A l’occasion des « Race to Zero Dialogues », le Forum économique mondial a organisé plusieurs conférences et discussions autour de trois domaines clés environnementaux : l’industrie, les transports et l’océan. La conférence du 12 novembre portait sur l’importance fondamentale des océans pour la stabilité du climat et sur la boucle de rétroaction qui les lie. Elle était également consacrée aux moyens de faire participer davantage scientifiques, citoyen·ne·s et entreprises.
Passer du constat aux actions
Ce webinaire a donné la parole à des expert·e·s ou professionnel·le·s issu·e·s de milieux professionnels et institutionnels différents pour recueillir leurs solutions et analyses sur l’état de nos océans. Le constat est affligeant, comme on aurait pu s’y attendre. Les niveaux records d’émission de gaz à effet de serre et de chaleur nuisent à la capacité du système à résister aux effets du changement climatique et à s’en remettre. Il suffit d’observer les conséquences dévastatrices du blanchiment des coraux et l’impact que cela représente sur les communautés locales et les ressources pour s’en rendre compte, comme l’expliquait Hans-Otto Pörtner, climatologue allemand et coprésident d’un groupe de travail du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) sur les impacts, l’adaptation et la vulnérabilité liés aux changements climatiques.
Les chercheurs observent une forme d’extinction de masse ; des espèces disparaissent à un rythme alarmant, alors que les extinctions précédentes avaient mis des milliers voire des millions d’années. Les recherches et la publication des études sont aujourd’hui plus rapides, mais il est nécessaire d’agir au plus vite avant qu’il ne soit trop tard.
Les participant·e·s se sont exprimé·e·s sur la nécessité de promouvoir la création de projets plus favorables au climat et à nos océans. Ainsi, Angeline Pouponneau, cofondatrice du SIDS Youth AIMS Hub- Seychelles, une association de jeunes qui promeut le développement durable, a parlé d’une action novatrice en la matière. En 2018, la République des Seychelles a lancé la première obligation bleue souveraine, un instrument financier conçu pour soutenir des projets maritimes durables. L’obligation, qui a levé 15 millions de dollars auprès d’investisseurs internationaux, prouve qu’il est possible pour les États d’exploiter les marchés de capitaux pour financer la protection des océans. Les Seychelles et les États insulaires, fortement touchés par le changement climatique et la montée des eaux, ne peuvent promouvoir une action océan-climat et faire ce travail de conservation seuls. Ce constat était partagé par Nigel Topping, champion de haut niveau pour l’action climatique pour le Royaume-Uni dans le cadre de la COP 26. Selon lui, les États doivent montrer de l’ambition politique, sinon leurs partenaires, notamment les entreprises, ne les suivront pas.
La responsabilité des marchés et des entreprises privées
Un des grands axes de cette conférence était consacré à la place et la responsabilité du secteur privé dans la protection ou la destruction des océans. Est-ce qu’il remonte ses manches ? Oui et non. Les entreprises sont devenues des acteurs incontournables du développement durable depuis plusieurs décennies, au point qu’elles sont devenues des interlocutrices de poids pour les décideurs politiques, les ONG et les associations. A cause de leurs activités économiques, les entreprises peuvent causer des dommages importants pour l’environnement.
Le secteur privé commence à prendre ses responsabilités, mais pas assez vite selon les expert·e·s. Le monde des affaires doit investir plus et plus rapidement pour lutter contre les impacts environnementaux qu’il crée. Lorsqu’une usine rejette ses déchets, les conséquences sont dramatiques pour l’environnement. Ainsi, les marées vertes, nourries par les produits phytosanitaires agricoles, seraient responsables en Bretagne de plusieurs décès et maladies dans la région tout en polluant les cours d’eau. Les dégâts que les entreprises causent à l’environnement ont donc aussi un impact sur la santé.
Pourtant, les entreprises restent essentielles dans nos sociétés comme le rappelait Kim Coupounas, qui travaille pour la communauté internationale d’entreprises B Lab. Une partie des entreprises commencent à faire le lien entre les enjeux environnementaux et les leurs, et ne souhaitent pas que leur image soit associée à un océan qui meurt. On médiatise de plus en plus les problématiques environnementales, que ce soit avec des photos, des vidéos ou des pétitions, ce qui fait qu’il est impossible de ne plus savoir. Les investissements verts et bleus représentent donc une opportunité pour les entreprises d’un point de vue humain et stratégique : bonne publicité, création d’emplois, productivité et préservation des ressources. L’implication des dirigeants d’industrie dans une démarche de responsabilité éthique et environnementale est un gage de succès nécessaire dans la lutte pour la protection de l’océan.
Quel engagement pour les jeunes aujourd’hui ?
Restaurer la santé des océans est un enjeu important qui se transmettra aux générations futures, qui devront réparer les erreurs de leurs parents et grands-parents. Il faut dès maintenant encourager la jeunesse à se battre pour l’environnement selon Daniela Fernandez, entrepreneuse et fondatrice de Sustainable Ocean Alliance, une organisation environnementale à but non lucratif. Les jeunes souhaitent et peuvent contribuer à la protection des océans sans être des spécialistes ou des professionnel·le·s. Les étudiant·e·s avec de bonnes idées ont besoin de plus de visibilité, de financements mais aussi de confiance dans leurs projets. Il faut convaincre les investisseur·euse·s de les assister dans leurs projets et de leur laisser plus de place en tant que générations futures.
Les dirigeants du monde entier ainsi que des chercheur·euse·s, des acteurs du monde des affaires et l’opinion publique appellent à une action océan-climat. Il est donc urgent de mobiliser tous ces acteurs aux ambitions et objectifs souvent différents pour faire comprendre le rôle fondamental que joue l’Océan.
Article rédigé par Clara Marteau, bénévole au REFEDD, membre de l’équipe qui suit l’actualité en lien avec la COP26.
Une conférence organisée en collaboration avec le Forum Économique Mondial, Friends of Ocean Action, Blue Climate Initiative et Ocean and Climate Platform
Pour en savoir plus :
- Lien de la conférence : https://www.weforum.org/events/race-to-zero-dialogues-2020/sessions/setting-the-stage-for-the-ocean-climate-nexus
- Plus d’explications sur l’Océan Climate Nexus : https://www.marineboard.eu/ocean-climate-nexus/sites/marineboard.eu.ocean-climate-nexus/files/public/The%20Ocean-Climate%20Nexus_Consensus%20Statement.pdf
- Focus sur 5 grands thèmes du Rapport Spécial « Océan et Cryosphère https://ocean-climate.org/wp-content/uploads/2019/09/fiches-DEF.pdf
Intervenant·e·s de la conférence :
- Sophie Wood : World Resources Institute / Friends of Ocean Action
- Kim Coupounas : Ambassadrice pour B Corp
- Nigel Topping : Champion de haut niveau pour l’action climatique et la COP 26 du Royaume-Uni
- Gonzalo Munoz : Champion de haut niveau pour l’action climatique et la COP 25 du Chili
- Hans-Otto Pörtner : Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC)
- Daniela Fernandez : San Francisco Hub. Fondatrice et PDG de la Sustainable Ocean Alliance
- Vladimir Ryabinin : Secrétaire Exécutif de la Commission océanographique intergouvernementale de l’UNESCO
- Angelique Pouponneau : Seychelles’ Conservation and Climate Adaptation Trust