Alors que le président de la République annonçait le 3 juillet dernier la création d’un Commandement de l’espace (CDE) au sein de l’armée de l’Air, prévoyant l’amélioration de notre gouvernance et la mise en place d’une stratégie spatiale de défense nationale, la pollution croissante liée notamment aux satellites interroge nos activités liées à cet environnement nouveau.
Les déchets spatiaux : une réalité tangible
Fusées, satellites et objets plus grands comme la Station Spatiale Internationale mis sur orbite : s’il est indispensable au fonctionnement et au développement de nos sociétés contemporaines, l’espace colonisé par l’humain n’est pas sans risque. Le volume des débris spatiaux ne cesse de croître avec la collisions des objets entre eux, augmentant de façon exponentielle la probabilité des impacts.
Bien connu et redouté, le syndrome de Kessler du nom de l’astrophysicien qui l’a étudié pour la NASA, décrit le principe d’une réaction en chaîne, de la destruction d’un premier objet, qui par la multitude de débris générés, provoquera la destruction d’autres satellites. Ceux-ci produiront d’autres déchets et ainsi de suite, jusqu’à ce que l’orbite terrestre devienne impraticable. Même un petit débris a une énergie cinétique très forte et peut faire exploser un satellite.
Lors de la conférence des scientifiques de l’environnement spatial international tenue à Canberra en mai 2017, Ben Greene (responsable du Australia’s Space Environment Research Centre) affirmait que le problème des débris spatiaux empirait chaque année et que 3 ou 4 satellites par an étaient perdus à cause de collisions. Ainsi, les agences spatiales ont pris l’initiative de contrôler la quantité de déchets produits et de limiter le risque d’impact. On cherche désormais à faire rentrer les étages de fusées dans l’atmosphère où ils vont brûler au lieu d’encombrer l’orbite. Pour les satellites, on s’attache à gérer leur fin de vie en les envoyant en fin de mission vers une orbite cimetière ou en les faisant eux aussi brûler dans l’atmosphère.
Selon l’association UCS (Union of Concerned Scientists), 2 063 satellites opérationnels étaient en orbite autour de la Terre au 1er avril 2019 et leur nombre augmente avec le développement de l’activité spatiale. En effet, ces dernières années, la cadence des lancements s’est brusquement accélérée “avec 378 satellites lancés en 2017 et 375 satellites en 2018”, explique un article de Futura-science. L’Inde battait le record en 2017 avec ses 104 satellites en un seul tir de fusée. Notre génération a vu naître le NewSpace avec la démocratisation de l’accès à l’espace, l’ère de l’Industrie spatiale d’initiative privée. SpaceX, la célèbre entreprise américaine spécialisée dans l’astronautique, en est un parfait exemple.
Mais ce qui nous attend dans les années à venir, c’est le recours par nos moyens technologiques de plus en plus performants, à l’exploitation de ressources naturelles dans l’espace, de la même manière que nous avons extrait de nos océans les minéraux utiles à la fabrication de nos appareils électronique (article Les Echos). On peut déjà s’interroger sur la nécessité de produire toujours plus de satellites à des fins contestables, bientôt fabriqués à la chaîne et de moindre qualité, qui à terme, voleront en éclat pour former une poubelle céleste.
Un encadrement juridique libéral
Il existe bien un traité, conclu en 1967, sur les principes régissant les activités des États en matière d’exploration et d’utilisation de l’espace extra-atmosphérique. Ce dernier n’impose que très peu de limites à l’activité spatiale, notamment en matière d’armement : pas d’Armes de Destruction Massive (ADM) et de militarisation sur la lune et les corps célestes, c’est-à-dire les objets extra-terrestres comme les planètes. Par déduction, cette règle ne s’applique pas aux satellites.
Au sens large, le “droit de l’espace” comprend l’ensemble des règles relatives aux activités humaines dans le cosmos. Le principe de non-appropriation, établi à l’article 2 du traité de 1967, interdit aux États de s’approprier l’espace et les corps célestes. Mais en réalité, la souveraineté nationale existe bel et bien. D’ailleurs, les États d’immatriculation conservent la juridiction et le contrôle sur les objets lancés, qui doivent simplement cohabiter avec toutes les autres souverainetés. En ce qui concerne l’appropriation des ressources planétaires, les législations actuelles vont dans le sens d’autorisations d’exploitation planétaire purement nationales (pas encore de nature privées).
Depuis l’apparition de ce premier traité qui définit un cadre législatif aux activités humaines dans l’espace, quelques résolutions adoptées par les Nations Unies régissent la coopération internationale et peuvent, entre-autres, interpeller la responsabilité d’un État dans le cas où un objet spatial provoquerait des dommages sur la surface de la Terre. Cependant, aucune loi ne garantit la protection de l’espace. Il n’existe donc, à ce jour, pas de document international qui soit légalement contraignant en ce qui concerne les débris spatiaux. Comme la mer, l’espace est au centre d’enjeux géopolitiques dont il peut subir les conséquences. Pourtant, tout un volet consacré à la protection de l’environnement est instauré au sein même du droit de la mer et pourraient s’appliquer à l’espace, puisqu’il semble évident que nous traitons ce nouvel environnement de la même manière que nous avons exploité nos océans.
À la fois un vaste sujet d’étude pour les scientifiques et un terrain exploitable pour les besoins de l’homme, l’espace semble faire l’objet de convoitises, parfois contestables. Alors serait-il judicieux de limiter nos activités spatiales ? Il est clair que les collisions viendraient interférer les missions, notamment celles d’explorations utiles à la recherche scientifique, et que progressivement il deviendrait complexe, voire impossible de gérer les quelques centaines de milliers de satellites, nécessaires également à nos échanges d’informations (téléphonie, télévision…). Malgré la connaissance des risques et les propositions comme celle de l’Agence Spatiale Européenne de nettoyer l’espace dans un futur lointain, dans les faits, nos politiques actuelles ne semblent pas les prendre en compte.
Pour aller plus loin :
Article rédigé par Amélia Porret, chargée d’animation web