Que peut-on attendre des COP ?

Océane, étudiante de Sciences Po Rennes, a participé à la COP 25 à Madrid en tant qu’observatrice pour le REFEDD. Entre colère et déception, voici ce qu’elle en retient.

 

 

En ce vendredi, l’ambiance est aux au revoir. L’Espagne, enorgueillie de cette organisation zéro carbone nette,  passe la main au Royaume-Uni. Sous le son d’une cornemuse, la représentante du Royaume Uni a défilé fièrement à travers les allées jusqu’à sa conférence de presse pour déjà ouvrir ce qui sera la COP26 à Glasgow. Et pourtant, la mélodie résonnait comme un marche funèbre à travers la Feria de Madrid qui commençait à se vider de ses participant.e.s.

Certes, les parties n’ont pas fini leurs négociations, loin de là, elles y passeront encore la nuit entière. Mais pour les autres, il est temps de rentrer chez soi. Les cartons de déménagement laissent derrière eux les structures métalliques des pavillons qui avaient, deux semaines durant, accueilli moult personnalités et buffets.

Au pavillon français, nous revenons de la grande manifestation de 16h, qui avait débuté par un sitting de plus de 250 personnes dans la Feria et s’est terminé dans la rue. De nouveau y étaient réunis les groupes de jeunes, des activistes écologiques de tous pays, des groupes de représentant.e.s des indigènes et des groupes de représentant.e.s des droits des femmes. Nous y déplorions, une fois de plus, une fois de trop, une fois qui ne sera pas la dernière, que l’inaction des politiciens tue. Que des pays violentent et martyrisent leurs propres citoyens. On crie que notre futur est incertain. On implore des réelles décisions nationales. On menace de continuer toujours plus fort pour se faire entendre. Puis, les journalistes coupent l’antenne, les discours se terminent, les voix s’écorchent, les corps tremblent. Il est temps de rentrer.

Pour nous, l’heure est aux bilans. Il me vient alors une envie de pleurer. Je me demande ce qui suscite dans mon corps tant d’émoi, et je réfléchis à cette semaine passée. Je comprends très vite que ce sentiment vient de ma déception énorme et du sentiment d’injustice qui m’a animée durant ces jours. Alors je me demande: qu’est ce que j’attendais de cette COP ? Trop d’espoirs sans doute ont été mis dedans ? Qu’est ce qui peut concrètement y être fait ? 

Et de là, je me rends compte que simplement, j’avais trop attendu de ce sommet. Une réunion inter-étatique, aussi impressionnante soit-elle, ne peut promettre monts et merveilles. Sylvain parle d’un échec du multilatéralisme avec l’article 6. Je vais essayer ici de nuancer cette vision.

Au final, attendons-nous trop des États ? Les mauvais politiciens ruinent-ils vraiment notre planète et est-ce nous-mêmes qui leur donnons, à travers nos attentes, les bâtons pour nous faire battre ?

Ne pas attendre de réponse miracle

On nous dit de crier, mais pas trop fort. De manifester nos opinions, mais de ne pas nous faire voir. De continuer à faire pression, mais de loin. De dialoguer, mais entre nous. Que la présence de jeunes à la COP est nécessaire, mais qu’au final ce n’est pas important. Que leur voix doit être entendue, mais pas écoutée. Bref, on nous dit noir et blanc à la fois, pour finir sur un gris, terne, triste, étouffant, morose, pessimiste et sans ambition. 

Lors de nos rencontres consécutives avec la délégation française, avec la présidence de la COP et celle de l’ONU, est rappelé par ces haut.e.s dirigeant.e.s que “ce que vous demandez ne peut se faire au niveau de la COP mais bien au niveau étatique”. Certes, mais après au niveau étatique on nous rappelle l’alignement sur le droit européen et international. Au final, la COP sert juste à montrer que “les autres pays font aussi des efforts, pour ne pas se sentir isolés” comme l’indique entre deux bouchées de croissant ce.tte délégué.e français.e. Une fois de plus, c’est le serpent qui se mord la queue. Au plus haut niveau de l’inter-étatisme, on nous martèle l’important du local. Au niveau local, on est désœuvré face à l’imposition de normes venues de trop loin pour comprendre. Tout le monde met la responsabilité sur tout le monde, et au final personne ne prend en main la question. Mais doit-on attendre que quelqu’un ou quelque chose la prenne en main ? 

La chimère d’une transition douce ?

Face aux changements climatiques, il y a deux écoles:

  • D’un côté, une grande majorité croit à une transition douce: remplacer les voitures à explosion par des voitures électriques, les énergies non-renouvelables par des énergies renouvelables, les abeilles par des drones, remplacer le chauffage par une meilleure isolation etc. En soi, l’idée est que l’on va maintenir notre système économique et politique actuel avec des ajustements à la marge.
  • De l’autre, ceux qui croit en une une transition brutale, un changement global, une véritable «révolution» dans sa définition que l’on va arriver à un changement brusque. La transition vers un nouveau modèle ne va pas se faire sans compromis. On parle de sobriété, de retour vers nos besoins primaires. Il faut s’extraire du paradigme consommateur post année 40, et d’une façon plus inédite, repenser l’exploitation de la nature par l’homme. Il n’est pas question de remplacer une consommation par une autre, mais bien de requestionner l’importance de cette consommation.

Là est toute la complexité de la question climatique, c’est qu’elle va entraîner durant les prochaines décennies un changement total, qui ne va pouvoir s’opérer au même titre que l’on réforme le système de retraite par exemple. Il n’y aura pas une réforme climatique, mais bien une “révolution climatique” comme furent les précédentes révolutions industrielles et numériques. 

Des COP nécessaires, mais pas suffisantes.

La réglementation internationale est importante, tout comme le sera le système de réglementation européen et national. Là est toute l’importance des COP. On ne peut penser ce changement seulement par des actions individuelles mais bien par un mouvement global, novateur et motivant. Il faut garantir qu’il ne va pas y avoir de laissés de côté dans cette marche mondiale pour adapter l’humanité à de nouvelles conditions environnementales.

Cependant, avec la COP de Madrid, on se rend compte que cette marche va entraîner de nouvelles inégalités mondiales entre les pays qui ont les capacités sociales et économiques de s’adapter à des changements plus ou moins importants, et d’autres qui les subissent de plein fouet dans un système économiquement, socialement et politiquement fragile. On garde nos revendications individuelles et on ferme les yeux face au mur qui nous est de plus en plus proche, et puis tant pis pour les perdant.e.s ! La COP de Madrid a échoué notamment car elle n’a pas intégré les notions de droits humains dans son marché carbone et n’a pas statué sur la notion des Loss and damages. On entre de le cœur de cette guerre: la question financière et de responsabilité historique hantent les esprits de chacun.

Alors lors oui, il y a des ambitions derrière les COP. Mais pour ceux qui vont devoir ouvrir leurs porte-feuilles, la notion de justice climatique ne doit rester qu’un mot. L’individualisme de la modernité s’intègre au niveau le plus multilatéral. Les intérêts nationaux d’abord, et comme dit le Brésil : «L’Amazonie peut devenir un désert, tant qu’elle reste brésilienne». Alors que le spectre des millions de réfugié.e.s climatiques et de prochains conflits territoriaux et d’accès aux matières premières menacent la sécurité et la paix mondiale, on continue de se positionner dans le marché mondial, et pas question de perdre en compétitivité. Voilà la faille de notre monde actuel, incapable de se sauver car bloqué dans un modèle destructeur et aveuglant. Désolée pour nous, mais la question climatique ne sera pas réglée avec un simple cadre juridique, même s’il est nécessaire.

 

Prenons nos responsabilités individuelles

La transition vers un monde plus durable se fera aussi et surtout à travers des choix. Des choix des élu.e.s comme des consommateur.trice.s dans différents domaines de notre vie quotidienne. Des choix des grandes entreprises multinationales comme des artisan.e.s et producteur.trice.s locaux. Mais surtout, un choix politique d’une réappropriation de ses droits de citoyen.ne.s (voter, manifester, se syndicaliser, se réunir en association, intégrer des partis politiques…). Le choix de subir ou d’agir.

Voilà pourquoi il ne faut pas tant attendre de la COP, car ce ne sont pas une poignée de négociateurs.trices de métier, venu.e.s représenter des positions nationales définies durant l’année et avec lesquelles ils.elles devront s’aligner, qui vont révolutionner le monde. L’action multilatérale est lente, très lente, trop lente quand il faut mettre d’accord des pays aux intérêts si divergents. Il faut comprendre qu’étaient réunis des pays comme les îles Tuvalu qui voient leurs terres disparaître sous la monté des eaux et l’Arabie Saoudite qui a basé son développement sur la vente du pétrole. Des pays comme l’Inde qui représente un septième de la population mondiale avec tous les défis de pauvreté que cela engendre et d’autres comme la Suède, qui en représente deux millième. Des pays comme le Pérou dont l’Amazonie représente la moitié de son territoire et d’autres comme la France qui a déjà, depuis des siècles, exploité ses forêts.

Arriver à un consensus  est compliqué, d’autant plus que cela se fait dans une langue qui n’est pour la plupart pas leur langue natale, avec donc des définitions différentes des mots employés… Et quand bien même l’article 6 sera acté, doit-on rester dans un système de marché, qui a déjà engendré l’écocide que nous connaissons actuellement, pour espérer nos sauver ? Doit-on attendre des entreprises, dont les raisons d’être restent la productivité économique, de nous sauver d’un système sclérosé qu’elles soutiennent ? Doit-on laisser les populations les plus exposées mourir en silence ? Ou bien fermer nos frontières aux  millions de réfugié.e.s climatiques qui fuiront les sécheresses, les montées des eaux, les épuisements des sols, la contamination de l’air, ou pire, les catastrophes nucléaires? Serons-nous ces prochains réfugié.e.s ?

Non, le changement climatique ne va pas s’arrêter, tel le nuage de Tchernobyl, merveilleusement à nos frontières invisibles. Il est déjà dans nos terres, dans notre air, dans notre alimentation. Notre environnement change et nous changeons avec. Maintenant, la question est de savoir si nous voulons subir ces bouleversements environnementaux ou bien nous réintégrer dans une nouvelle symbiose entre l’homme avec la nature ?

Article rédigé par Océane Legatelois, observatrice à la COP 25 pour le REFEDD.