP26 a été repoussée du 15 janvier au 31 décembre 2020. La période de candidature pour la COP27, initialement prévue jusqu’au 31 août 2020, est aussi prolongée.
- Le support du webinaire du 10/11 : « Tout comprendre aux négociations sur le climat » .
- La présentation de la délégation du REFEDD, qui suit les événements organisés en lien avec le report de COP26. Des articles restituant des discussions clés seront publiés au fur et à mesure.
- La présentation de la délégation française à la Mock COP26, qui s’est tenue du 19 novembre au 1er décembre.
- La vidéo d’une précédente formation, plus détaillée et divisée en 4 parties :
1. Qu’est-ce que la CCNUCC et comment fonctionne-t-elle ?
2. Comment s’applique l’accord de Paris ?
3. Quel est le rôle de l’Agenda de l’Action, qui rassemble des États et des acteurs non-étatiques ?
4. Comment les ONG participent aux négociations et quel est leur impact ?
Article rédigé par Gabriel Goll.