Retour sur les conférences du samedi matin aux RENEDD 2019 ; pour commencer, on revient sur la conférence Campus +2.0° !
Cette table-ronde s’est intéressée à la problématique de l’aménagement des villes et des campus en prenant en considération le changement climatique. L’objectif était de montrer les grands enjeux soulevés par le changement climatique en matière d’aménagement et de présenter le point de vue de spécialistes en la matière, tant d’un point de vue architecture et urbanisme que d’un point de vue politiques publiques. La table ronde a été animée par Lindsy Reynolds, ancien étudiant du master ingénierie et gestion des projets environnementaux et cofondateur de l’association Graines électroniques. Chaque intervenant.e a présenté à tour de rôle sa vision de l’aménagement à l’aune du changement climatique.
Intervenant.e.s :
- Giovanna Togo : Enseignante chercheuse qui s’occupe de la formation PoCa (Post-Carbone) à l’EAVT
- Nafissa Boutkhil : Etudiante de la formation PoCa
- Léa Thirionet : Architecte (DPEA PoCa)
- Pierre Romain : Membre de l’association Villes & Décroissance à Sciences Po, qui cherche à ouvrir et alimenter le débat sur les politiques urbaines alternatives.
Un changement climatique qui questionne nos sociétés
Dans une première intervention, Pierre Romain nous raconte son expérience de stage au sein de la Direction de l’urbanisme de la ville de Paris. Il nous explique avoir relevé de nombreuses incohérences ou tout du moins des éléments qui posent question dans la présentation du plan climat de Paris à laquelle il a assisté, notamment l’utilisation massive de voitures autonomes qui ne sont pas écologiquement neutres.
De façon plus générale, il expose deux effets à prendre en compte, l’effet parc et l’effet rebond, qui sont rarement pris en compte dans les politiques publiques. L’effet parc repose sur l’idée simple de généraliser une situation locale à un pays voire au monde « Que se passe-t-il si je transpose la politique de Paris à la France toute entière ? ». Les émissions seraient possiblement bien au-delà des objectifs que l’on se donne. L’effet rebond lui est un effet pervers de l’amélioration de l’efficacité et pose la question des liens entre consommation individuelle et consommation globale : « Si individuellement j’ai l’impression que tout le monde consomme moins, je peux m’autoriser à consommer plus ». Selon Pierre, « on pense l’écologie dans la ville mais pas celle de la ville », il faudrait avoir une approche structurelle du problème écologique, c’est-à-dire selon lui, interroger nos modes de consommation et production et notre organisation politique.
S’adapter aujourd’hui … pour demain !
Ce premier échange nous rappelle donc que les questions d’aménagement s’intègrent dans des questions plus larges. Cependant, les effets du changement climatique se font déjà ressentir partout dans le monde et ils bouleversent la manière dont les architectes et urbanistes conçoivent l’urbain. À la suite de l’intervention de Pierre, Giovanna Togo nous présente les travaux d’études réalisés sur différentes villes comme Le Caire, Tunis, Gênes et des stratégies de résilience envisageables. Toutes les études montrent l’importance des impacts socio-politiques.
À Gênes, le trafic routier est très important puisque c’est une porte d’entrée pour l’Italie, ce qui implique une présence forte des infrastructures routières. Une transformation de la ville souhaitable passerait par une réduction des flux de transport, qui pourrait reposer sur une maximisation des transports en commun et une reconquête du front de mer par la piétonisation. À Tunis, la question se pose de savoir si la ville doit résister à la monter du niveau de la mer par des aménagements ou bien accepter le risque et avoir une stratégie de recul de la ville. De manière générale, il faut garder en tête que les aménagements s’inscrivent dans un temps long et doivent donc être adapté à un avenir incertain. Par ailleurs, il est important d’insister sur la rénovation de l’existant car la construction neuve est une source importante d’émission de gaz à effet de serre. Il faut donc penser avec les aménagements d’aujourd’hui tout en s’assurant de s’adapter à demain.
Mieux aménager pour des vies sobres mais chouettes !
Ces questions sont donc difficiles car elles sont transversales à de nombreux enjeux. Cependant, repenser l’aménagement d’un territoire est aussi une opportunité. C’est ce que nous rappellent Léa Thirionet et Nafissa Boutkhil lors de leur prise de parole successives. Léa nous expose ainsi un premier projet, qui vise à décarboner et développer l’attractivité d’un territoire rural dans le val de Loire. Les objectifs : développer une solidarité reposant notamment sur une mise en réseau des territoires par les mobilités douces ; réparer, reprendre les lieux existants et créer du lien à partir de ces nouveaux pôles ; transformer le paysage viticole pour l’adapter à la menace du changement climatique et réduire ses émissions. Ces nombreuses transformations montrent donc non seulement une amélioration de la résilience du territoire mais aussi une amélioration de la qualité de vie.
De son côté, Nafissa nous présente une étude sur le Campus Descartes proposant de nombreuses expérimentations. Le but est sensiblement le même que pour le projet de Léa : réduire l’empreinte carbone du territoire et améliorer la qualité de l’espace public. De nombreuses idées sont ressorties d’échanges avec les chercheur.euse.s et étudiant.e.s, les usagers du campus. De la récupération d’urine pour en faire de l’engrais agricole réutilisé sur place dans des jardins potagers, à la création d’une agora modulable en passant par une aire de covoiturage, toutes les propositions mènent vers des modes de vies plus sobres, plus responsables sans pour autant empiéter sur la qualité de vie. Les deux projets présentés nous montrent clairement que l’adaptation au changement climatique peut lancer une dynamique allant au-delà de la simple résistance en proposant des cadres de vie recentrés sur le lien social et respectueux de l’environnement, sobres mais désirables.
L’aménagement de nos lieux de vie est évidemment une question centrale pour nos sociétés, et cette question est bouleversée par le changement climatique. De nombreuses choses sont à questionner et à repenser, à la fois de manière très large en terme d’organisation sociétale, mais aussi dans les détails de l’environnement aménagé. Ces remises en questions sont complexes mais nécessaires. Heureusement, elles sont aussi l’occasion d’améliorer nos lieux de vie tout en prenant mieux en comptes les enjeux sociaux et environnementaux.
Article rédigé par Samuel Juhel.