On sait que le réchauffement climatique ne sera pas limité à 1,5° sans une élimination rapide et équitable des combustibles fossiles ni sans une augmentation efficace des énergies renouvelables. Ces mesures sont discutées dans l’item de négociation « atténuation », qui, lors de la COP 26, a donné naissance à un programme de travail sur l’atténuation qui a pour but d’accroître d’urgence l’ambition et la mise en œuvre en matière d’atténuation » afin d’aider à atteindre l’objectif de limitation de l’augmentation de température globale fixé dans l’Accord de Paris.
Les enjeux du programme de travail sur l’atténuation
Élargir et approfondir la décarbonation: Pour les pays développés, cela signifie non seulement prendre des mesures accélérées au niveau national, mais aussi fournir des moyens de mise en œuvre pour soutenir l’action des pays en développement.
Par ailleurs, il est primordial de souligner que la décarbonation globale ne pourra se passer d’une baisse substancielle de la demande énergétique, via de l’efficacité, mais surtout de la sobriété énergétique. En effet, iI serait nécessaire de ne pas seulement augmenter la production des énergies renouvelables, mais aussi d’éviter un effet rebond, c’est-à-dire l’atténuation voire l’annulation de la baisse d’émissions à cause d’une augmentation globale de la quantité d’énergie consommée.
Pourtant, lors des SB58, rares sont les pays qui ont osé parler de réduction de la consommation mondiale d’énergie, alors que les expert.es du GIEC (Groupe d’Experts Intergouvernemental sur l’Évolution du Climat) considèrent les “sufficiency policies” (ou “politiques de sobriété”) comme “incontournables.”
Au-delà de la dimension strictement énergétique, l’atténuation inclut aussi des méthodes de stockage des gaz à effet de serre, naturelles ou technologiques. Lorsqu’on parle de solutions basées sur la nature (ou “NbS (Nature-based Solutions)” en Anglais), il peut s’agir de préserver et de restaurer des écosystèmes qui absorbent naturellement le CO2 atmosphérique comme les océans ou les forêts, et de conserver la biodiversité qui est essentielle à l’équilibre holocénique du climat.
Parallèlement, lesdites “solutions” technologiques correspondent à la capture et au stockage du carbone via de la géo-ingénierie (techniques de contrôle artificiel du climat par l’Homme). Cependant, ces solutions ne sont pas accessibles aux pays en développement qui n’ont pas les moyens nécessaires pour les développer. De plus, les conséquences de modifications artificielles des habitats naturels et du climat ont des conséquences néfastes se heurtant au concept de principe de précaution. Comme le souligne le GIEC dans sa revue de la littérature sur les technologies de capture et stockage du carbone, ces dernières sont souvent risquées, coûteuses, et ne suffiront pas à atténuer le changement climatique durablement.
Financement
En ce qui concerne les moyens de mise en œuvre, comme l’indique l’AIE (Agence Internationale de l’Énergie), nous devons multiplier par sept les investissements dans les énergies propres dans les pays en développement (de 150 milliards de dollars actuellement à 1 000 milliards de dollars par an) d’ici à 2030, pour transformer leurs économies en fonction d’une trajectoire compatible avec une augmentation de 1,5°C. Sans ces financements, le programme d’atténuation ne pourra pas être appliqué par les pays en développement qui n’auront pas les moyens de le mettre en œuvre.
Au niveau mondial, l’AIE indique également que pour parvenir à zéro émission nette au niveau global en 2050, il faudrait plus que tripler les actuels investissements internationaux dans les énergies renouvelables pour atteindre 4 000 milliards de dollars par an.
En outre, le renforcement des compétences des pays en développement en matière de politiques de décarbonation sectorielle et à l’échelle de leur économie est une condition préalable de l’atténuation. Il consiste au partage de bonnes pratiques et implique davantage les différents acteurs non-étatiques (organisations non-gouvernementales, villes, ou encore les entreprises) afin de créer les conditions permettant aux Etats d’accroître l’ambition et la mise en œuvre de leurs plans d’atténuation.
Désaccords sur le programme d’atténuation :
Aux SB58, ces différents points concernant le programme d’atténuation ont été abordés lors des négociations, mais ont été le lieu de désaccords entre les Etats :
Les solutions à apporter : de nombreux pays insulaires et en développement sont conscients des conséquences de la catastrophe climatique sur leurs moyens de subsistance et les écosystèmes, et du coût élévé des technologies qui permettraient de l’atténuer. Ils mettent ainsi en avant les solutions basées sur la nature et un haut niveau d’ambition des politiques d’atténuation.
En parallèle, certains pays émergents comme l’Arabie Saoudite défendent l’atténuation du changement climatique par le moyen des technologies car celles-ci permettent de maintenir l’hyper-capitalisme sur lequel ils reposent (dans l’hypotèse où développer des “solutions” technologiques leur permettraient de générer du profit).
#AgendaFight : Lors des SB58, les items de négociation à mettre à l’ordre du jour ont suscité de vives tensions, notamment au sujet de l’item atténuation. Les pays en développement refusaient de voter unanimement pour cet item si le sujet des financements n’était pas abordé. S’ils n’obtiennent pas les fonds nécessaires pour mettre en place le programme d’atténuation, beaucoup de ces pays devront forcément choisir entre faire face aux catastrophes climatiques, s’adapter ou atténuer. Or, les pays en développement sont généralement les plus vulnérables aux événements climatiques extrêmes, d’où l’importance pour eux de d’abord privilégier l’adaptation et les pertes et dommages.
Finalement, après 10 jours de conflit, l’ordre du jour a été voté, mais au détriment de plusieurs items dont atténuation. Le contenu des discussions sur celui-ci n’a donc pas été adopté officiellement en plénière, et a été synthétisé dans une “note informelle” produite par le secrétariat à destination des parties pour la COP28.
Le fin mot des SB58 sur ce programme de travail sur l’atténuation
Les conclusions des nombreuses négociations entre les pays ont défini un programme d’atténuation non prescriptif, non contraignant, facilitateur, respectueux de la souveraineté et des circonstances nationales, sans imposer de nouveaux objectifs ou de nouveaux buts.
Malgré les attentes des organisations non-gouvernementales, ce programme d’atténuation s’avère finalement peu ambitieux. En effet, le GIEC souligne que mêmes les plans d’actions d’atténuation actuels des pays ne seront pas suffisants pour atteindre les accords de Paris.
Article rédigé par Camille Labous
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