N’aura-t-on jamais fini de parler du Brexit ? Le Royaume-Uni a quitté définitivement l’Union européenne (UE) au 31 décembre 2020, se soustrayant ainsi aux règles communautaires comme le système de marché carbone européen ou les nouveaux objectifs climatiques de l’UE. Tout le monde s’est alors posé la question : sans la pression de l’UE, le Royaume-Uni va-t-il perdre toute ambition climatique ? Bon, peut-être pas tout le monde… même peut-être pas grand monde. En tout cas, au Refedd, on s’est posé la question. Alors, vous reprendrez bien un peu de Brexit ?
Petite rétrospective du Brexit
Le 23 juin 2016, le « Leave » l’emporte au référendum avec 51,89% des voix. S’ensuivent plusieurs cycles de négociations, de multiples reports, et deux démissions à la tête du Royaume-Uni (James Cameron le lendemain du référendum et Theresa May en juin 2019). En janvier 2020, un accord de sortie est enfin trouvé et est adopté par le Parlement britannique et le Parlement européen. Celui-ci fixe la sortie officielle au 31 janvier 2020, date qui entame une période de transition de 11 mois, rythmée par un nouveau lot de négociations.
Le 31 décembre 2020 – enfin – l’accord de sortie entre en vigueur. En ce qui concerne la relation commerciale, l’accord pose des conditions de concurrence équitables entre les entreprises britanniques et européennes, impliquant notamment que le Royaume-Uni s’engage à appliquer des normes environnementales, sociales et fiscales, proches de celles en vigueur en UE. De plus, l’accord pose un principe de non-régression, par exemple sur le prix du carbone, pour qu’aucune des deux parties ne soit tentée de réduire ses engagements. A priori donc, le Royaume-Uni ne peut pas se servir du Brexit pour donner des coups de ciseaux dans ses engagements climatiques.
De nouveaux objectifs qui placent le Royaume-Uni parmi les meilleurs élèves des pays développés
Fin 2020, dans la dernière ligne droite vers la sortie effective du Royaume-Uni, celui-ci devait accueillir la COP 26 à Glasgow, du 9 au 20 novembre 2020. Le timing était parfait : l’annonce des nouveaux engagements remplaçant les engagements européens serait survenue pendant cette grande démonstration internationale, où le Royaume-Uni joue à domicile. C’était bien sûr sans compter sur la pandémie de covid-19 qui décale la COP 26 d’un an (elle se tiendra du 1er au 12 novembre 2021). Adieu le timing parfait. Les engagements étant prêts, et la sortie effective du Royaume-Uni arrivant à grand pas, les mois de novembre et décembre 2020 ont vu une rare concentration d’annonces environnementales des autorités britanniques.
La plus grande annonce a été le nouvel objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) d’ici 2030 par rapport aux niveaux de 1990 : ce sera -68%. Dans le même temps, l’UE négociait elle aussi l’augmentation de son objectif. Le Conseil européen du 10 et 11 décembre 2020 a décidé que ce sera -55%. Royaume-Uni contre UE, 1-0 ! Le Royaume-Uni se donne ainsi l’objectif le plus ambitieux des pays du G20.
Un grand plan de verdissement de l’industrie britannique
Pour atteindre son objectif, le Royaume-Uni compte sur son plan en 10 points pour lancer une révolution verte industrielle (Ten point plan for a Green Industrial Revolution), que le gouvernement britannique a dévoilé le 18 novembre 2020. Ce plan devrait mobiliser un budget conséquent de 12 milliards de livres sterling. Parmi les mesures qui font beaucoup de bruit – pour rien ? –, on retrouve l’interdiction de la vente de véhicules neufs à essence ou diesel à partir de 2030, et des véhicules hybrides à partir de 2035. Sur l’énergie, le plan veut renforcer les secteurs de l’éolien maritime, du nucléaire, de l’hydrogène ou encore des technologies de capture et de stockage du carbone.
Le Royaume-Uni mise sur la finance durable
Sur la finance, le Royaume-Uni se montre également ambitieux et se dote d’outils similaires à ceux de l’Union européenne. Tout d’abord, le Trésor britannique va émettre en 2021 une première obligation verte. Ensuite, le Royaume-Uni veut élaborer sa propre taxonomie verte, en s’inspirant largement de son homologue européen. Enfin, une banque verte d’investissement pourrait voir le jour, mais les annonces relatives à cette structure se font attendre.
Un nouveau marché des quotas carbone au niveau national
Avec sa sortie de l’UE, le Royaume-Uni sort également du marché des quotas carbone européens, en anglais EU Emission Trading System (EU ETS). Maintenant cavalier seul, le Royaume-Uni a construit son propre marché de quotas carbone, le UK ETS.
Très proche de l’EU ETS (une liaison des deux systèmes est d’ailleurs à l’étude), le UK ETS s’applique aux mêmes secteurs, mais le nombre de quotas mis sur le marché sera diminué de 5% par rapport à ce que le marché européen aurait accordé aux installations britanniques, selon le think tank international spécialiste des marchés carbone, International Carbon Action Partnership (ICAP). Assez ambitieux de prime abord, le retard de lancement de ce marché, prévu seulement pour le deuxième trimestre 2021, fait peser sur cette année le risque de voir une année blanche, sans obligation pour les installations émettrices de présenter autant de quotas que ce qu’elles auront émis cette année. Reste néanmoins que les vols aériens entre le Royaume-Uni et l’UE, qui étaient soumis au marché en tant que vols intérieurs, en sont maintenant exemptés.
Quelques fausses notes dans ce discours tout vert
Quelques signes nous font malheureusement douter de la bonne foi du Royaume-Uni. L’adoption de l’Environment Bill, présenté comme le texte le plus important dans le domaine de l’environnement depuis près d’une génération, serait reportée à l’automne prochain, selon la délégation de la Direction générale du Trésor à Londres. L’examen du texte avait déjà subi plusieurs reports durant l’année 2020.
Une nouvelle mine de charbon, la West Cumbria Mining, pourrait voir le jour dans le comté de Cumbria, au nord de l’Angleterre. Cette décision pourrait fragiliser le discours de la présidence britannique de la COP 26 qui porte haut le sujet de l’abandon du charbon. Faites ce que je dis, mais pas ce que je fais ?
Par ailleurs, le Royaume-Uni a octroyé aux entreprises sucrières britanniques une dérogation temporaire à l’interdiction du thiaméthoxam, un pesticide tueur d’abeilles de la famille des néonicotinoïdes. Si cette dérogation intervient dans un contexte de forte baisse des rendements à cause d’une recrudescence de jaunisse sur les graines de betterave, les associations écologistes rappellent les dégâts causés par les néonicotinoïdes sur les pollinisateurs, dont la chute est extrêmement préoccupante. Ce pesticide est d’ailleurs interdit d’utilisation dans l’Union européenne.
Repoussée d’un an, la nouvelle date de la COP 26 pourrait finalement permettre au Royaume-Uni de mettre de l’ordre dans ses politiques environnementales et d’être un exemple pour le monde entier quant à sa déclinaison opérationnelle d’objectifs aussi ambitieux.
Article rédigé par Aline Prévot, bénévole au REFEDD, membre de l’équipe qui suit l’actualité en lien avec la COP26