La Conference of the parties de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, vingt-cinquième du nom, s’ouvre ce lundi 2 décembre pour deux semaines. Quels enjeux pour les négociations climatiques sur la scène internationale ?
Cette COP 25 se tient à Madrid alors que le Chili a annoncé il y a un mois qu’il n’accueillerait pas la COP à Santiago. Cependant l’État sud-américain reste président de cette conférence. Il s’agit, dans la lignée de celle de l’an dernier de fixer les règles d’application de l’Accord de Paris signé en 2015 lors de la COP 21 par 196 pays.
Quel état des lieux après la COP 24 et le rulebook de l’Accord de Paris ?
La COP 24, l’an dernier, a abouti à un document conséquent (le rulebook) qui fixe les règles d’application de l’Accord de Paris. Ses principes sont la transparence, le suivi des engagements, le rehaussement des ambitions et le fait que tous les pays s’engagent, à la hauteur des efforts qu’ils peuvent fournir : aussi bien les pays développés que les pays en développement ou à faibles revenus. En fait, l’Accord de Paris (une vingtaine de pages) donne surtout des objectifs généraux à l’échelle du monde, dont le plus connu est de « conten[ir] l’élévation de la température moyenne de la planète nettement en dessous de 2°C par rapport aux niveaux préindustriels et en poursuivant l’action menée pour limiter l’élévation de la température à 1,5°C » [1]. Ensuite, il s’agit de les mettre en application ! Par exemple, l’article 9 oblige les pays développés à fournir des ressources financières publiques pour venir en aide aux pays en développement. Ce n’est qu’un objectif général. Le rulebook détaille précisément comment les pays doivent en rendre compte, tous les 2 ans, sur quel support financier, quels sont les montants exacts libellés en devise locale et en dollar états-unien, etc. Ce rulebook a été finalisé de justesse à la fin de la COP24. Seules les négociations sur les mécanismes de marché n’ont pas abouti (l’Article 6).
La COP 25, pour quoi faire ?
Il s’agit donc de négocier les règles d’application des mécanismes de marché, qui sont des mécanismes d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre. L’article étant fondamental pour l’Accord de Paris [2], les négociations sont ardues. Le Brésil les avait notamment bloquées l’an dernier. Ces règles sont cruciales car elles vont encadrer les possibilités pour les États de poursuivre des activités émettrices dès lors qu’elles sont compensées par des achats de quotas d’émission. Par exemple, une compagnie aérienne peut acheter des quotas d’émissions qui financent une infrastructure de production hydroélectrique ; dès lors les émissions de la compagnie pourraient ne pas être prises en compte car compensées. Cependant il faut être très vigilant avec les fraudes, qui avaient miné le Protocole de Kyoto, et aux doubles comptes (que le pays où sont achetés les quotas et celui où ils sont vendus puissent tous les deux réduire leur chiffre d’émissions nationales). Il faut aussi encadrer ces mécanismes pour qu’ils ne s’agissent pas d’une nouvelle répartition géographique des émissions mais bien d’une réduction, à l’échelle du monde. Les droits humains sont aussi au centre des conséquences de ces mécanismes de marché, à travers des projets d’investissements dans la vente de droits à polluer.
Les financements climatiques doivent être soutenus, notamment après le désinvestissement des États-Unis du Fonds vert pour le climat. En effet, l’objectif de financement à hauteur de 100 milliards de dollars par an d’ici 2020 a atteint 71 milliards en 2017 [3]. À la COP 25, il sera aussi discuté des pertes et dommages via une évaluation du mécanisme international de Varsovie qui manque de moyens d’actions pour aider les pays les plus vulnérables face au changement climatique. Il s’agit aussi de discuter agriculture, transfert de technologie, éducation, transparence, genre, communautés locales et peuples autochtones et bien d’autres choses dont vous entendrez sûrement parler sur les canaux du REFEDD !
Avoir des ambitions à la hauteur de l’objectif
Cette COP doit aussi rappeler aux parties de rehausser leurs ambitions. En effet, les pays doivent présenter en 2020, en amont de la COP 26, de nouveaux objectifs de réduction des émissions nationales (les iNDC pour Intended Nationally Determined Contributions). Il s’agit, tous les cinq ans, de présenter des objectifs de réduction des émissions sur le territoire national à moyen et long-terme (celui présenté pour l’UE à la COP21 était par exemple une réduction des émissions d’au moins 40 % de 1990 à 2030 et 80–95 % d’ici à 2050). Les événements de la présidence chilienne de la COP devrait motiver les pays à agir en ce sens, tout comme l’a fait le Secrétaire général de l’ONU, António Guterres, en septembre 2019 lors du sommet spécial sur le climat. Mais le manque d’engagement est poignant et les objectifs nationaux ne permettent pas du tout de respecter la trajectoire de l’Accord de Paris (figure).
De plus, ces contributions ne sont pas contraignantes en tant que telles car les États sont souverains sur la scène internationale. Seuls les mécanismes de transparence sur les émissions et de mise en conformité disposent d’aide à respecter les obligations.
Une COP technique ?
Assurément ! Au-delà des grands objectifs définis lors de l’Accord de Paris, il s’agit maintenant de le rendre totalement opérationnel en détaillant précisément les règles d’application, de se donner les moyens de l’action et d’accompagner les pays vers plus d’ambition tout en ayant des garanties sur les droits humains. Cependant, cette volonté internationale est bien ébranlée par des décisions de désengagement majeur comme celles des États-Unis ou des postures de blocages (Arabie saoudite, Russie, Brésil…).
Pour aller plus loin :
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- COP25 : le décryptage détaillé des enjeux, Réseau action climat, 27 novembre 2019.
Sources :
1. Extrait, article 2.1.a, CCNUCC, version française ;
2. « In-depth Q&A: How ‘Article 6’ carbon markets could ‘make or break’ the Paris Agreement », Carbon Brief, 29 novembre 2019 ;
3. « Le Fonds vert pour le climat va recevoir 9,8 milliards de dollars », Le Monde, 28 octobre 2019 ;
4. «Climate Action Thermometer » , Climate Action Thermometer, Climate Analytics, NewClimate, 19 septembre 2019.
Article rédigé par Rodrigue et Aline, étudiant.e.s observateur.trice.s à la COP25 pour le REFEDD.