Pauline, notre animatrice réseau Île-de-France, est revenue récemment d’un trek dans le désert. Elle vous raconte son périple, entre beauté des paysages et réalité de la nature polluée…
« J’ai toujours aimé le désert. On s’assoit sur une dune de sable. On ne voit rien. On n’entend rien. Et cependant quelque chose rayonne en silence… »
Antoine De Saint-Exupéry
Désert.
Un seul mot qui en contient une multitude, tant cet espace aride s’affranchit de toute définition.
Marcher dans le désert c’est aller à la rencontre d’un monde infini où changer de perspective (re)devient possible. À chaque pas que l’on fait, le corps s’enfonce un peu plus dans une matière souple et dure, façonnée par le feu du jour et la glace des nuits étoilées. On y dépose son égo et, dans les vagues de sable, on s’abandonne au vide lequel se remplit de nos attentes, espoirs, déceptions et peurs avant de les dissoudre en milliers de grains translucides. Rien de nouveau ne nous attend dans cet endroit, aucune découverte autre que celle de l’être. Les questions futiles et existentielles s’entremêlent en une seule et unique interrogation.
Et lorsque que l’on s’en détache, on rencontre le sable qui s’étale sous les pieds et tout autour, par-delà l’immensité.
Le désert, c’est le rêve des amoureux d’une nature vierge de toute trace humaine, les empreintes des caravanes s’effaçant au prochain vent de sable.
Récit d’un trek dans le désert
J’ai eu la chance d’en explorer un, parmi les plus connus : le désert du Sahara. Le plus grand désert de sable au monde. Un endroit extraordinaire, exigeant, échappant (toujours) aux hommes souhaitant le contrôler. Une immensité changeante, tantôt parée d’or ou peuplée de dunes rougeoyantes. Un de ces lieux dont on ne pourra jamais se targuer d’en avoir exploré l’intégralité. Où il faut vivre en fonction de la nature et de ses éléments intransigeants. Une nature magnifique et sans merci.
« Qu’évoque pour nous le mot désert? Silence, vastitude, vent brûlant? Mais aussi mirages, soif, scorpions…et la rencontre du plus simple de soi-même dans le regard étonné de l’homme ou de l’enfant jailli d’on ne sait où entre les dunes? »
Jean-Yves Leloup
Vivant au rythme des astres, je marche. Dans des pays différents, traversés par un même désert, que l’on qualifierait à tort d’espace vide. Hostile: oui. Néant: non.
Le désert n’est pas mort il s’anime selon les saisons, sans cesse en mouvement, arpenté, exploité, cultivé par ceux et celles qui l’habitent, regorgeant d’une faune et flore insolite et multiple.
Du Maroc à la Mauritanie, j’ai durant un mois arpenté les successions d’ergs (Un erg est un désert de dunes, plus précisément des champs de dunes fixes dont seul le sable superficiel est remodelé sans cesse par le vent) et de regs (Un reg est un désert caillouteux essentiellement constitué de formations rocheuses) du Sahara.
J’y ai vu des paysages d’une beauté à couper le souffle, dîné sous les myriades étoilées de la Voie Lactée, campé au creux de dunes et canyons dignes d’un décor hollywoodien, observé une faune et flore improbables, côtoyé le soleil brûlant et retrouvé avec soulagement l’ombre épineuse des acacias. Mon corps a sué sous les rayons ardents du soleil puis gelé lorsque la lune prenait sa place. J’ai connu la joie simple de me rincer le visage avec un peu d’eau tiré du puits, admiré le lever et le coucher des astres, failli marcher sur un scorpion, ramassé des éclats de poterie datant d’il y a plus d’un millénaire, repéré les traces de vipère à corne, surpris un fennec au milieu de la nuit. J’ai appris à porter le chèche, observé les nomades enterrer de la pâte crue dans le sable chaud et en ressortir un pain frais. J’en suis revenue pour mieux pouvoir y retourner.
Tout au long de mon périple, j’ai rencontré les hommes et femmes du désert, ces peuples fiers et accueillants, vivant tous si ce n’est en harmonie, au moins au diapason de cette nature indomptable. De ces rencontres je retiens le courage quotidien des habitants. Même s’ils ne s’en rendent pas compte, étant pour la plupart nés dans le désert, je ne peux m’empêcher d’admirer cette façon de vivre, dans ce qui me paraît être un dénuement dangereux, un isolement que j’essaye de combler en emportant une trousse de pharmacie complète et purifiant trois litres d’eau chaque jour.
Alors que je ne fais que passer, eux s’installent dans l’écrasante chaleur, loin de toute infrastructure et à plusieurs jours de marche du prochain village. Il n’est pas rare qu’au détour d’une dune, mon chemin croise celui d’un habitant qui traverse ces étendues en tongs, sans même une bouteille d’eau à la main. Il en a pour quatre heures de marche, sans panneau indicateur, sans route ni chemin, avec un vent cinglant qui entrave chaque pas. Il y sera avant moi, et fera l’aller-retour dans la journée. Il regarde alors avec curiosité le sac de quarante litres que je transporte sur mon dos, s’étonne de me voir chargée de plusieurs gourdes et chaussée de rangers beiges déjà bien délavées par le soleil.
Le désert, océan de plastiques
Si le désert m’a offert une expérience extraordinaire, il m’a aussi fait peur. Et je ne parle pas de la peur irrationnelle et soudaine ressentie lorsqu’un 4×4 déboule en pleine nuit dans l’erg où ma tente lutte tant bien que mal contre les assauts du vent. Je parle de la peur teintée de honte, celle que l’on ressent tous en voyant l’état de la planète se dégrader sous l’effet de nos actions…et notre inaction.
Le désert est à l’instar de l’océan semblable à une matière vivante, sans cesse en mouvement. Comme les vagues façonnent la mer, les dunes érigent une structure temporaire, dont le tracé ne cesse de se modifier sous l’influence du vent. Comme l’océan, le désert est un lieu qui semble vide et cependant rempli de vie(s). Comme l’océan, le désert voit son âme rongée par l’un des plus puissants ennemis de la planète: le plastique.
« Le désert est beau parce qu’il est propre et ne ment pas. »
Théodore Monod
J’y ai en effet aussi découvert une pollution massive, semblable à celle que l’on peut retrouver au milieu de la mer, dans les endroits censés rester vierges et préservés. Des déchets étalés sur des kilomètres, parfois présents depuis des années et à peine altérés par le soleil brûlant. Canettes rouillées et centaines d’emballages peuplent les environs des villages, et balayés par le vent, se retrouvent jusque loin dans les dunes. En plein cœur du désert, le plastique provoque les mêmes ravages qu’ailleurs. Des résidus de notre façon de vivre, de notre habitude à la surconsommation, qui fait d’autant plus de dégâts dans cet environnement où il n’existe pas de système de collecte des déchets.
Cela frappe d’autant plus qu’habiter un environnement isolé et hostile tel que le Sahara contraint les populations locales à utiliser en premier lieu ce qu’ils trouvent dans la nature.
Leurs habitations sont des huttes de palmier tressé et ils réutilisent leur charbon en l’enterrant et le déterrant du sable selon leurs besoins. Ils ne connaissent pas le gaspillage alimentaire et économisent l’eau, connaissent les rythmes de la nature et se déplacent à pied ou à dos d’âne ou dromadaire. Aujourd’hui, les panneaux solaires leur permettent de vivre avec l’électricité et d’alimenter leurs pompes.
Ils vivent donc par défaut selon les principes du développement durable et me forcent à réfléchir sur la façon dont moi, citoyenne d’un pays industrialisé, je consomme.
Et pourtant, ce sont eux les premiers qui souffrent d’une pollution sans merci, justement parce qu’ils ont l’habitude de produire des déchets biodégradables qu’ils peuvent déposer dans le sable et qui seront rendus au désert par les colonies de fourmis argentées. Ce qui n’est plus le cas avec le plastique ou le métal.
Les nattes que les nomades tressaient autrefois avec des feuilles de palmier en sont le parfait exemple, aujourd’hui remplacées par des nattes en plastique, bien moins résistantes et polluant l’environnement qui finiront en microplastiques, disséminés à travers le désert.
Comme nous, ils n’ont pas conscience que leur consommation individuelle se répercute à une échelle bien plus grande. Cette production de déchets détériore leur lieu de vie, leur santé. Au delà de l’augmentation dans leur alimentation de produits industriels qui causent déjà des problèmes de santé non négligeables -aggravés par un accès limité aux infrastructures sanitaires- cette pollution touche également leurs animaux, qui se nourrissent des détritus qu’ils trouvent. Si cela ne pose pas de problème s’agissant de restes alimentaires, cela devient bien plus problématique lorsque les bêtes se nourrissent d’emballages, de morceaux de vêtements synthétiques…Il faut le voir pour le croire mais ces chèvres dont les habitants des villages boivent le lait et mangent la chair et qui constituent souvent leur principale ressource dévorent allègrement tout ce qu’elles trouvent des bouts de plastique aux mouchoirs.
Face au choc de voir le désert ainsi pollué, je me suis mise à réfléchir à l’impact que mon passage dans ces dunes aurait.
De fait, partir marcher dans le désert nécessite d’emporter de la nourriture, du matériel, suffisamment d’eau pour tenir jusqu’au prochain puits. Inévitablement, des déchets seront produits.
Comment faire pour les réduire au maximum? Forte de mon expérience, voici quelques astuces qui vous permettront de faire, à votre échelle, un geste pour préserver la beauté sauvage du désert.
« Le désert est toujours l’ailleurs, un ailleurs qui nous conduit au plus proche de nous-même. »
Jean-Yves Leloup
Ressources: Photos prises au Maroc et en Mauritanie (fin 2018 et début 2019) par Pauline L., Véronique B., Benoît B., Thierry P.
Article rédigé par Pauline Levieil, animatrice réseau Île de France au REFEDD.
Pour aller plus loin:
Articles:
Le Monde https://www.lemonde.fr/planete/article/2017/05/17/henderson-un-atoll-desert-et-isole-mais-couvert-de-plastique_5128781_3244.html
Tunisie numérique https://www.tunisienumerique.com/dechets-abandonnes-dans-le-sahara-de-tataouine-suscitent-des-interrogations/280835/
Vidéos:
Oumma: Les déchets menacent le désert algérien
Brut: Une éco-ville aux portes du Sahara
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