Naturalia, Bio c’bon, Biocoop, La vie claire, L’Eau vive, Les nouveaux Robinsons, Carrefour bio… Les enseignes proposant du 100% bio fleurissent à vitesse grand V dans nos rues et nos villes depuis quelques années. Comment s’y retrouver et comment choisir ? On vous donne quelques clés pour comprendre les différences et faire des courses éthiques et socialement responsables (en plus d’être bio).
Ca y est, vous venez de décider de remplir désormais au maximum votre frigo et vos placards de produits issus de l’agriculture biologique ! Vous parcourez les rues voisines de votre chez-vous pour faire l’inventaire des magasins où vous allez pouvoir vous approvisionner. Et là, surprise : alors que vous pensiez devoir parcourir quelques kilomètres avant de devoir trouver un magasin bio, il en existe en fait plusieurs au pied de votre nid. Mais alors, lequel choisir ?
Les trois critères du manger responsable
Mais ça veut dire quoi en fait « manger responsable » ? Et oui, quand on veut manger bio, on pense tout de suite à des produits sains, c’est-à-dire avec des bienfaits et un apport limité en substances néfastes (allergènes, cancérigènes…). Mais finalement, on peut aussi y ajouter d’autres critères, et tout d’abord celui de l’éthique. Depuis quelques années, les producteur.rice.s ont de plus en plus de mal à vivre de leur travail. Manger bio peut permettre de les soutenir ! Je m’explique : dans les circuits traditionnels, l’intermédiaire ou les intermédiaires achètent à prix très bas aux producteur.rice.s et revendent au consommateur.rice beaucoup plus cher en prenant une marge, souvent très avantageuse.
De plus, réduire les intermédiaires permet aussi de s’informer plus facilement sur les conditions de production et donc l’origine de son produit. Enfin, le dernier critère est évidemment écologique : manger responsable, c’est s’assurer que ce qu’on achète a été produit dans le respect de l’environnement. Mais il faut prendre ce critère dans sa globalité, en considérant le produit depuis sa production jusqu’à son arrivée dans notre assiette (transformation, transport…).
La bio dite « de supermarché »
Face à l’attrait grandissant des consommateur.rice.s pour les produits biologiques, les supermarchés n’ont pas tardé à se lancer dans la course en développant leurs propres marques et en proposant des gammes bio dans leurs magasins (ou en ouvrant des boutiques spécialisées). C’est Cœur de Nature (groupe Auchan), Naturalia (groupe Monoprix), ou encore Carrefour Bio (groupe Carrefour) dont le modèle essaime peu à peu partout en France. Aujourd’hui, près de 50% des produits bio vendus en France le sont dans les grandes et moyennes surfaces, contre 35% dans les magasins spécialisés et le reste en vente directe.
Deux problèmes se posent lorsque l’on achète dans ces supermarchés. Le prix tout d’abord, puisque c’est en général sur les produits bio que les distributeur.rice.s récupèrent la plus grosse marge (jusqu’à 35/40% du prix du produit contre 25/30% pour leurs produits non bio). Même si leurs produits bio reviennent en général moins cher que dans les magasins spécialisés en bio, l’argent part directement enrichir les gros groupes et leurs actionnaires et n’est pas ré-injecté au niveau local, vers les producteur.rice.s. En plus de ça, ces groupes créent leurs propres labels, qui n’ont aucun rapport avec les logos nationaux puisqu’ils sont contrôlés par les enseignes elles-mêmes. C’est une manière de tromper le consommateur.rice.
Supermarché et bio : deux modèles a priori incompatibles
Ces supermarchés dédiés totalement ou en partie au bio font cependant partie des grandes enseignes traditionnelles, et sont construit sur le même modèle. Même s’ils sont parfois réellement engagés dans la démarche du bio, leur façon de travailler reste la même que dans les supermarchés traditionnels non-bio, notamment au niveau social. En effet, pour garantir des prix toujours plus bas, les distributeur.rice.s importent du bio depuis des pays où la main d’œuvre est peu chère, sans chercher à valoriser et à soutenir les petits paysans. Puisque quelques grands groupes seulement captent l’essentiel de la vente de produits alimentaires, ils ont aussi le pouvoir de négocier les prix sans cesse à la baisse auprès des producteur.rice.s. Ceux-ci, sous la pression des prix, peuvent rapidement tomber dans l’industrialisation de leurs méthodes de production pour être plus compétitif.
Et de fait, les grands groupes ne prêtent pas vraiment attention aux conditions de culture de ces produits pourtant bio : le rendement est le plus important, ce qui conduit à vendre des produits issus de cultures hors-sol, de monocultures démesurées… Ce n’est pas la qualité qui prime ! En effet, la réglementation européenne du bio nous garantit des produits sans pesticides chimiques et engrais de synthèses. Or tous les procédés cités ci-dessus, plus bien d’autres encore comme la précarité des travailleur.se.s ou les importations depuis l’autre bout du monde ne sont pas interdites. Et ces importations sont massives dans le cas des grands distributeur.rice.s, avec un coût écologique énorme qui peut être facilement réduit en privilégiant la proximité et le local.
Face à eux, les coopératives : pionnières du bio
C’est en 1948 que la première coopérative de produits bio, La Vie Claire, est lancée. Aujourd’hui, ce réseau compte 265 magasins partout en France. Pionnier du secteur, il perd du terrain depuis quelques années face à Biocoop, qui compte plus de 450 magasins et réalise un chiffre d’affaire bien supérieur. Les deux réseaux se différencient cependant sur bien des points. Par exemple, Biocoop propose au maximum des produits locaux grâce à ses 4 plateformes d’approvisionnement réparties sur tout le territoire, quand La Vie claire n’en a qu’une. Ce sont des centrales auxquelles les magasins du réseau font leurs commandes et qui livrent ensuite tous les magasins d’une aire géographique. Les centrales ont des produits similaires mais proposent également des produits locaux, par exemple des galettes bretonnes pour la plateforme Biocoop de Rennes.
De même, Biocoop valorise le commerce équitable puisque 20% de ses produits en sont issus, contre 1% environ pour la concurrence (les chiffres précis ne sont pas divulgués par les autres groupes). Les deux réseaux se différencient également au niveau de leur gouvernance. En effet, La Vie Claire fonctionne désormais sur le modèle classique du réseau, en comptant des magasins en propre mais également sur le modèle des franchises : les décisions sont prises par le franchiseur à la tête du réseau, qui peut consulter les magasins. Du côté de Biocoop, les décisions sont prises par 4 collèges puisque c’est une coopérative : magasins, producteur.rice.s (17 groupements actuellement), salarié.e.s et associations de consommateur.rice.s. C’est un modèle unique puisque les associé.e.s ont chacun une voix et élisent leurs dirigeant.e.s en assemblée générale. Les bénéfices sont réinvestis dans la coopérative et reversés aux associé.e.s.
Finalement, en achetant bio, on peut aussi promouvoir un modèle social ! On voit bien qu’éthiquement parlant, les pratiques de la grande distribution et le développement durable sont difficilement compatibles. Le prix des aliments dans les magasins spécialisés peut cependant être un frein. Il faut guetter les petits prix (« La bio je peux » chez Biocoop), privilégier le vrac… On peut aussi se tourner vers des coopératives locales, où l’on devient nous-mêmes adhérent.e.s, ce qui permet de réduire le prix des produits tout en restant dans une logique éthiquement et socialement acceptable. Cela permet aussi de s’insérer pleinement dans l’économie locale. Ce modèle se développe dans plusieurs villes de France, au-delà des magasins spécialisés : Scopéli à Nantes, Supercoop à Bordeaux ou encore La Louve à Paris (vous pouvez retrouver l’article de Cassandre à ce sujet ici) !