Gabin, observateur pour le REFEDD à la COP 25, a rencontré Marie Auma, activiste ougandaise.
Pour commencer, petite présentation :
Je m’appelle Maria Auma et je viens d’Ouganda. Je dirige BLI Global, un organisme à but non lucratif qui se concentre sur la collecte de fonds et la mise en œuvre de projets dans les domaines de la santé, l’éducation et l’environnement. J’ai créé l’organisation en Ouganda et j’ai étendu mes activités à d’autres parties du monde, notamment en Asie et dans d’autres pays d’Afrique.
Pourquoi as-tu commencé à t’engager pour le climat? Comment as-tu été sensibilisée à ces questions ?
Je me suis engagée dans l’action pour le climat l’année dernière, lorsque je me suis rendue en Autriche pour une conférence sur les enfants et la nature. À ce moment-là, je ne comprenais pas à quel point les impacts du changement climatique étaient graves et combien d’efforts étaient nécessaires pour élargir nos ambitions. Certaines des présentations, comme celles concernant les sécheresses qui ont eu lieu dans certaines régions du Zimbabwe et la perte de biodiversité, m’ont fait comprendre que je vivais dans une bulle. À l’époque, j’étais encore dans le secteur privé et je faisais des investissements de contrepartie dans les énergies renouvelables.
De retour en Ouganda, j’ai décidé de restructurer mon organisation pour me concentrer sur des actions concrètes d’éducation et d’autonomisation des jeunes enfants et des jeunes. Notre première grande action fût de participer à la Journée mondiale de l’environnement. Cette année-là, la Direction du développement et de la coopération (DDC) avait lancé une campagne, visant à inciter les enfants à concevoir des cartes postales contenant des messages clés, demandant à leurs gouvernements d’agir lors de la COP24 à Katowice. Nous avons rassemblé plus de 10 000 cartes postales, provenant de 10 pays du monde entier. Ce fût l’un des projets les plus enrichissants que j’ai jamais réalisés à ce jour, car j’ai appris que les enfants et les jeunes sont encore plus intelligents que nous ne le croyons.
Quelles sont les actions que tu mets en place ?
Depuis l’année dernière, nous avons mené un certain nombre de projets communautaires, dirigés par des jeunes en Ouganda, au Nigeria et au Bangladesh. Le plus récent est celui avec l’UICN Bangladesh, projet où nous avons sensibilisé le public aux espèces de dauphins en danger, notamment ceux de l’Irrawaddy. Nous menons également un projet au Nigeria sur l’amélioration de l’accès à l’eau potable et aux installations sanitaires dans les communautés qui en ont besoin. En outre, nous menons un projet en Ouganda pour aider les femmes à accéder à des solutions énergétiques propres afin d’accroître leur productivité et d’améliorer leurs revenus pour qu’elles puissent se nourrir et offrir un meilleur avenir à leurs familles.
Qu’est-ce qui te donne de l’espoir en tant qu’activiste pour l’environnement ?
Je pense que le mouvement Fridays for Future m’a vraiment revigoré, surtout vers la fin de cette COP. Nous voyons des jeunes prendre des mesures braves et courageuses pour dénoncer la bureaucratie du système des Nations Unies. En tant que jeune militante, il m’arrive parfois d’être tellement occupée à suivre les négociations que cela peut être décourageant quand on ne voit aucun progrès. Mais ensuite vient le mouvement Vendredi pour l’avenir qui vous donne de l’énergie et vous donne envie de continuer. Et honnêtement, le changement prend du temps, mais le fait que nous ayons un mouvement de jeunes qui continuent… quoi qu’il arrive… me donne un espoir si incroyable !
Est-ce que ça te décourage d’entendre que les gens n’en ont « rien à faire » du problème du changement climatique ? Qu’est-ce que tu aimerais leur dire pour les convaincre d’agir ?
Je pense qu’un jour ou l’autre le monde, en particulier les négationnistes du climat, se convertira même lentement. La meilleure façon d’amener les gens ordinaires à être conscients est de leur expliquer comment cette urgence climatique va les affecter sur le plan personnel. Parfois, nous commettons l’erreur de citer des articles savants, peu accessibles, et oublions que les gens veulent pouvoir s’informer en termes simples. Alors, ramenons cette urgence à la maison ! Il faut leur montrer qu’il suffit d’éteindre l’interrupteur lorsque vous n’utilisez pas l’ampoule ou la télévision, ou que marcher au lieu de prendre un taxi peut faire beaucoup pour inciter les gens à changer leurs habitudes. De plus, en général, les convertis au climat sont convertis par leurs proches, alors commencez par ceux qui sont près de chez vous.
Qu’est-ce que tu dirais à quelqu’un qui souhaite passer à l’action ?
Je dirais que nous avons besoin de tout le monde sur le pont. Ils ne doivent pas être dépassés par tout ce qu’il y a à faire mais plutôt se concentrer sur ce qu’ils peuvent faire, selon leurs moyens. Souvent, la réponse réside dans vos talents. Je vous dirais donc de commencer et de partir de là.
Qu’est-ce que tu répondrais à quelqu’un qui dirait que « les jeunes ne peuvent pas mieux savoir, mieux agir que les adultes » ? Est-ce que ça t’es déjà arrivé ?
Oui, et la meilleure approche est de se concentrer sur ce que vous faites, de le faire avec passion et de les ignorer avec amour. La meilleure chose que vous puissiez faire dans ce voyage est de vous entourer d’esprits positifs et de protéger votre santé mentale.
Pour conclure, qu’est-ce que tu aimerais dire maintenant aux politiques et aux entreprises ?
Passez de la parole aux actes !
Interview réalisée et transcrite par Gabin Dournelle, observateur à la COP 25 pour le REFEDD.