La conférence du 16 novembre de « From the Ground Up », organisée par la Coalition COP26 a permis de dénoncer les fausses solutions fondées sur la nature, notamment les plantations d’arbres et les bioénergies.
Planter des arbres ne règle pas le problème climatique
Pour lutter contre le changement climatique, beaucoup de solutions détournées sont mises en place : la « compensation » par des solutions dites fondées sur la nature, les marchés carbone ou encore le recours à la production d’énergies dites “bio”. Ces solutions ne règlent pas le problème climatique à sa source, et peuvent même en créer de nouveaux. En revanche, elles font l’objet d’annonces marketing ou politiques trompeuses ; c’est le greenwashing. C’est pourquoi elles sont désignées comme de “fausses solutions”. L’une d’elles est la plantation d’arbres en monoculture qui forment en réalité des fausses forêts, car elles sont vides de biodiversité, d’écosystèmes et même de vie.
Malgré ces inquiétudes, la plantation d’arbres et les fausses forêts restent parmi les pratiques les plus largement financées et utilisées pour compenser les émissions de carbone. Ces pratiques posent la question de la disponibilité des terres. Comment les sociétés parviennent-elles à acquérir des terres pour faire les plantations ? A quoi servaient ces terres avant ? Étaient-ce des terres agricoles, des forêts dégradées, des biens de communautés qui n’avaient plus assez de fonds ?
De plus, on peut se demander à quoi vont servir ces arbres pour les sociétés qui font les plantations. En effet, il est peu probable que ces plantations soient réalisées dans un but écologique et l’utilisation du bois (combustion et abattage des arbres) par les entreprises ne sera probablement pas prise en compte dans le bilan carbone alors qu’elle pourrait bien contrebalancer totalement le bénéfice de la séquestration du carbone par les plantes.
La seule façon de gérer durablement les forêts, c’est de les laisser vivre, ainsi que tout l’écosystème complexe qui y est ancré.
Commentaire d’un spectateur de la conférence
De plus, les sociétés et organisations surestiment (volontairement) souvent la capacité de leurs projets de plantation d’arbres à séquestrer et stocker du carbone. Les plantations industrielles d’arbres comme les eucalyptus ou les acacias sont bien moins efficaces pour séquestrer et stocker le carbone que les forêts naturelles. Les organismes qui investissent dans la plantation d’arbres sont encore trop attachés au bénéfice économique, au retour sur investissement qu’ils peuvent en tirer et ne font pas cela dans un but écologique. Il s’agit simplement de pouvoir se proclamer « neutre en carbone » par compensation. Est-ce quand même mieux que d’acheter des crédits carbone ?
La biomasse et les bioénergies, des solutions neutres en carbone ?
Le premier exemple qui est utilisé pour démontrer les impacts négatifs des plantations, supposées produire durablement et de manière renouvelable de la biomasse, est la monoculture d’eucalyptus dans la zone de Mina Gerais au Brésil. Ces eucalyptus servent à la production de charbon de bois, utilisé par la suite pour l’industrie du fer et de l’acier. Cette production est considérée comme durable et neutre en carbone car elle utilise des ressources naturelles, des plantes, qu’elle soit renouvelable ou non. De plus, les émissions de CO2 provoquées par la fabrication et la combustion du charbon de bois sont ignorées. Le paysage de la zone de culture est devenu complètement différent de ce à quoi il devrait ressembler. En effet, au lieu d’y trouver une savane riche en écosystèmes qui régule le cycle de l’eau et conserve l’humidité, on ne peut y voir que des champs d’eucalyptus alignés dont la culture pollue et assèche les sols. Cela a pour conséquence de réduire considérablement les ressources en eau de la zone indispensables pour les habitant·e·s.
En Europe, les bioénergies sont considérées comme une des clés de la réduction des émissions de GES et de production d’énergie renouvelable. En effet, la biomasse est la ressource considérée renouvelable la plus exploitée en UE (60% des énergies renouvelables en 2018 selon le rapport pour la Commission européenne de 2020). Ce sont les biofuels solides qui sont les plus exploités (68,4% des bioénergies) puis les biofuels liquides (12,6%) notamment les biodiesels.
La demande en biomasse notamment pour les centrales électriques au bois entraîne de fortes importations de granulés de bois. En effet, le Royaume-Uni en est le premier importateur (majoritairement en provenance des États- Unis). Le pays brûle plus de bois qu’il n’en produit, notamment via la centrale électrique Drax. Selon l’Environmental Paper Network, ces importations et la demande en granulés de bois devrait largement augmenter d’ici 2027. Le problème est que, même si on laisse les forêts se régénérer, le fait d’exploiter ces ressources en bois (abattage des arbres et combustion) produirait plus de CO2 que cela n’en séquestrerait et donc contribuerait en fait à augmenter les émissions de carbone dans l’atmosphère. Peut-on alors appeler cela une solution durable et verte ?
Dans les commentaires, un spectateur fait remarquer qu’il n’est pas nécessaire d’arrêter complètement l’utilisation de ces bioénergies mais plutôt de faire un mix énergétique avec des compromis entre les différentes solutions. En réponse à cela, Frederica Giunta signale que selon de nombreuses études scientifiques, tant que la demande en énergie ne baissera pas, c’est-à-dire tant qu’on ne mettra pas en place une forme de décroissance énergétique, aucune solution ne pourrait être réellement durable même si elles sont basées sur la nature.
Compenser plutôt que de limiter les émissions, encore une impasse ?
Les « solutions fondées sur la nature » sont des fausses solutions. En plus d’être critiquées comme étant du greenwashing, ces fausses solutions sont aussi présentées comme largement inefficaces face aux technologies fortement émettrices de carbone telles que les centrales à charbon, à pétrole ou encore les incinérateurs de déchets.
En conclusion, les forêts ne doivent pas être utilisées comme ressources mais doivent être préservées. Nous devons laisser les forêts grandir et se régénérer, les laisser vivre. Il ne faut pas « gérer » ou « utiliser » les espaces verts mais les protéger. Let it grow!
Article rédigé par Cécile Tassel, bénévole au REFEDD, membre de l’équipe qui suit l’actualité en lien avec la COP26.
Intervenant·e·s de la conférence :
- Federica Giunta de FASE Espírito Santo, Brésil
- Katherine Egland, NAACP (National Association for the Advancement of Colored People de North Carolina, USA)
- Souparna Lahiri, Global Forest Coalition, Inde
- Almuth Ernsting, Biofuel watch, Royaume-Uni
Une conférence organisée en collaboration avec :
- Global Forest Coalition
- Biofuel Watch