COP26 : Les enjeux liés à la jeunesse ont-ils été considérés ?

Durant les deux semaines de la COP26, nous étions beaucoup de jeunes présent.e.s sur les lieux, pour, d’une part voir comment se déroule une Conférence des Parties (COP) sur le climat, mais aussi pour défendre les droits de la jeunesse. En effet, d’après l’UNICEF, 66,5 millions de jeunes sont affecté.e.s chaque année par les dérèglements climatiques.

Durant les dix prochaines années, ce chiffre devrait monter à environ 175 millions. La place de la jeunesse dans les négociations internationales semble donc extrêmement importante. D’ailleurs on parle très souvent des “générations futures” dans les discussions climatiques, ce qui est assez paradoxal étant donné que les personnes présentes à la table des négociations sont souvent des hommes, caucasiens, de plus de 50 ans. Alors quelle est la place de la jeunesse et de nos revendications dans les négociations internationales liées au climat ? 

La jeunesse dans les négociations internationales

Les enjeux pour la jeunesse sont inclus dans l’Article 6 de la Convention Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques (CCNUCC). Ces enjeux sont développés sous le nom d’Action for Climate Empowerment (ACE), qui, en français se traduirait par l’action pour l’autonomisation climatique. Dans cet article, l’Organisation des Nations Unies (ONU) souligne l’importance de l’information sur la question climatique. Ceci se fait entre autres au travers de l’éducation, des formations, du partage de connaissance, et l’accès à l’information auprès du grand public. Le texte d’ACE invite les États signataires à mettre en place des ressources financières et matérielles ainsi que des informations sur le climat afin que ces populations les plus vulnérables puissent être valorisées et réagir vis-à-vis du climat. 

Bien que ce texte soit international, il souligne le rôle national qu’ont les États dans ces thématiques. L’importance de ce texte avait d’ailleurs été remise en valeur lors de la COP21. En effet, depuis 2015 et la mise en place de l’Accord de Paris, ACE est aussi inclus dans l’Article 12 de celui-ci. Cela permet de réitérer les engagements des parties et l’importance de l’éducation, la formation, la sensibilisation et la participation de la société civile vis-à-vis du climat. 

Cependant il faut noter que les enjeux de la jeunesse ne sont pas les seuls sujets traités dans ce texte. En effet, le but général d’ACE est de valoriser tous les membres de la société civile vis-à-vis du climat. Ce sont donc surtout l’ensemble des populations les plus vulnérables qui sont visées, comme les jeunes, les femmes, les personnes porteuses de handicap ou encore les populations autochtones.

Ces personnes sont souvent en première ligne face aux changements climatiques, sans avoir le pouvoir d’agir dans des instances politiques étant donné qu’elles y sont les moins représentées. En effet, d’après un rapport de l’ONU, 65% des participant.e.s lors des COP26 étaient des hommes. Alors que d’après ce même rapport, 80% des personnes les plus touchées par les changements climatiques sont des femmes et des enfants.

Les actions liées à ACE restent encore très compliquées à évaluer. En effet, le texte est très large, donc il est compliqué d’estimer concrètement les retombées de ces actions au niveau international, mais également national. En France par exemple, les recommandations d’ACE liées à l’éducation au climat semblent très peu appliquées, d’après les chiffres de la Consultation Nationale Étudiante (CNE). D’après cette dernière, 69% des étudiant.e.s qui ne suivent pas une formation liée à l’environnement entendent très peu, voire pas du tout, parler des enjeux liés à l’urgence environnementale.

Ceci montre bien que l’éducation au climat dans l’enseignement supérieur est encore loin d’être mise en place. De plus, 90% des étudiant.e.s français.es estiment que les intérêts des générations futures sont insuffisamment, voire pas du tout pris en compte dans les actions des dirigeant.e.s politiques. Ces chiffres montrent bien que jusqu’alors, le texte d’ACE n’a pas été suffisamment efficace.

Manifestation de jeunes à la COP26 pour revaloriser les droits humains et ne pas les supprimer des textes.

ACE dans le Pacte de Glasgow, un texte peu ambitieux

Le texte général d’ACE est révisé environ tous les 10 ans. Cette année, le texte était donc sur la table des négociations pour mettre à jour le Programme de Travail de Doha, établi en 2012 lors de la COP18 sur les changements climatiques. 

Le nouveau texte d’ACE a été adopté à la fin de la première semaine de négociation de la COP26. Cependant celui-ci n’est pas très ambitieux, à l’image d’autres textes signés à Glasgow. En effet, pour ce qui est d’ACE le texte reste très similaire à ce qui avait été adopté neuf ans plus tôt à Doha, ne montrant absolument pas l’évolution du changement climatique, ni son urgence qui se fait de plus en plus ressentir dans différents pays.

Le texte signé à Glasgow insiste à nouveau sur le fait de donner des moyens (financiers et matériels) pour que les populations les plus vulnérables puissent réaliser des actions concrètes pour lutter contre les changements climatiques, mais également avec une meilleure base de connaissances. Mais la zone d’action des moyens financiers reste encore très floue. Tout ce qui touche aux financements de ces actions n’est absolument pas détaillé sur la provenance du le financement. Pour cette dernière question, ceci est particulièrement problématique vis-à-vis des pays du Sud. En effet, cela rejoint la question du manque de financement qu’ont les pays les plus vulnérables en général pour entamer leur transition verte. 

De plus, le texte stipule bien que plusieurs suivis doivent être faits au cours des intersessions (les sommets de la CCNUCC entre les COP), et ce dès juin 2022. Des rapports de l’évolution des mesures nationales devront à chaque fois être communiqués lors de ces rencontres afin qu’un suivi puisse se faire. Cependant, il n’y a aucun objectif chiffré déterminé, ce qui semble rendre le suivi des actions complexes, ou même la comparaison entre les États subjectifs. 

Enfin, le nouveau texte d’ACE devait bien sûr inclure la mention des droits humains, pour protéger les personnes les plus vulnérables face aux changements climatiques. Étant donné que rien n’apparaît là-dessus, les États ne sont pas invités à protéger ces populations, ce qui est complètement en contradiction avec le texte lui-même. Dans ce même esprit de contradiction, l’idée de favoriser l’éducation des jeunes filles a aussi complètement été écartée. Pourtant d’après l’UNICEF, dans le monde 32 millions de jeunes filles ne sont pas scolarisées, ce qui est donc un obstacle majeur par rapport à l’application d’ACE.

Le problème réside finalement dans l’organisation de la COP elle-même, puisque ces populations vulnérables ne sont pas incluses au sein des instances de prise de décision. Iels ne sont pas écouté.e.s dans leurs revendications, et pourtant de nombreuses propositions concrètes, entre autres sur l’éducation au climat, avaient été rédigées par des jeunes eux.elles-mêmes.

Des propositions pourtant concrètes des jeunes

Au mois de septembre 2021, plus de 400 jeunes venant de partout dans le monde s’étaient réuni.e.s lors du sommet Youth4Climate : Driving Ambition à Milan pour élborer des propositions en lien avec le climat. Ces nombreuses propositions ambitieuses avaient pour vocation de porter la voix des jeunes directement à la COP26. Ces propositions très travaillées incitaient notamment les États de faire participer les jeunes aux prises de décisions politiques d’une part. D’autre part, d’assurer une transition énergétique d’ici 2030 ou encore d’accroitre l’éducation au climat au niveau international. 

Le 5 novembre, lors de la journée de la jeunesse à la COP26, certain.e.s jeunes présent.e.s à Milan ont donc défendu leurs idées en les amenant directement à Alok Sharma, le président de la COP26. Il y avait entre autres, des points d’honneurs quant à la prise en compte des droits humains, de l’inclusion des populations les plus vulnérables et de la redevance des pays du Nord vis-à-vis des pays du Sud au sujet de la dette climatique. D’autres sujets moins en lien avec ACE concernaient les transports, la protection de la biodiversité et la finance, montrant bien l’avis de la jeunesse sur ces différentes questions primordiales pour contrer les changements climatiques. Tous ces sujets ont été déplorablement écartés à Glasgow.

Un bilan tout de même très mitigé

Le sujet ACE se fait à différents niveaux, dont l’échelle nationale et locale. Le texte en lui-même donne donc des grandes lignes au niveau international, mais l’application d’actions concrètes ne se fait pas à ce niveau là. En effet, ACE est supposé répondre aux différentes problématiques globales mais les spécificités de celles-ci doivent être déterminées au niveau national. Cependant, comme nous l’avons vu ci-dessus avec les chiffres de la CNE, les actions au niveau national ne suivent pas et cela n’est pas le cas uniquement en France..

On le voit d’ailleurs au niveau des nombreuses actions qu’organisent les jeunes au niveau international. Lors de la COP26 par exemple, le 5 Novembre Fridays for Future avait organisé une marche pour le climat, qui a réuni des milliers de jeunes du monde entier venant protester contre l’inaction climatique de leurs gouvernements. En défilant dans les rues, les jeunes soulignent d’ailleurs qu’iels sont complètement mis de côté lors des négociations internationales, taisant donc complètement leurs voix et revendications.

Les jeunes ont bien souvent les mains liées par rapport à la prise de décision, d’où l’importance de mettre davantage de l’avant le texte d’ACE, de l’implémenter au niveau national ou local et de rehausser les ambitions générales.

Cependant, même si les ambitions sont légèrement rehaussées, cela ne règle pas le problème de fond d’ACE. Finalement, les jeunes veulent aussi être directement représenté.e.s à la table des négociations et ainsi avoir leur mot à dire, mais nous sommes encore bien loin de cette représentation directe. Bien que la constituante jeune YOUNGO existe et est active, à l’image des propositions faites par des jeunes lors de la PréCOP26, celles-ci ne sont pas suffisamment prises en compte. 

Finalement, les enjeux de l’éducation et de la jeunesse ne sont donc que très peu considérés en tant que tels lors des COP. Ce qui est paradoxal étant donné que nombreu.x.ses sont ceux.celles qui soulignent l’importance de la jeunesse, son engagement, et sa détermination face aux questions climatiques. 

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Sources

Article rédigé par Manon Bourhis