Lors du WESES 2022, le RESES a réuni Katrin Millock, Lucie Pélissier et Brice Laniyan afin de déconstruire les préconçues autour des migrations climatiques, d’échanger avec les étudiant.e.s sur des pistes de solutions en France et à l’international.
Pour déconstruire les suppositions autour des migrations climatiques, la première question qui a été posée était celle de la définition. En effet, c’est une question essentielle car le terme “migrant.e climatique” ou « réfugié.e climatique” n’a aucune définition juridique, ce qui signifie qu’aucun statut juridique ne reconnaît donc ne protège pour le moment les migrants climatiques, que ce soit dans le droit international ou international.
Définir les migrations climatiques, c’est donc d’abord définir ce qu’on entend par migrant.e : est ce qu’une personne réfugiée est considérée comme migrante ? Comme le précise Bruce Laniyan, le statut de réfugié.e a été défini par la convention de Genève : c’est une personne qui est sortie de son pays pour des raisons de persécutions au sein de son pays, et qui ne peut pas se prévaloir de protections au sein de son territoire. Il est donc difficile de parler de réfugié.e quand on parle de migrations climatiques. Pour autant, les migrations sont multi-factorielles et il n’est donc pas toujours facile de déterminer pourquoi une personne migre. Un.e migrant.e peut quitter sa région pour des raisons environnementales et économiques et peut devenir migrant.e politique en fonction d’où il et elle va et de son parcours : si cette personne va dans un pays en guerre, elle continuera à se déplacer et deviendra une réfugiée, etc. Cela crée des problèmes de statut, et l’on regarde plus d’où viennent les migrant.e.s que leur parcours.
Par ailleurs, la question des migrations a également été questionnée : Qu’est ce qu’on considère comme migrations ? d’une ville à une autre ville, d’un pays à un autre pays ? Il faut savoir que pour être déplacé.e.s climatiques, il n’y a pas besoin de se déplacer très loin. Reculer de quelques mètres car la mer monte, c’est aussi se déplacer.
Pourquoi le sujet des déplacé.e.s climatiques est-il un sujet d’actualité ?
Selon Katrin Millock, les fréquences des événements extrêmes vont augmenter, et ce, de plus en plus proche de chez nous (feux de forêts, disparition de territoires dû à la montée des eaux etc.). En 2050, selon une projection de la Banque mondiale, 216 millions de personnes seront touchées uniquement sur les critères de la rareté de l’eau et la montée des eaux à l’intérieur même des pays. Il faut néanmoins rappeler que ces chiffres diffèrent selon les pays : le pourcentage de personnes déplacées sera beaucoup plus important dans les pays d’Afrique subsaharienne que dans les pays du Nord, ce qui ne veut pas dire que les pays du Nord ne subiront pas de conséquences.
Une illustration : L’accès à l’eau
L’accès à l’eau va ainsi poser de vraies questions sociétales dans peu de temps et partout dans le monde. Partons d’un exemple, le Chili, pays qui possède beaucoup de métaux utiles à la transition énergétique. Le problème, c’est que ces métaux demandent beaucoup d’eau alors même que de nombreuses personnes n’ont déjà pas accès à l’eau, ce qui crée dès à présent de nombreuses tensions. Cet exemple peut être transposé en France où il existe également des tensions, même si elles sont moins fortes. Les agriculteur.rice.s sont prioritaires pour l’eau mais la question de l’accès à l’eau potable se posera. La question d’accès à l’eau est donc directement liée à la transition écologique et ce n’est que par le prisme de la justice sociale qu’elle pourra être résolue.
Justement, quels liens peut-on faire entre justice sociale et déplacé.e.s climatiques ?
Pour garantir le droit de ces déplacé.e.s climatiques, comme le souligne Lucie Pélissier, il faut une justice sociale et climatique vis-à-vis de la culpabilité des différents Etats dans les émissions de CO2. Les classes les plus riches sont coupables des dérèglements climatiques et ce sont les classes les plus pauvres qui subissent le plus d’impacts.
“ On le voit déjà à Paris par exemple : les personnes avec le moins de moyens sont celles qui habitent proche du périphérique, et respirent un air moins bon.”
L’adaptation aux changements climatiques est également différente selon la richesse. L’exemple des Pays-Bas et du Bangladesh est marquant. Ces deux pays, qui présentent les mêmes caractéristiques géographiques, se retrouvent tous les deux en dessous du niveau de la mer. Cependant, les Pays-Bas, pays riche, a pu construire des digues et aménager son territoire afin de se protéger alors que le Bangladesh n’a pas eu les moyens financiers de se protéger, ce qui cause des inondations fréquentes et meurtrières.
Selon Brice Lanyan, la réflexion doit être menée à l’échelle locale et nationale. Les déplacé.e.s climatiques doivent et devront avoir accès à l’eau, à un logement. Iels ont également le droit à un environnement sain, à l’air pur… Comment garantir ces droits quand ils et elles se déplacent ?
Un début de réflexion a été entamé avec la loi climat, qui prévoit par exemple de répondre à la problématique de l’avancée de la mer par des indemnités. La réflexion du côté législatif a donc été lancée mais elle est complexe à mettre en place, alors même que les phénomènes de migrations ne cessent de s’accentuer. A l’échelle internationale, il faut absolument que les traités internationaux prennent en compte que ce sont les habitant.e.s des petits Etats insulaires, qui n’ont pas contribué au dérèglement climatique, qui devront se déplacer. Il est donc primordial d’intégrer cette dimension dans les négociations et accords internationaux.
Et à l’échelle de la France ?
Comme l’ont montré Katrin, Lucie et Brice, les migrations climatiques ont déjà commencé au sein même du territoire français.
Comme Lucie le précise, “c’est vrai qu’on pense souvent au Bangladesh, aux Brésiliens, etc. Mais on se rend compte qu’on a des situations similaires en France. Seulement, on ne le nomme pas pareil. Si un quartier est inondé en France on va parler de sinistré.e.s et non de migrant.e.s climatiques. Et les catastrophes sont beaucoup plus inédites.”
“En France il faut d’abord que ce soit reconnu comme une catastrophe naturelle pour être indemnisé par une assurance. C’est déjà une chance pour pouvoir se reconstruire ensuite. Mais l’assurance veut que la maison soit reconstruite au même endroit. Cela pose un problème si la zone est devenue inondable avec l’avancée du niveau de la mer. Cela entraîne des problèmes administratifs ; auxquels s’ajoute le traumatisme psychologique aussi. C’est très long comme processus et la question des assurances sera vraiment importante dans les prochaines années.”
La réponse est claire selon Katrin Millock, il faut développer une bonne adaptation. Ce problème d’assurance est l’exemple d’une mauvaise adaptation.
“Il faut comprendre que ça nous coûtera beaucoup moins cher si on prend des mesures maintenant.”
Parce que des images parlent parfois plus souvent que des mots, vous pouvez retrouver le document de Lucie sur Imago TV “Les déplacés climatiques”
Article rédigé par Marie Cavaniol