Le numérique aujourd’hui est devenu bien plus qu’un outil technique. Il permet de développer de nouvelles manières de travailler, de s’informer, d’agir… Mais ces pratiques ne sont pas toujours compatibles avec les enjeux de développement durable, notamment de par leurs impacts sur l’environnement et sur les inégalités qu’elles impliquent. Retour sur notre afterwork dédié aux métiers du numérique responsable à Lille.
Les appareils numériques ont un cycle de vie très impactant (en termes d’extraction de ressources et de consommation énergétique), les pratiques numériques ont un poids énergétique sous-estimé (dont on commence seulement à prendre conscience) et le numérique crée également des tensions sociales et de nouvelles inégalités, entre ceux.celles qui le maîtrisent, ceux.celles qui les subissent (avec l’ubérisation du travail par exemple) ou encore ceux.celles qui en sont éloigné.e.s. Un numérique au service du développement durable implique alors de réduire son empreinte écologique et d’intégrer les défis territoriaux, écologiques et sociaux que sont la lutte contre l’obsolescence et le gaspillage, la proximité et le lien social ou encore le respect des droits de l’homme et des libertés individuelles…
L’événement s’inscrivait dans le cadre de la campagne Ecosia on Campus et du partenariat entre le REFEDD et le moteur de recherche Ecosia. Ce partenariat a pour objectif de sensibiliser les étudiant.e.s et le personnel des établissements aux impacts du numérique. Ecosia est l’un des moteurs de recherche qui propose un modèle alternatif aux moteurs traditionnels. Les revenus publicitaires qui y sont générés par les recherches servent à financer des plantations d’arbres, et compense ainsi la production de CO2. Le moteur de recherche a également la particularité de ne pas divulguer les données de recherches des utilisateurs, ne les vend pas aux annonceurs et chiffre les recherches pour que personne n’y ait accès. En 2018, des étudiant.e.s américain.e.s ont lancé la campagne Ecosia on Campus, pour que les autres étudiant.e.s et leur établissement tout entier utilisent Ecosia. De nombreux étudiant.e.s se sont joints au mouvement autour du monde et ont lancé leur campagne pour des campus aux pratiques numériques plus responsables. En France l’université Panthéon-ASSAS, la Sorbonne ou encore SKEMA Business School se sont lancées. Le REFEDD soutient cette campagne et a produit pour l’occasion une fiche pratique pour un numérique plus responsable sur les campus à destination des étudiant.e.s, disponible en ligne.
Le numérique responsable, un thème d’avenir
Une grande majorité de métiers implique maintenant des pratiques numériques ou digitales sur lesquelles il est important de s’interroger. C’est pourquoi le REFEDD a choisi d’organiser cet Afterwork pour encourager la rencontre entre les étudiant.e.s, jeunes diplômé.e.s et professionnel.le.s sur ces questions. Les intervenant.e.s travaillent dans des domaines qui touchent au numérique responsable et étaient là pour nous présenter leur parcours, leurs missions et leur vision du numérique.
Nous avons donc eu l’occasion de découvrir le parcours de Myriam Limpens, chargée de mission Open Data à la Métropole européenne de Lille, Guillaume Martin, chargé de mission développement et valorisation du Service Public Métropolitain de la Donnée et Simon Maréchal, responsable régional Emmaüs Connect. Le quatrième intervenant, Quentin Oustelandt, co-fondateur et directeur des opérations de l’application Energic n’a finalement pas pu être présent.
- 1e intervenante : Myriam Limpens
Après une formation d’historienne, elle a commencé sa carrière dans la communication publique, notamment auprès de grandes marques. Soucieuse de donner un sens à son métier, elle s’est finalement orientée vers la fonction publique, notamment auprès de la ville de Tourcoing. Elle a commencé tardivement à s’intéresser aux questions du numérique, au travers de son poste de chargée de mission numérique pour la Ville de Tourcoing, puis surtout via le projet L.I.V.E dont elle a été responsable pendant deux ans. Ce projet, portée par les villes de Tourcoing, Roubaix et Marcq-en-Baroeul et cofinancé par l’Union européenne, a pour ambition de co-concevoir de façon innovante et conviviale La Ville En mieux ! L’objectif du projet est de créer des services numériques simples et utiles à tou.te.s et de réfléchir à la ville de demain dans une société du tout numérique.
Depuis quelques mois, elle est chargée de mission Open Data* à la Métropole européenne de Lille, au service Recherche et Développement. Elle s’intéresse à la question du traitement de la donnée par les acteurs publics. En effet, la MEL a mis en place un site internet qui regroupe des centaines de jeux de données réutilisables : https://opendata.lillemetropole.fr/
*Les Open Data, ou données ouvertes, sont des données auxquelles l’accès est totalement public et libre de droit, au même titre que l’exploitation et la réutilisation. La plupart du temps, elles proviennent du gouvernement et du secteur public. Il s’agit généralement de budgets, de cartes, ou de résultats découlant de recherches scientifiques.
- 2ème intervenant : Simon Maréchal
Après un master « Ingénierie de projets de coopération », Simon Maréchal a commencé sa carrière dans l’ONG Le Partenariat, dans le montage de projets de coopération internationale. Son parcours l’a ensuite amené à travailler dans une vision plus locale de la solidarité, en tant que chargé des partenariats et de la communication auprès de l’Abej Solidarité. Une association dont la mission est l’accueil, l’insertion, le soin, l’hébergement, le relogement et l’insertion socio-professionnelle de personnes sans domicile.
Il travaille depuis 2017 pour Emmaüs Connect, dont il est aujourd’hui responsable régional. Emmaüs Connect agit depuis 2013 dans la lutte contre l’exclusion numérique et pour que le numérique profite à tou.te.s et particulièrement aux personnes en précarité.
L’association agit sur le terrain au plus près des besoins des personnes en insertion et des professionnel.le.s qui les accompagnent. Elle conçoit des ressources pédagogiques et propose des ateliers pour s’initier aux services numériques clés, propose un accès solidaire à du matériel et à la connexion.
- 3ème intervenant : Guillaume Martin
Après des études de droit et un master d’ingénierie de projets en politiques urbaines, Guillaume Martin est entré directement à la MEL en tant que stagiaire « Mission Ville numérique » et pour coordonner le projet French Tech Lille. Embauché par la MEL, il a pu poursuivre ses missions au travers de divers postes en organisant des événements tels que les Jeudis du Numérique ou encore le Grand Barouf Numérique, un événement d’envergure européenne sur l’impact sociétal du numérique. Il a aujourd’hui rejoint l’équipe du Service Métropolitain de la Donnée de la MEL afin d’impulser une nouvelle dynamique dans les modes de diffusion des données au niveau métropolitain.
Table-ronde : Le numérique est partout !
Les intervenant.e.s ont pu faire ensemble un état des lieux du numérique aujourd’hui. Leur vision était unanime : nous sommes aujourd’hui entrés dans la société du numérique, qui évolue à une vitesse inimaginable. La question n’est plus aujourd’hui de faire du numérique ou non, mais bien quelle société du numérique nous voulons. En effet, les trois intervenant.e.s se sont exprimés sur leur volonté de voir émerger un numérique au service des territoires, des citoyen.ne.s et de l’environnement. Tous ont mis en avant également l’importance du monde associatif mais surtout des acteurs publics, et de leur responsabilité sur les questions du numérique. Les acteurs publics doivent en effet prendre leur rôle au sérieux et protéger les citoyen.ne.s des mésusages du numérique : utilisation abusive des données personnelles au niveau mondial, exigences de durabilité des appareils, accessibilité du numérique, etc. Ils ont questionné la cohérence du tout numérique, de la vie quotidienne des citoyen.ne.s à la dématérialisation des services publics, qui créent des situations d’exclusion numérique problématiques. Pour les intervenant.e.s, l’enjeu est aujourd’hui de faire un pas de côté pour prendre du recul sur nos pratiques numériques, au niveau collectif comme individuel, et se poser réellement la question de ses impacts, de ce qu’il nous apporte et de comment en faire un usage compatible avec l’intérêt général.
Les discussions ont été très riches entre les intervenant.e.s et les participant.e.s. Des inquiétudes sont notamment montées sur la question de l’usage des données personnelles faites par les grandes entreprises ou par certains pays. La salle s’est interrogée sur notre rapport au numérique comme symptôme de la société de consommation et sur les alternatives existantes. La discussion s’est conclue sur la nécessité d’éduquer et de sensibiliser les citoyen.ne.s, dès le plus jeune âge, à une utilisation responsable et plus sobre du numérique.
Pour aller plus loin…
- Fiche pratique “Le numérique responsable sur les campus” – REFEDD
- Publication “Numérique et Développement Durable : liaisons dangereuses ?” – CERDD
Article rédigé par Marion Pignel.