« Your excellence, you have the floor ». Combien de fois avons-nous entendu cette phrase pendant la COP ? Autant de fois qu’un chef d’État a été invité à prendre la parole… C’est-à-dire beaucoup !
Si la première semaine des COP est plus technique en se concentrant sur les différents thèmes des négociations, la seconde semaine est profondément politique et est marquée par l’arrivée des chefs d’états. À la COP 25, le SBSTA et le SBI, des organes de la CCNUCC, devaient être clôturés le lundi soir de la deuxième semaine. Après avoir été repoussée plusieurs fois dans la soirée, la clôture a finalement eu lieu au beau milieu de la nuit. Les négociations se font donc plus rares depuis, car les textes adoptés ou non adoptés, sont mis en suspens pour passer au segment de haut niveau, « high level segment », dès le lendemain.
La COP rassemble une multitude d’acteurs
Les négociateurs de la délégation française sont des experts de leur sujet, ils travaillent toute l’année à l’élaboration des positions européennes. En effet, les négociateurs des États membres de l’Union Européenne se coordonnent et parlent d’une seule voix en négociations. On les appelle les « parties », d’où la « Conference of parties » (COP).
Les ONG sont présentes en tant qu’observateurs. Beaucoup d’associations du monde entier peuvent ainsi venir à la COP. Les ONG sont représentées au sein de la CCNUCC par neuf constituantes. Ces constituantes ont un droit de prise de parole en plénière, ont des rendez-vous avec la présidence de la CCNUCC, et peuvent faire des conférences de presse pour exprimer leurs positions.
Des organisations multilatérales sont également présentes, des scientifiques ou encore des entreprises. Ces organisations sont également observatrices et s’expriment via des « side event » ou des conférences de presse.
Bien sûr, la presse est un acteur très présent à la COP, cela va des journaux très connus à des journalistes indépendants qui ont un blog sur internet.
Enfin, il y a des chefs d’États qui arrivent d’un grand nombre de pays dans la seconde semaine.
La COP passe un CAP, les Ministres arrivent !
Bien que le Premier Ministre, Édouard Philippe, et la secrétaire d’État auprès de la ministre de la Transition écologique et solidaire, Brune Poirson, soient passés au tout début de la COP pour motiver les troupes françaises, c’est surtout la venue d’Élisabeth Borne en deuxième semaine qui était attendue.
Toute la journée de mardi, plus de 80 ministres se sont succédés au pupitre de la plénière, pour exposer la position de leur pays sur le réchauffement climatique.
Ils ont trois minutes chacun pour faire leur discours. Soucieux de ne pas faire durer la plénière jusqu’au bout de la nuit, une sonnerie retenti au bout des trois minutes, invitant le ministre à finir au plus vite. Tous, ou presque, ont beaucoup tiré sur la corde, continuant à parler pendant plusieurs minutes supplémentaires … malgré les sonneries à répétition l’avertissant qu’il avait largement dépassé son temps.
Elisabeth Borne, la Ministre de la Transition Ecologique et Solidaire, a été la 28ème a prendre la parole. En trois minutes trente, elle pose tout d’abord les motivations de l’action : les preuves scientifiques irréfutables, la mobilisation de la jeunesse et des citoyens en général qui exigent non plus des paroles mais des actes, l’urgence du défi et enfin la responsabilité des pays avancés. Puis, elle rappelle l’ambition de la France qui est d’atteindre la neutralité carbone en 2050, et soutient l’Union Européenne pour atteindre l’objectif d’atteindre le zéro carbone net au milieu du siècle. Elle soutient également de fortes ambitions européennes, en demandant une baisse de 55% des émissions des gaz à effet de serre d’ici 2030 (par rapport aux émissions de 1990). Actuellement, la position de l’Union Européenne est de réduire d’au moins 40% ses émissions de gaz à effet de serre.
Comment faire pour y arriver ? Bien travaillé, le discours de la Ministre répond à nos questions. Les moyens déployés pour arriver aux objectifs sont de décarboner nos industries et nos transports, d’accroître les énergies renouvelables, de rénover les bâtiments, et de sortir définitivement du charbon.
D’accord. Mais ça, on le savait déjà. Par contre, comment faire pour que ces moyens soient réellement engagés ? L’atteinte des objectifs va se faire surtout par la capacité à mettre en place des politiques ambitieuses et contraignantes, sans quoi, il est bien beau de vouloir passer à l’acte.
Elle ajoute que la transition écologique ne se fera pas sans la solidarité internationale. Elle dit refuser l’hypocrisie d’avoir des objectifs sans moyens effectifs pour venir en aide à ceux qui souffrent le plus du changement climatique. Pour cela, la France a annoncé fin novembre, qu’elle allait doubler sa contribution au Fond vert pour le climat (Green Climate Fund) à 1,5 milliard de dollars.
Pour visionner le discours de la ministre avancer la vidéo à 2 :21 :40.
Que retirer de ces discours ?
L’exercice est difficile, en trois minutes, il faut montrer que le pays prend en compte le changement climatique et qu’il est le meilleur sur le plan ses engagements. Les discours qui en résultent se veulent impactant mais ils s’avèrent surtout être des paroles qui alimentent une « foire », lors de laquelle chacun tente de convaincre de sa bonne volonté.
À première vue donc, ce n’est qu’un exercice de diplomatie. Mais il est tout de même intéressant de voir comment chaque ministre relève ce défi.
Certains pays ont largement dépassé leur temps de parole. Pour certains, c’était l’occasion pour eux de s’exprimer, étant rarement mis en avant sur la scène internationale par rapport à d’autres pays. Nous avons ainsi découvert que des pays africains, comme l’Ouganda, étaient très engagés dans des programmes de transition écologique. D’autres discours nous ont rendu perplexes. C’est le cas du Brésil, qui dit que l’Article 6 de l’Accord de Paris portant que les mécanismes de marchés en est à son point crucial. Le Brésil, qui bloque les négociations sur cet article depuis la COP 24, en voulant que le double comptage des réductions des émissions soit accepté, nous paraît peu pertinent pour se faire le porte parole de cet article.
Article rédigé par Aline Prévot, observatrice à la COP 25 pour le REFEDD.