On continue notre compte-rendu des RENEDD 2019 avec la conférence « Effondrement, guide de (sur)vie de l’étudiant.e » ! Sujet de plus en plus répandu dans le milieu écologique, étudiant, et parfois même au-delà, l’effondrement n’en finit pas d’animer les discussions. Les RENEDD étaient l’occasion de se réunir et d’aborder le sujet sous un angle nouveau, celui de la jeunesse et des étudiant.e.s. Comment vivre l’effondrement quand on est étudiant.e?
Les RENEDD 2019 ont été l’occasion de parler effondrement avec l’ancien Ministre de l’Environnement Yves Cochet, président de l’Institut Momentum (think tank de l’anthropocène), Anne Rumin, doctorante sur les discours de la collapsologie, et Lola L., étudiante et militante chez Extinction Rebellion (XR). La modération a été effectuée par David Salomon, auteur d’un mémoire sur l’effondrement systémique et jeune diplômé de sciences et politiques de l’environnement.
L’effondrement : de quoi parle-t-on ?
Après avoir présenté les origines de leur engagement, allant du féminisme à la solidarité avec les réfugié.e.s, en passant par la lutte sociale et l’engagement politique pré-écologie, les 3 intervenant.e.s se sont attaché.e.s à définir la notion d’effondrement. Si, selon Anne Rumin, il s’agit avant tout d’un effondrement environnemental déjà bien entamé, Yves Cochet insiste sur sa dimension systémique et globale. Il propose ainsi une seconde définition : il y a effondrement « lorsque les services de base (accès à l’eau, alimentation et sécurité) ne sont plus garantis pour une majorité de la population par des services encadrés par la loi”. Lola L. propose quant à elle de garder un œil sur l’indice des États défaillants/effondrés (failed states) qui s’élevaient au nombre de 16 en 2015.
Pourquoi tout va (peut-être) s’effondrer ?
La discussion dérive alors sur les causes possibles d’un effondrement. En effet, comment les distinguer, alors même que l’on parle d’un système complexe composé de nombreux paramètres interdépendants les uns des autres? Pour Yves Cochet, il existe d’une part des causes géophysiques, comme le dérèglement climatique ou la perte de la biodiversité, et d’autre part des causes socio-économiques, comme l’augmentation de la démographie ou celle des émissions de gaz à effet de serre (GES). Ces dernières seraient principalement dues à l’avidité de l’homme, l’hubris d’Aristote, et au productivisme davantage qu’au capitalisme.
Anne Rumin évoque alors la dérive prométhéenne des sociétés occidentales qui se sont pensées supérieures à la Nature. Mais pour elle, un des fondements de l’effondrement repose sur l’inaction des individus. Il est en effet difficile pour quelqu’un.e de se représenter une catastrophe de cette ampleur, et peu ont encore le courage politique (la paresia chez Michel Foucault) pour lancer l’alerte. Enfin, pour Lola L., peu osent encore se montrer radicaux, au sens de “s’attaquer à la racine” du problème, mais c’est ce que tente de faire le mouvement Extinction Rebellion.
L’effondrement, c’est aussi toute une réflexion autour du temps, réflexion que tente de pousser Anne Rumin dans ses recherches. Nous vivons en effet dans ce que François Hartog appelle le présentisme : nous vivons dans une immédiateté toujours renouvelée qui nous empêche de penser le temps long et donc de réagir aux mises en garde. Or, cette menace d’effondrement met complètement en perspective le rapport de la jeunesse à un temps qui lui est confisqué : qu’est-ce qu’être jeune aujourd’hui dans un monde qui est en train de mourir ? C’est un sujet réellement douloureux, vécu bien souvent comme une profonde injustice qui réduit notre champ des possibles.
Être étudiant.e face à l’effondrement
Vient alors la question que beaucoup d’étudiant.e.s ayant abordé ces sujets se posent: que faire, lorsque l’on est jeune diplômé, face au risque d’effondrement? Faut-il s’infiltrer dans le système prédateur ou le déserter, alors même que nos études nous placent en son cœur? Pour Lola L., les études sont un moment crucial car elles nous permettent de nous nourrir intellectuellement et de construire notre rapport au monde.
Mais ce serait cependant une erreur, selon elle, de rester uniquement dans le monde des idées, et elle propose de compléter la théorie par une approche plus physique et matérielle du monde et une reconnexion avec la Terre et les écosystèmes. Celle-ci pourrait passer par des activités plus manuelles, ou la découverte de lieux d’expérimentation sociale et écologique comme les ZAD. Pour l’une des personnes présentes dans le public, la question ne reposait pas tant sur la dichotomie s’infiltrer/déserter, mais davantage sur l’opposition entre agir et s’exprimer politiquement : aujourd’hui, les individus ne font que s’exprimer et attendre que les personnes au pouvoir agissent, alors même qu’il faudrait que nous commencions à agir nous-mêmes.
Au terme de la table ronde, le temps des questions a ainsi surtout été un temps d’échange pour les personnes présentes, beaucoup étant déjà énormément informées sur le sujet. Les questionnements sur l’action violente et non violente, sur l’optimisme ou le fatalisme, ainsi que les réflexion sur l’éco-psychologie et les causes psychologiques de l’inaction face au risque d’effondrement ont été autant de sujets abordés pendant ce temps.
La conférence a ainsi été un temps d’échange véritablement enrichissant sur un sujet parfois beaucoup trop anxiogène. Il a permis de soulever la question de l’effondrement suivant un angle bien peu souvent abordé: celui de la jeunesse, et de comment le risque d’effondrement menace de confisquer son avenir.
Article rédigé par Loïs Mallet et Margot Duvivier.