Mettre tout le monde d’accord : prendre des décisions à la COP

Comment met-on tout le monde d’accord dans des négociations comme celles qui se déroulent en ce moment à Madrid pour la COP 25 ? Et bien, ce n’est pas une mince affaire… Explication de Vincent, étudiant observateur à la COP pour le REFEDD.

En pleines négociations à la COP

 

Le consensus introuvable

Quand la Convention Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques (CCNUCC) a été adoptée en 1992, elle a fixé des objectifs de lutte contre les changements climatiques que les Etats parties (197 à l’heure actuelle) se doivent d’atteindre à l’unisson. Par conséquent, toutes les décisions qui s’y rattachent doivent être prises à 197 et les COP, organes suprêmes de la CCNUCC, ne dérogent pas à la règle.

Ainsi, lorsqu’il s’agit de faire le point sur l’application de la Convention, de préciser la mise en œuvre des décisions et négocier de nouveaux engagements avec des objectifs communs ou individuels, les décisions sont prises par consensus. Article par article, ligne par ligne, mot par mot, le Secrétariat et les co-facilitateur.trices du SBI passent en revue le texte, ponctué par les interventions des Etats qui souhaitent apporter une modification quelconque. Quand plus personne ne s’oppose à la dernière formulation du texte, celui-ci passe en plénière de clôture pour être adopté.

Mind the GAP

En tant qu’observateur pour le REFEDD, j’ai eu l’occasion d’assister à la dernière négociation sur le nouveau texte du Gender Action Plan (GAP). Le GAP a été initié dans le cadre du Programme de Travail de Lima (élaboré en 2014 à l’occasion de la COP 20) visant à promouvoir l’égalité des sexes dans le contexte des changements climatiques. Il a été adopté à la COP 23 pour une période d’essai de 2018 à 2021. Cette mise à l’épreuve est maintenant à un peu plus d’un an de se conclure et il faut désormais décider si le Plan est prolongé et sous quelle forme.

Conscients des limites de cette première tentative, les États parties ont choisi cette COP 25 pour achever l’élaboration d’une version améliorée du GAP. Alors, après toute une série de réunions fermées entre les negociateur.trices la semaine passée, celle de la journée de lundi (la dernière avant la deadline pour proposer un texte) a été ouverte aux observateur.trices. Réunissant une soixantaine de négociateurices venu.e.s du monde entier, elles se sont déroulées de façon habituelle, avec lecture du texte et interventions des représentant.e.s insatisfait.e.s. Seulement quand les intervenants sont si nombreux, et que leurs intérêts peuvent être si diamétralement opposés, il est extrêmement compliqué d’arriver à un texte de plusieurs pages qui satisfasse tout le monde.

 

 

Le diable est dans les détails

Parce que chaque mot peut avoir un sens unique et que les textes seront, dans le futur, soumis à l’interprétation des juges, les participant.e.s à ces négociations doivent faire preuve de la plus grande des précisions. Par ailleurs, chaque passage d’article a potentiellement des ramifications économiques, sociales, environnementales et bien sûr politiques qui doivent être anticipées. C’est cette accumulation de précautions nécessaires qui a par exemple conduit la négociation du GAP à étudier pendant plusieurs dizaines de minutes s’il était mieux de demander aux Etats « d’améliorer » l’efficacité des efforts pour intégrer une dimension de genre, ou « de contribuer » à ces efforts. Dans le premier cas, il s’agit d’arriver à un résultat meilleur, tandis que dans le second, l’accent est mis sur les procédés mis en œuvre, sans besoin de résultats concluants.
Dans l’urgence de cette dernière session de négociations, il y avait un tiraillement entre la volonté de produire un texte qui plaise à tout le monde et qui remplisse les objectifs visés, et le regret d’admettre qu’un texte imparfait vaut mieux que pas de texte du tout. Frustration parfaitement décrite par la négociatrice canadienne : « Le but n’est plus de satisfaire tout le monde, mais de s’assurer que tous soient équitablement insatisfaits. »

 

En négociation, lever sa pancarte signifie que l’on souhaite prendre la parole.

Le texte du GAP s’est retrouvé victime de ce système de consensus, puisqu’ayant dépassé la date limite des négociations, il a été décidé par les présidents de l’organe subsidiaire de mise en œuvre (SBI) de repousser indéfiniment la prise de décision finale concernant ce projet. Une conclusion avant la fin de la COP 25 paraît donc peu probable, affaire à suivre…

 

Article rédigé par Vincent Kretz, étudiant observateur à la COP 25 pour le REFEDD.