Focus COP 26 – Obstruer la transition : l’arme secrète des entreprises de combustibles fossiles contre les politiques climatiques

Jeudi 12 novembre dernier s’est tenue une conférence dans le cadre de la Coalition COP26, à l’occasion de “From the Ground Up”, sur les entreprises de combustibles fossiles et leurs atouts pour entraver la transition vers une énergie plus propre. En effet, alors que l’abandon du charbon et du pétrole apparaît nécessaire pour une transition écologique réussie, les investisseurs étrangers des combustibles fossiles disposent de moyens de pression contre les États, ce qui ralentit le processus. Cette conférence avait donc pour objectif de rappeler les enjeux de l’ISDS, tout en s’interrogeant sur les moyens pour empêcher ces entreprises d’entraver la transition.

Les enjeux des combustibles fossiles

La lutte contre le changement climatique implique une transition vers une énergie propre et renouvelable. En conséquence, la dépendance aux combustibles fossiles comme le charbon, le gaz ou le pétrole doit être réduite. Les gouvernements ont leur part à jouer dans cette transition, et peuvent prendre des mesures d’élimination progressive des combustibles fossiles.

Cependant, agir de la sorte créera des actifs échoués, c’est-à-dire des actifs économiques qui subiront des réévaluations à la baisse ou seront convertis en passifs. 

De ce fait, pour protéger leurs actifs, les investisseurs étrangers peuvent poursuivre les États qui d’après eux, négligent les règles de protection des investissements et nuisent à leur profit, devant un tribunal international, et réclamer une indemnisation. 

Ce processus est permis par le mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et États (RDIE, ou ISDS pour investor-state dispute settlement en anglais). Etant donné que les entreprises qui investissent en dehors de leur pays prennent un risque, ce procédé est une sécurité pour elles. Aussi, pour réduire ce risque, certains pays ont accepté ce dispositif permettant de régler les litiges entre ces investisseurs étrangers et les États d’accueil. L’ISDS devient ainsi un moyen de pression pour les investisseurs étrangers, qui peuvent s’en prémunir pour renforcer leur position dans les négociations, les sommes obtenues en compensation lors des poursuites étant colossales, d’autant plus que plus de la moitié des affaires aboutissent à une indemnisation. La procédure est généralement classée confidentielle, avec peu de transparence et de participation. Les coûts de de la procédure sont très élevés pour les États, et les options pour contester les indemnisations sont limitées.

En tout, pour protéger les actifs des investisseurs étrangers, ce sont plus de 2 600 traités d’investissements et accords commerciaux qui ont été établis.

Des exemples d’actions engagées contre les États

Des investisseurs se sont retournés contre un État qui, selon eux, a enfreint les règles de protection des investissements, et ont obtenu des indemnisations. On peut prendre l’exemple de TransCanada, qui a déposé une demande d’indemnisation contre les États-Unis de 15 milliards de dollars, en réaction à l’arrêt de l’oléoduc Keystone XL. 

De même, aux Pays-Bas, un propriétaire de centrale électrique a exigé une indemnisation après la mise en place de la loi sur l’élimination progressive du charbon. 

Le risque maintenant est de voir le nombre d’États poursuivis par des entreprises du domaine des combustibles fossiles augmenter fortement alors que les États appliquent plus strictement leurs engagements climatiques. 

Comment surmonter cet obstacle ?

Pour surmonter cet obstacle, l’intervenante a expliqué que la mobilisation de tous était nécessaire.

Concernant les États, les États-Unis sont maintenant un leader mondial lorsqu’il s’agit de prendre des mesures pour lutter contre le changement climatique. Un espoir réside dans les annonces de Joe Biden, récemment élu Président, qui s’est prononcé contre l’ISDS pour tous les futurs accords. Cependant, cela ne signifie pas qu’il mettra fin ou modernisera les anciens traités. 

De même, l’Europe a mis fin aux traités intra Union européenne, et certains pays du Sud ne signent plus d’accord avec l’ISDS ou mettent fin aux anciens accords. Ces progrès sont encourageants mais insuffisants, et la lutte doit continuer. 

Les approches politiques qui pourraient être concluantes sont de restreindre l’extraction, de réduire les subventions, de limiter les infrastructures, et d’éliminer progressivement leur présence. 

Approches politiques susceptibles de conduire à l’échec des actifsImage issue du PTT présenté

Des actions concrètes ont été proposées lors de cette conférence :  

  • Exposer ce que font les entreprises de combustibles fossiles
  • Exposer l’implication / le conflit d’intérêts d’autres gouvernements
  • Ne pas laisser les gouvernements céder
  • Demander aux gouvernements s’ils ont été menacés

Arrêter de protéger les investisseurs, protéger le bien commun

L’objectif de ces actions consisterait à délégitimer le système, et à ce que les menaces de compensation ne puissent plus être recevables pour les États. Cela faciliterait la transition vers une énergie propre et renouvelable.

Article rédigé par Cindy Delvoye, bénévole au REFEDD, membre de l’équipe qui suit l’actualité en lien avec la COP26.

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