Tout ce qu’il faut savoir sur les ressourceries étudiantes

A l’occasion de la Semaine Étudiante de la Réduction des Déchets (SERD), nous avons rencontré Anthony de l’association Etu’recup (Bordeaux) et Matthieu de luniverCel (Nanterre). Leur point commun ? Avoir mis en place des ressourceries sur un campus étudiant, lieux d’échange et de partage où l’on peut retrouver des objets de seconde main à moindre coût.

Issu du guide Porter un projet de lieu alternatif sur un campus étudiant d’Etu’Recup

Présentation des ressourceries ou zone de gratuité

  • Présente nous ton association, et ta ressourcerie ou ta zone de gratuité ?

Anthony – Etu’Récup est une ressourcerie étudiante, composée d’étudiant.e.s, de riverains et de personnels universitaires (enseignant.e.s, chercheur.se.s, administratif…). C’est une association indépendante de l’Université de Bordeaux. L’idée initiale est de réduire le gaspillage et les dépôts sauvages d’objets sur le campus lors des départs étudiants et permettre aux nouveaux arrivants de s’équiper à moindre coût à la rentrée. C’est aussi un lieu de vie intergénérationnel et solidaire, où les personnes peuvent discuter et échanger, autour d’ateliers participatifs de bricolage. C’est assez drôle de voir des étudiant.e.s de différentes filières travailler ensemble, ou de voir des riverain.ne.s partager leurs connaissances avec les étudiant.e.s. Le but est également de sensibiliser à d’autres modes de consommation et à la prévention des déchets.

Etu’Récup c’est 2600 adhérents et 93 Tonnes d’objets collectés en 2019. 

Matthieu – L’association luniverCel a tenu une zone de gratuité pour une expérimentation qui est terminée aujourd’hui. C’était à l’Université Paris Nanterre du mois de mai à fin juin 2019. Dans un premier temps, il y a eu un mois (mars/avril) de chantier solidaire pour inviter le public à construire la zone. Ensuite en mai/juin, la zone était ouverte en fonction de la disponibilité des bénévoles. C’était un café associatif, un magasin gratuit et un lieu d’animations de zéro déchets, de récupération d’objets, d’upcycling. En parallèle, on a mené une campagne de sensibilisation avec un livret zéro déchet, une compilation d’actions pratiques et un recensement de lieux sympas sur la thématique. On organisait aussi des ateliers pour les enfants. On réunissait différents types d’objets et on leur demandait de les trier dans différentes poubelles en fonction de ce que c’était.

  • Où se situe la ressourcerie/zone de gratuité ?

Anthony – Nous avons 3 pôles : la “nouvelle” ressourcerie avec la boutique et les ateliers basée à Pessac, ainsi que deux locaux de la Maison du vélo (un sur le campus de Pessac et un à Pessac Centre). 
Vous pouvez également retrouver des “Boîte à dons” sur Pessac et Bordeaux Métropole.  

Matthieu – Aujourd’hui la ressourcerie de Nanterre n’existe plus. En revanche, il existe à Paris et à Nanterre, des boîtes à don, des mini-zones de gratuité permanentes en quelque sorte.
Par ailleurs, cette année on monte un nouveau projet de ressourcerie, à la différence près que ce sera dans un triporteur donc un camion avec les côtés ouvrants. Ce sera donc une zone de gratuité mobile. Aujourd’hui, on a un lieu de stockage et un garage pour le triporteur. Le triporteur devrait être prêt prochainement, après résolution de quelques problèmes techniques.

L’organisation du lieu

  • Que peut-on trouver dans une ressourcerie/zone de gratuité ? 

Anthony – Dans la ressourcerie, on peut trouver du mobilier, de l’électroménager, de la vaisselle, des vêtements, du linge de maison, de la déco et des vélos (tout ce dont on a besoin en étant étudiant.e). 
On ne prend que des choses qui peuvent encore être utilisables, ne nécessitant pas ou peu de réparations, car l’idée est de remettre en circuit et à faible coût les objets qui sont encore en bon état et qui auraient fini à la poubelle ou à la déchèterie.
Nous limitons donc notre collecte de gros mobilier, d’objets de puériculture et de bibelots, pour ne proposer que des objets utiles au public. 

Matthieu – Comme à Bordeaux, on trouvait un maximum de types d’objets différents. On faisait très très peu de mobilier. Les objets principaux qui étaient donnés ou récupérés, étaient des objets de cuisine, des objets culturels et des vêtements (à la différence d’Etu’Récup, nous récupérions des vêtements pour bébés).
Il y avait eu aussi une tentative de faire du don et de l’échange de graines et de plans qui n’a pas vraiment marché. 

  • D’où viennent ces objets ?

Anthony – Nous possédons un espace de dépôt où étudiants et riverains peuvent déposer des objets pendant les horaires d’ouvertures… La ressourcerie intervient aussi toutes les semaines en déchetterie (à Pessac), ce qui permet de récupérer des objets pouvant encore servir. 
Nous limitons néanmoins la récupération aux objets que nous pensons pouvoir remettre en circuit. Nous collectons également à domicile en cas de besoin sur un périmètre limité. La ressourcerie est ouverte toute l’année mais nous avons deux temps un peu plus forts dans l’année : au printemps, pour la collecte, lors des départs des étudiant.e.s, et à la rentrée, pour la boutique, lorsque les étudiant.e.s s’installent dans leurs logements. 

Matthieu – Pendant la période de construction de zone de gratuité et pendant les 2 mois d’ouverture, les gens pouvaient venir déposer des objets dans un caddie de don en inscrivant le poids et le type d’objet sur un petit carnet pour le suivi. On vidait le caddie tous les soirs. En regardant les stocks qu’on a aujourd’hui à l’association, je pense qu’il y avait un historique. On a beaucoup travaillé avec la boutique sans argent de Paris qui nous a donné des stocks. Aujourd’hui on a toujours une dizaine de mètres carrés d’objets à donner, qu’on essaye de donner à travers des zones de gratuité plus éphémères.

  • Qui vient dans la ressourcerie/zone de gratuité ? 

Anthony – La ressourcerie est ouverte à toutes et à tous, étudiant.e.s, riverains, personnel universitaire… Nous avons 70 à 75% de nos adhérent.e.s qui sont étudiant.e.s, de par notre situation géographique, mais la ressourcerie est ouverte à toutes et à tous. Elle est également en lien avec des structures comme le Secours Populaire ou le CCAS (Centre Communal d’Action Sociale), pour pouvoir venir équiper les personnes en grande précarité.  

Matthieu – On était au sein d’un campus donc les étudiant.e.s étaient notre public par défaut. On invitait les professionnels de l’université et les habitant.e.s proches à venir. Pendant les chantiers, on a eu 15 personnes par mois. Au mois de mai, le mois d’ouverture on a eu 215 personnes, principalement des femmes. 

  • Quelles sont vos conditions d’accès ? 

Anthony – La seule condition est d’être adhérent.e à Etu’Récup. L’adhésion est à prix libre, 3€ minimum. Nous avons une politique tarifaire à bas prix, avec des zones de prix libre et des zones de gratuité, pour que chacun puisse s’équiper à faible coût. 

Matthieu – L’adhésion n’était pas nécessaire mais on l’incitait fortement. L’adhésion est à prix libre.

  • Qui gère la ressourcerie (étudiant.e.s, salarié.e.s, bénévoles…) ?

Anthony – La ressourcerie, c’est une équipe de 10 personnes, composée de 7 salarié.e.s et 3 services civiques volontaires mais aussi un conseil d’administration et un bureau collégial formé d’étudiants, de riverains et de personnel universitaire. Elle peut compter sur plus de 60 bénévoles pour assurer les ateliers, la boutique, les évènements et la collecte des objets. Nous organisons des temps de rencontres avec les différents acteurs pour que la ressourcerie soit un lieu de vie et d’échanges.

Matthieu – C’était une bénévole qui était responsable du projet, qui le portait quotidiennement avec l’appui d’autres bénévoles. Aujourd’hui, on a une salariée et 3 services civiques. Le futur projet de ressourcerie mobile sera porté par une service civique. 

  • Des étudiant.e.s peuvent-il.elle.s vous rejoindre ? Si oui, comment ? 
Appel à bénévoles d’Etu’Recup

Anthony – Avec grand plaisir, on a toujours besoin de bénévoles ! Prochainement, les personnes intéressées pourront directement s’inscrire sur le site internet d’Etu’Récup (en cours de reconstruction), et sont invitées à venir rencontrer l’équipe directement à la ressourcerie. 

Matthieu – On est sur plusieurs plateformes de bénévolat, helloasso, on prend les demandes de contact, on fait un petit échange et on voit ce que les étudiants veulent faire.

Comment monter sa ressourcerie

Zone de don mise en place par luniverCel
  • Pourquoi avoir voulu mettre en place une ressourcerie/zone de gratuité?

Anthony – Cette ressourcerie est basée sur un double constat : un constat de gaspillage général, problématique des campus et Cité U de Bordeaux au moment des départs; et les ressources financières limitées des étudiant.e.s internationaux qui n’ont pas toujours les moyens de s’équiper correctement à leur arrivée. Ce turn over permanent et la précarité financière des étudiants montre toute la pertinence de créer des ressourceries sur les campus.

Matthieu – Notre société jette beaucoup. C’est pourquoi, il est facile de trouver des objets que les gens sont prêts à donner pour qu’il soient réutilisés, mais c’est aussi essentiel de faire une sensibilisation à faire à ce niveau-là : il y a un telle quantité d’objets jetés qu’il y beaucoup de choses à faire et de choses à dire.

  • Qui étaient les personnes à l’origine du projet ? Avec quels acteurs avez-vous dû interagir (administration, associations de dons, particuliers, etc.) ?

Anthony – La ressourcerie a mis entre 3 et 4 ans pour se lancer. De nombreuses discussions, autour des problématiques précédemment citées, ont commencé à émerger entre les associations étudiantes et les services culturels de l’Université et du Crous. J’ai à mon tour rejoint le projet ainsi que d’autres personnes avec des expériences associatives riches et l’association s’est créée. 
Nous nous sommes petit à petit rapproché.e.s des collectivités (Métropole, Région, département…) le but étant de motiver et convaincre les institutions de l’intérêt du projet, afin de bénéficier d’un soutien financier et de locaux. La Métropole de Bordeaux s’est également intégrée aux discussions dans le cadre du Programme Local de Prévention des Déchets et nous a apporté très vite son soutien.

Matthieu – 3 associations étaient à l’origine du projet : une association étudiante, une association qui tenait une épicerie solidaire et luniverCel, avec sa bénévole très impliquée. Donc c’était un collectif avec en partenariat un service culturel de l’université pour la mise à disposition du local. La bénévole de luniverCel chapeautait le tout. Derrière elle, il y avait 6-7 personnes du bureau et des bénévoles.
Il y a donc eu plusieurs acteurs associatifs en fonction de qui voulait co-porter le projet. C’était un lieu de vie assez multi-activités. Chaque association qui avait une activité pouvant s’y insérer, venait travailler avec nous. On a également dû voir avec l’université et le CROUS pour obtenir des accords de mise en place de projet, comme, par exemple, une boîte à don au sein d’un foyer du CROUS.

  • Quels obstacles et difficultés avez-vous rencontrés ?

Anthony – D’abord, il a fallu convaincre certains partenaires que ça ne va pas être un “dépotoir”, que ce sera bien géré et démontrer que l’on avait besoin d’un minimum de ressources pour bien fonctionner (budget et locaux). Il a fallu également identifier et contacter les différents acteurs comme le Crous et les administrations.

Matthieu – La première difficulté a été d’assurer les financements et une bonne comptabilité. En échangeant avec la mairie, l’université et d’autres associations, on nous a expliqué où il fallait chercher efficacement. La deuxième a été de faire preuve de rigueur administrative. Assurer le suivi d’impact et les bilans d’activité qui nous ont été demandés par les partenaires, ce qui n’est pas une partie de plaisir !

  • Un conseil pour les associations étudiantes qui veulent monter une ressourcerie/zone de gratuité ?

Anthony – Comme tout projet, il faut bien s’entourer et former une bonne équipe motivée. Il peut y avoir des moments de tensions, des moments de doutes, c’est pas évident de monter un projet avec un groupe de personnes qui ne se connaissent pas bien ou qui ne sont pas sur la même longueur d’onde. C’est souvent à cause de ça que les projets tombent à l’eau. 
Concernant la création d’une ressourcerie, il faut bien définir la zone d’intervention et d’impact. En plus, n’hésitez pas à aller voir ou à contacter des ressourceries qui existent déjà. On peut être là pour apporter un conseil ou un coup de main, avec grand plaisir ! Mais en tout cas, il ne faut pas attendre d’avoir un local pour commencer, il faut se faire connaître et multiplier les interventions, animations, etc.

Matthieu – Premièrement, ne pas hésiter à contacter de nombreux partenaires intéressés pour accompagner des projets (les services de la mairie, du CROUS, le REFEDD…). La communication avec les partenaires est vraiment essentielle car elle peut être source de solution. Deuxièmement, avoir quelqu’un qui a de l’expérience en gestion administrative d’une association et qui, de préférence, dès le début sera prêt à assurer ce travail. 

Pour aller plus loin

Pour tout savoir sur comment mettre en place un lieu alternatif, vous pouvez lire le guide Porter un projet de lieu alternatif sur un campus qui vous donne (entre autre) une méthodologie complète pour monter votre ressourcerie.

Retrouvez Etu’Recup sur facebook et instagram !

Retrouvez luniverCel sur facebook et sur son site internet !

Article rédigé par Emma et Seyna, en service civique au REFEDD. Merci à Anthony et Matthieu pour leur participation.