Focus COP 26 – Les solutions fondées sur la nature et leur place dans les dialogues climatiques

Alors que la COP 26 est reportée à l’année prochaine, comme on vous l’expliquait il y a quelques semaines, l’organe de l’ONU dédié aux questions climatiques a tout de même souhaité organiser du 9 au 19 novembre des dialogues en ligne regroupés sous le nom de  « Race To Zero », littéralement course vers zéro émission de gaz à effet de serre (GES). Un effort indispensable car c’est cette année justement qui a encore vu des catastrophes naturelles et sanitaires bouleverser l’humanité. D’où le besoin encore plus urgent de ne pas négliger les solutions fondées sur la nature pour atteindre l’objectif de 1,5°C.

Cet article portera donc sur ce qui s’est dit le 4e jour, consacré à la place de la nature dans la course (« Nature’s Place in the Race »), dont vous pouvez aller consulter les comptes-rendus et replays. Toutes les citations de l’article proviennent de ces discussions.

Figure 1 – Schéma synthétique de la démarche des solutions fondées sur la nature (© International Union for Conservation of Nature)

Quelles sont les différentes « solutions fondées sur la nature » ? 

Les solutions fondées sur la nature consistent essentiellement à protéger des écosystèmes intacts et à en réhabiliter d’autres. Parmi ces écosystèmes, on trouve notamment les forêts (forêts primaires,  mangroves), les océans (par rapport au plancton notamment) ou les zones humides.

Figure 2 – Infographie sur le rôle de séquestration du carbone par les milieux aquatiques côtiers tels que les mangroves (© Partnerships in Environmental Management for the Seas of East Asia)

On estime que 12Gt de GES pourraient être neutralisées dans l’atmosphère grâce à des solutions de cet ordre (on parle de séquestration du carbone). Plutôt efficace, non ? Pourtant, les solutions fondées sur la nature ne représenteraient aujourd’hui que 10% des fonds pour le climat.

La place de la nature dans les dialogues climatiques

Lord Goldsmith, ministre de l’environnement britannique, déclarait ainsi que « les solutions fondées sur la nature représentent environ un tiers de la solution [pour l’accord de Paris], c’est pourquoi le Royaume-Uni a choisi de placer la nature au centre de la campagne pour la COP26 ». En effet, deux journées entières ont été consacrées à ces problèmes au cours des évènements « Race To Zero » : une journée sur l’eau et les océans et une journée sur les solutions fondées sur la nature.

Il existe pourtant déjà une autre COP spécifiquement dédiée à la biodiversité, elle aussi reportée. Néanmoins, les objectifs du développement durable (ODDs) dont font partie les questions du climat et de la biodiversité sont étroitement liés. C’est pourquoi le fait de traiter de la nature dans des dialogues sur le climat s’est imposé comme un choix naturel (sans mauvais jeu de mots).

De plus, une solution terriblement efficace du point de vue climatique peut s’avérer mauvaise pour la biodiversité. L’hydroélectricité par exemple représente l’un des moyens de production d’électricité les moins émetteurs de GES et permet le stockage d’énergie à grande échelle : on parle par exemple de STEPs. Pourtant, elle peut avoir des conséquences déplorables sur la nature (et sur les populations à cause des relocalisations) : eau réchauffée, développement d’algues et de plantes invasives, dérèglement du cycle de migration de certaines espèces, risque de sécheresse accru, dérèglement de l’écoulement des sédiments, etc.

Comment avancer ?

Plusieurs fois pendant ces événements « Race To Zero », des intervenant·e·s ont mentionné le fait que la décennie qui vient de s’écouler a vu des avancées timides mais encourageantes, et que la décennie qui vient sera celle de l’action pour remplir les objectifs du développement durable. Le Leaders’ Pledge for Nature (“engagement des dirigeants pour la nature”) s’inscrit dans cette dynamique : près de 80 pays ont ainsi pris des engagements pour mettre en œuvre des actions plus ambitieuses à travers l’utilisation, la promotion ou le financement de solutions fondées sur la nature. L’objectif pour Gonzalo Muñoz (Champion du Climat depuis la COP25) est de « passer de plus de 70 pays à plus de 100 » d’ici à la COP26.

Ce document s’ajoute à plusieurs autres, dont la déclaration sur les forêts de New York de 2014 par exemple, mais va au-delà d’une simple énumération d’objectifs et identifie assez clairement des actions à mener. De plus, il encourage une démarche intégrante, notamment par rapport aux populations indigènes.

Les actions du secteur privé

Le constat est clair : respecter la nature n’est pas un bonus, et doit s’imposer pour être au cœur des décisions. Mais pour mettre en place des solutions adaptées, « il faut commencer par connaître sa chaîne de production et ses impacts » déclare Eric Soubeiran, cadre chez Danone. À Sagarika Chatterjee, Directrice du changement climatique chez PRI (Principes pour l’investissement responsable), d’ajouter ensuite « il y a besoin de standards pour les solutions fondées sur la nature ». Les investisseurs ont besoin de pouvoir se fier au caractère durable d’une solution. Ils soulèvent ainsi le problème du manque de moyens pour évaluer les solutions. Pourtant, des entreprises comme Unilever ne semblent pas avoir les mêmes limites pour commencer à prendre des mesures ambitieuses. On est donc en en droit de se poser la question : est-ce un réel manque d’outils ou plutôt de volonté des décideurs ?

Il faut ainsi admettre qu’un nombre croissant d’entreprises commencent à s’engager progressivement pour soutenir financièrement les solutions fondées sur la nature. C’est le cas d’HSBC par exemple, même si on peut douter à ce stade que leurs engagements soient aussi ambitieux que ce qu’ils annoncent. D’autant plus que pendant ce temps, les actions de la banque contribuent à la déforestation. Vous avez dit « greenwashing » ? 

Le rôle des populations indigènes

Selon Hindou Oumarou Ibrahim, représentante des femmes autochtones du Tchad, « les populations indigènes, responsables de la préservation de 80% de la biodiversité, doivent faire partie des processus de prise de décision, même si cela se passe en ligne ». Ces populations devraient donc participer aux décisions au même titre que toutes les autres parties prenantes, notamment lorsqu’il s’agit de leur environnement immédiat.

Ainsi, à l’avenir, il s’agirait par exemple de déterminer avec elles les modalités de protection des écosystèmes et de la mise en place (ou non) de parcs naturels. De plus, les populations indigènes pourraient contrebalancer notre réflexe de « civilisés » de chercher des solutions dans l’innovation ou la technologie plutôt que des solutions qui relèvent plus de l’atténuation de notre impact.

Garder une vision écosystémique

Les problématiques climatiques et celles de la biodiversité sont étroitement liées avec d’autres sujets du développement durable (l’emploi par exemple). C’est pourquoi j’espère que cet article aura pu pointer du doigt qu’à l’instar de la 3e action du Leaders’ Pledge for Nature, il nous faut  nous efforcer d’avoir une vue d’ensemble et éviter de hiérarchiser les ODDs, ou même les luttes en général.

Article rédigé par Amir Worms, bénévole au REFEDD, membre de l’équipe qui suit l’actualité en lien avec la COP26.

Sources :

Personnes citées :

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