Ecologie et Féminisme : même ennemi, même combat ?

Lors du WESES 2022, organisé par le RESES, nous avons organisé plusieurs ateliers et conférences, notamment une conférence sur l’éco-féminisme. Cette conférence sur l’éco-féminisme était l’occasion de décortiquer ce mouvement et concept. Pour ce faire, nous avons convié Maureen Bal, doctorante en deuxième année de thèse qui travaille sur l’éco-féminisme en tant qu’idéologie et Anna Gardes, étudiante en design social qui se spécialise sur cette thématique.

La conférence s’est déroulée en deux temps : une présentation de Maureen qui visait à répondre à la question suivante “L’éco-féminisme : une synthèse entre l’écologie politique et le féminisme?” puis un atelier de mise en pratique, imaginé par Anna, s’inspirant des rituels du mouvement spiritualiste féministe. 

“L’éco-féminisme : une synthèse entre l’écologie politique et le féminisme?”

Il a été rappelé que l’écologie dont il est question dans l’écoféminisme et particulièrement dans cette conférence est l’écologie politique qui embrasse les concepts suivants : critique de l’Etat , préférence pour la démocratie directe ou participative, fédéralisme, internationalisme , critique globale du jeu des élections, critique du productivisme, du travail , rejet du travail salarié , critique du progrès et défense de l’environnement.

S’agissant du féminisme, Maureen a rappelé que c’est un terme inventé par Alexandre Dumas mais qu’il y a beaucoup de définitions du féminisme ainsi qu’une multitude de courants. Globalement et en schématisant, nous pouvons définir le féminisme comme la défense du droit des femmes et du droit à une égalité réelle. 

Historiquement, Françoise d’Eaubonne est une des premières femmes à avoir théorisé l’écoféminisme en 1974 en mettant en exergue la responsabilité du capitalisme et des hommes dans l’exploitation des femmes, les raisons similaires à l’exploitation des femmes et de la nature tout comme le parallèle entre l’exploitation de la fécondité des femmes et la fécondité des sols. Tout comme il y a une multitude de féminismes il y a de nombreux mouvements dans l’écoféminisme : spiritualisme (sorcières), matérialisme (conditions matérielles d’existence), écoféminisme décolonial (Myriam Bahaffou en est la théoricienne principale en France).

Crédits photo : Krishan BUMMA

Le regain d’intérêt pour cette thématique s’explique notamment par le contexte socio-culturel actuel : la crise écologique et climatique, marches et grèves pour le climat qui témoignent de l’intérêt pour ces questions, un besoin de changement global, une crise de la démocratie représentative, la montée des conservatismes avec (notamment) le retour en arrière sur le droit à l’IVG…

L’éco-féminisme puise donc dans les mouvements écologistes et féministes. Il n’y a rien de 100% novateur, néanmoins l’écoféminisme a beaucoup à apporter à l’écologie et au féminisme. 

En effet, l’éco-féminisme est à la jonction de l’écologie et du féminisme pour plusieurs raisons. On peut parler d’intersectionnalité car il y a l’idée que toutes les luttes se recoupent et s’imbriquent entre elles, mais il est important de bien comprendre ces termes. Dans les faits, on peut dire qu’on ne peut pas combattre le sexisme sans combattre le racisme et l’exploitation de la nature. Ces pratiques précèdent les années 80-90 et beaucoup viennent des Pays du Sud, l’étiquette “écoféminisme” a été créé par les sociétés occidentales.  Aussi, on retrouve dans l’éco-féminisme un projet de société et des concepts de l’écologie politique et du féminisme : le rejet du pouvoir et l’appel à la démocratie réelle (changer le système de l’intérieur est impossible), l’autogestion : on se gère soi-même (tradition anarchiste) , la décroissance : cesser la course au profit , revoir le modèle économique actuel et la non-violence : désobéissance civile. 

Cependant, l’écoféminisme apporte une nouvelle vision, un nouveau souffle à l’écologie et au féminisme en incitant les femmes et les minorité.e.s à se saisir du politique, en utilisant notamment le concept de “Reclaim”. Ce concept vise à se réapprorier les qualités qu’on accole aux femmes et personnes identifié.e.s comme femmes (douceur, gentillesse, altruisme, pacifisme etc.).  L’écoféminisme permet également d’avoir une nouvelle manière de concevoir les rapports entre les humains et la Nature. La somme de tout cela s’illustre dans la formulation d’un projet de société alternatif.

Pour conclure, l’écoféminisme n’est pas qu’une simple addition de l’écologie politique et du féminisme , le mouvement souhaite aller plus loin dans les théories . Pour récapituler, on pourrait dire que les hommes, les femmes et la nature vivent ensemble ; les hommes et femmes ne doivent pas se sentir au-dessus de la nature. Maureen a également souligné la récupération capitaliste de l’écoféminisme avec la multiplication de goodies ou tout simplement l’utilisation de cette étiquette à tort et à travers. 

Enfin, au sein de l’écoféminisme il y a d’abord l’activisme puis la théorie. C’est pour ça qu’il existe peu de textes sur le sujet et il n’existe pas de “manuel” pour être écoféministe. Le travail personnel pour changer sa vision du monde est le plus important…

Elodie Goncalves, bénévole au RESES a résumé la conférence en dessin (Bravo à elle pour son travail ! )

Un rituel comme outil d’empouvoirement

A la suite de cette intervention, Anna Gardes a proposé un atelier aux participant.e.s pour mettre en pratique ce qui a été présenté par Maureen. 

Anna nous a proposé de mettre en place un “rituel” comme outil d’empouvoirement. Cet outil est particulièrement utilisé par les écoféministes spirituelles comme Starhawk. Selon elle, « si la magie est « l’art de provoquer un changement en accord avec une volonté », alors les actes politiques, les actes de protestation et de résistance (…) les actes qui poussent au changement sont des actes de magie ». A travers cet atelier, Anna a voulu montrer comment magie et lutte peuvent se mêler en un seul et même événement. 

En pratique, qu’est ce que ça donne ? Nous avons créé des poupées “sans-soucis”, une tradition originaire du Guatemala, on conte ses peurs et ses tracas à sa poupée soucis pour se soulager des préoccupations qui nous envahissent. La poupée servirait alors d’exutoire et ferait disparaître les soucis. 

Les étudiant.e.s présent.e.s ont pu créer leurs propres poupées sans soucis au sein d’un cercle de parole, nous permettant de discuter de nos préoccupations tout en confectionnant les poupées. Réchauffement climatique, violences faites aux femmes, anxiété : l’idée était alors de « traverser l’obscur » ensemble en utilisant ces échanges comme des moyens de partager ces tracas afin de ne plus les porter seul.e.s. 

À l’image d’une amulette, les étudiant.e.s pourront repartir avec leur propre poupée. 

Quelques ressources pour aller plus loin :

Sorcières, Mona Chollet

La mort de la nature, Carolyn Merchant

Le féminisme ou la mort, Françoise d’Eaubonne

Reclaim, Emilie Hache

L’épisode “Véganisme, écoféminisme… des trucs de Blanc·hes ?” du podcast Kiffe ta race avec Myriam Bahaffou

Les autres conférences du WESES :

Article rédigé par Coralie Rasoahaingo