COP 25 – Rencontre avec Teddy P. Taylor, jeune activiste libérien

Gabin, observateur pour le REFEDD à la COP 25, a rencontré Teddy, jeune activiste libérien. Il lui parle de son engagement, de la nécessité d’agir et de ce qu’il fait à la COP.

Pour commencer, petite présentation :

Je m’appelle Teddy P. Taylor et je viens du Liberia. Je suis l’un des jeunes délégués du Liberia. Je suis actuellement le ACE Focal Point pour le Liberia et je travaille également pour la Youth Climate Initiative. C’est un groupe de jeunes militant.e.s du changement climatique qui ont décidé d’agir au Liberia, après la COP 21 à Paris. Je travaille aussi pour l’association des étudiants libériens en tant que consultant en environnement.

Pourquoi as-tu commencé à t’engager pour la justice climatique ? Comment as-tu été sensibilisé à ces questions ?

Parce que je crois que les jeunes ont la passion et l’énergie. Je veux leur dire d’agir parce que le monde nous appartient et que toute décision ou action prise aujourd’hui pourra avoir un effet catastrophique à l’avenir, avec toute la destruction de nos terres et de notre société. Donc, en tant que jeunes, nous devons agir.

Le Liberia est un pays côtier et le changement climatique a donc un impact considérable sur le pays parce que nos principales infrastructures sont situées le long de ces côtes. Ainsi, nous devons prendre des mesures car les côtes ont déjà été touchées par la montée des océans. Une partie a déjà été touchée par l’érosion des côtes. La plupart de nos infrastructures politiques sont situées sur le littoral et sont également menacées par des catastrophes naturelles. En tant que jeunes, nous devons agir parce qu’en l’absence d’actions concrètes, il y aura des catastrophes.

Quelles sont les actions que tu mets en place ?

Nous avons des clubs verts dans les écoles, où l’on enseigne l’éducation au changement climatique à certains élèves. Nous sensibilisons les gens parce que nous voulons créer un environnement respectueux du climat comme solution de rechange pour la prochaine génération. Nous avons aussi des communautés qui participent aux séances hebdomadaires appelées « Samedi Climat », ayant lieu tous les samedis. Lors de ces événements, nous partageons toutes nos propositions fondamentales contre le changement climatique et sur les questions environnementales.

Avant de venir ici, nous avons par exemple réuni 40 jeunes au bureau de la Banque mondiale, pour un Sommet national de la jeunesse sur le changement climatique et l’environnement. Nous sommes sur le point de réviser notre Contribution Déterminée à l’échelle Nationale (NDC). Nous allons incorporer les 6 objectifs du ACE (Action for Climate Empowerment) dans notre NDC, par exemple.

Qu’est-ce qui te donne de l’espoir en tant qu’activiste pour l’environnement ?

Je crois qu’il y a plus de Greta Thunberg dans le monde. Le problème est que notre presse décide de mettre en avant une seule personne pour toutes les initiatives dans le monde. Nous soutenons ce que Greta fait, mais certains de nos journalistes décident de ne pas se soucier de nos histoires parce qu’ils croient que nous devrions leur donner de l’argent, avant de raconter nos histoires. Il s’agit d’une question d’image de marque et de marketing. Aujourd’hui, Greta est sur un bateau pour venir à Madrid, j’ai roulé en moto pendant 70 heures pour obtenir un visa et venir à Madrid. Si j’en avais l’occasion, j’aurais pu venir à Madrid à bord d’un bateau. Ainsi, vous voyez comment notre engagement prend deux voies différentes. En tant que Greta, vous bénéficiez d’une économie riche, d’une meilleure économie, alors qu’en Afrique, nous continuons d’apporter notre contribution et que la presse s’en moque. C’est seulement une question d’image de marque et de marketing car nous avons autant de Greta en Afrique.

Est-ce que ça te décourage d’entendre que les gens n’en ont « rien à faire » du problème du changement climatique ? Qu’est-ce que tu aimerais leur dire pour les convaincre d’agir ?

Je crois que le changement climatique n’est pas seulement une question scientifique, c’est aussi une question de développement. C’est pourquoi toutes les personnes impliquées dans la lutte contre le changement climatique sont sensibles au développement durable. Nous devons préserver nos ressources, nous devons préserver l’environnement pour les générations futures. C’est ce que permet le développement durable. Si vous n’envisagez pas les choses dans cette perspective, nos infrastructures disparaîtront. Regardez ce qu’il se passe en Italie avec Venise, en Indonésie, en Afrique avec le Mozambique, au Japon, avec les cyclones et autres phénomènes. Il y en a beaucoup plus et c’est pourquoi il est urgent d’agir. C’est pour cette raison que nous continuons d’agir même si nous ne sommes que des adolescent.e.s, peu importe si nous sommes financés ou non. Nous lançons nos propres programmes avec l’argent dans nos poches, sans nous trouver d’excuse. Je suis ici grâce à mes propres ressources, personne ne me donne d’argent pour venir. J’ai pris les plus grands risques de ma vie pour aller d’un pays à l’autre en moto pendant 70 heures.

Pourquoi est-ce que c’est important pour toi d’être à la COP 25, malgré tous les risques pendant ton trajet jusqu’à Madrid ?

La voix de la jeunesse libérienne doit être entendue. Nous avons fait entendre notre voix au niveau national, nous avons fait entendre notre voix au niveau régional, il est maintenant temps de faire entendre notre voix au niveau international. C’est la raison pour laquelle j’ai la qualité de ACE Focal Point pour le Liberia, car la voix des jeunes libérien.ne.s doit être entendue au niveau international.

Qu’est-ce que tu dirais à quelqu’un qui souhaite passer à l’action ?

Nous sommes en action et notre action est maintenant. Nous devons agir maintenant, il n’y a pas de temps à perdre. Nous devons agir maintenant. Vous hésitez à agir ? Vous ne serez pas heureux.euse et on ne se souviendra pas de vous dans le bon côté de l’Histoire. C’est le moment d’agir pour notre vie, les survivant.e.s de nos terres, les générations futures, dépendent tou.te.s de notre action immédiate.

Qu’est-ce que tu répondrais à quelqu’un qui dirait que « les jeunes ne peuvent pas mieux savoir, mieux agir que les adultes » ? Est-ce que ça t’es déjà arrivé ?

Les personnes adultes croient qu’en tant que jeunes, nous faisons partie du groupe vulnérable. Nous avons un rôle à jouer dans la mise en œuvre de notre nouvelle Contribution Déterminées à l’échelle Nationale (NDC) parce que, sur le plan démographique, nous avons le taux de population le plus élevé, nous avons l’énergie, nous avons la passion, nous avons les compétences techniques. Toutes ces technologies sont issues de notre génération, pourquoi ne pouvons-nous pas les utiliser pour nous aider ? Nous devons agir maintenant !

Pour conclure, qu’est-ce que tu aimerais dire maintenant aux politiques et aux entreprises africaines et occidentales ?

Nous avons besoin de fonds pour l’action climatique. Nous ne pouvons pas agir quand, à un moment donné, il n’y a pas de financement. Lorsque vous parlez de mesures d’adaptation, lorsque vous parlez de conservation, nous avons besoin de fonds pour que les communautés vivant autour de la forêt puissent changer leurs moyens de subsistance car leur subsistance dépend de la forêt. Donc, si vous changez leur gagne-pain, vous devez les indemniser et leur donner un nouveau gagne-pain, afin que le processus de vie puisse continuer. Et on ne peut pas faire cela sans moyens financiers. La jeunesse africaine et sa participation aux événements internationaux en tant que telle ne peuvent se faire sans argent. Vous ne pouvez pas prendre des mesures d’adaptation et d’atténuation sans argent. Autre chose : on parle ici d’adaptation et d’atténuation mais qu’en est-il de notre propre développement ? Peut être une économie verte pour l’océan bleu ? Nous ne parlons pas assez de ces choses-là.

Il doit y avoir une compensation pour les événements qui se sont produits à la suite de ces actions, des changements dans notre climat. Dans des pays comme le Libéria, nous avons la deuxième plus grande forêt après l’Amazonie et les effets catastrophiques ont été ressentis dans mon pays, qui a payé pour cela ? Qui prend la responsabilité de cette situation ? Nous avons des industries qui polluent notre partie du monde, alors qui en assume la responsabilité ? Jusqu’à ce qu’ils décident de prendre leurs responsabilités, la justice climatique sera un problème sérieux.

Interview réalisée et transcrite par Gabin Dournelle, observateur à la COP 25 pour le REFEDD.