La COP26, un succès pour certain.e.s, un échec cuisant pour d’autres

La 26ème Conférence des Parties (COP26) des Nations Unies sur les changements climatiques s’est achevée samedi 13 novembre 2021 à Glasgow, en Écosse. Après treize jours de négociations, faites jour et nuit, les différent.e.s participant.e.s sont rentré.e.s dans leur pays d’origine (pour la plupart en avion). Malgré le fait qu’un accord ait été signé, et que les 196 pays réunis se soient mis d’accord sur un texte (ce qui est plutôt rare), un sentiment amer reste, au vu du manque d’ambition du texte final.

Durant toute la COP26, le RESES ainsi que d’autres jeunes présent.e.s à la COP26 vous ont proposé une newsletter décryptant certains points abordés lors de la conférence. Si vous les avez ratées n’hésitez pas à les lire avant de commencer cet article bilan ! Nous vous proposons donc de retrouver tous ces points d’info ci-dessous : 

Des ambitions revues à la baisse

La COP26 s’est terminée sur les larmes d’Alok Sharma, le président de la COP26, qui s’est dit “profondément désolé” au vu du déroulé de la conférence à Glasgow. En effet, le Pacte de Glasgow est bien moins ambitieux que les attentes initiales. 

Tout d’abord par rapport aux énergies fossiles, le texte devait prévoir que les États renoncent à utiliser le charbon et à le subventionner. Quelques heures avant la fin de la COP26, l’Inde et la Chine se sont opposées au terme de “sortie progressive” des énergies fossiles. C’est le terme de “réduction progressive” des énergies fossiles qui a finalement été choisi, réduisant donc clairement le sentiment d’urgence de la crise climatique. De plus, l’élimination progressive ne concerne que « l’électricité produite à partir du charbon et des subventions inefficaces accordées aux énergies fossiles ». Cela veut-il dire que les subventions considérées comme « efficaces » seront possibles ? Si chaque pays décide que ses subventions sont efficaces, alors on pourra continuer à subventionner les énergies fossiles.

Actuellement, nous nous dirigeons plutôt vers un réchauffement de 2,7°C par rapport à l’ère préindustrielle d’ici 2100. Or, le Pacte de Glasgow ne demande qu’un réhaussement des ambitions des différents États d’ici 2022, au lieu de 2025, ce qui n’est clairement pas suffisant. Ceci n’assure en rien le maintien de la barre de 1,5°C de réchauffement par rapport à l’ère préindustrielle prévu par l’Accord de Paris, ce qui est inquiétant. 

La conclusion de certains textes, bien que n’étant pas dramatique, montre également le manque d’ambition général de la COP26. Le texte sur le Genre par exemple réitère globalement ce qui a été dit lors de la COP25, et laisse donc libre court aux États de s’impliquer financièrement ou non pour réduire les inégalités entre hommes et femmes. Mais aucun engagement spécifique ne leur a été demandé. Pour ce qui est du texte sur la Responsabilité à l’Action Climatique (comprenant entre autres l’éducation au climat), là encore le texte est globalement resté le même que celui signé dix années plus tôt à Doha. Les mentions de droits humains dans le texte ont toutes été supprimées à la dernière minute, après des heures de négociations. 

De plus, le Pacte de Glasgow ne prend pas en compte le droit des pays les plus vulnérables et des autochtones.

La marginalisation des pays les plus vulnérables COP26

Les pays les plus vulnérables, et les autochtones ont été complètement oubliés dans cette COP qui devait pourtant être “la plus inclusive des COP”. 

Tout d’abord, il manque encore 20 milliards de dollars au financement des 100 milliards de dollars par an promis aux pays du Sud dès 2020. En effet, ces fonds venant des pays du Nord devaient être alloués directement aux pays les plus vulnérables, afin qu’ils puissent s’adapter aux changements climatiques. Mais nous voilà en 2021, presque en 2022, et les fonds ne sont toujours pas disponibles. 

Rappelons-le : +2°C de moyenne mondiale, c’est une condamnation à mort pour plusieurs pays dont certains seront rayés de la carte dans 30 ans.

Aucun soutien pour combler les pertes et dommages causés par les pays les plus développés aux pays les plus vulnérables n’a été apporté. Par “pertes et dommages”, nous entendons ici les effets de l’industrialisation massive des pays les plus développés, qui se traduit d’ores et déjà par des effets de changement climatique dans les pays du Sud. Pour tenter de parer à ces dommages irréversibles, un mécanisme de financement a pourtant été proposé par les pays les plus vulnérables. Pour autant, ce mécanisme a été balayé par les États-Unis et l’Union européenne, laissant le dossier en suspens. 

Au-delà de ce qu’il se passe derrière les portes des négociaitions, les pays les plus vulnérables et les autochtones étaient grandement absents de la COP26. En effet, la barrière de la crise sanitaire (encore bien présente dans ces pays) a été une contrainte majeure empêchant leur venue. Nous n’avons pas tou.te.s le même accès au vaccin et les mêmes règles sanitaires à respecter (quarantaine, ou non, etc.). Et le risque de cluster géant au sein de la COP26 n’était pas négligeable non plus. De plus, les quatre dernières conférences des Nations Unies sur les Changements Climatiques se sont déroulées en Europe, ce qui engendre également des coûts de déplacement très élevés. Cette COP était donc tout sauf inclusive, et de nombreux représentant.e.s manquaient à l’appel. Tout ceci a renforcé les inégalités structurelles entre les pays les plus développés et les moins développés au sein de la COP.

Marionnette de Little Amal, représentatn tou.te.s les migrant.e.s réfugié.e.s, non représenté.e.s à la COP26.

Et le fameux Article 6 de l’Accord de Paris ?

Depuis 2015 et la mise en place du règlement lié à l’Accord de Paris, de nombreux articles ont été bloqués et parmi eux l’Article 6. Six ans plus tard, les Parties ont enfin réussi à se mettre d’accord pour finir le règlement de l’Accord de Paris, mais l’Article 6 connaît un bilan bien mitigé. L’Article 6 prévoit un cadre de coopération volontaire entre les parties sur les marchés carbone. Il permet de définir les règles permettant d’échanger des réductions d’émissions carbone qui ont déjà eu lieu. Ce système permet donc de réduire les émissions carbone d’un pays émetteur, mais ne permet en rien de réduire les émissions émises à la source.

Ce principe de marché carbone est issu du Protocole de Kyoto (1997), qui a mis en place des “Mécanismes de Développement Propres”. Ceux-ci permettaient au pays les plus développés de “réduire” le CO2 en créant des projets énergetiques à l’étranger, compensant leurs emissions. L’Article 6 garde le même principe en autorisant cette fois tous les pays à jouer avec ce système. 

Au final, un double comptage sera de mise, différenciant le comptage des entreprises et celui des États. Dans les États, le double comptage entre les entités accueillant un projet visant à réduire les émissions carbone, et les entités qui le financent, a été officiellement interdit. Cependant, les entreprises les plus polluantes peuvent décider de compenser les émissions qu’elles émettent en achetant des crédits. Le problème d’émissions de CO2 n’est donc pas du tout réglé puisque aucune régulation n’existe encore sur la source polluante, venant principalement des entreprises et des pays les plus développés. 

De plus, l’Article 6 ne prend absolument pas en compte les droits humains ni le droit des personnes les plus vulnérables aux changements climatiques. Iels ne sont donc pas protégé.e.s face à la potentielle utilisation abusive du principe des marchés carbone sur leurs territoires. Un article bilan qui est donc loin de résoudre des problèmes. 

Manifestation le dernier jour de la COP26, devant les portes de la conférence.

Et si on regardait le côté positif dans tout ça ?

Malgré les aspects très négtifs du Pacte de Glasgow vus ci-dessus, il y a tout de même des aspects positifs à tirer de cette COP26. 

Même si le texte final de la COP26 n’est pas très amibitieux, il faut quand même noter que c’est la première fois qu’un texte mentionne le terme “énergies fossiles”, et leurs utilisations néfastes. Jusqu’alors les producteurs de pétrole et de charbon menés par l’Arabie Saoudite s’étaient toujours opposés à ce que ce terme apparaisse dans les accords sur le climat.

De plus, la nécessité d’une transition juste a également été mentionnée pour la première fois. Au niveau du genre par exemple, de nombreux pays se sont engagés à travailler sur la question, et un rapport sur l’intersectionnalité du genre et du climat a été demandé pour pouvoir mieux étudier la question dans les années à venir. Ceci renforce le plan d’action qui avait été demandé à Madrid quatre ans plus tôt. Ce dernier demandait, entre autres, de prendre en compte les inégalités du genre, et donc aux États de combler ceci au niveau national.

Durant la COP26, plusieurs coalitions sur différents sujets ont également été créées. Par exemple, de nombreux pays se sont rassemblés pour arrêter les financements internationaux sur les énergies fossiles. Les États se sont également mis d’accord pour arrêter la déforestation d’ici 2030. D’autres coalitions ont également été montées sur les thèmes  du méthane, de la réduction de la production de pétrole et de gaz, et de l’agriculture.
Cependant, ces coalitions n’ont pas encore toutes de deadlines, ni de mesures précises sur la mise en application, ou la mise en place de mesures coercitives. 

Bien que cet accord n’est clairement pas suffisant du point de vue de la société civile qui ressent l’urgence climatique, pour l’Organisation des Nations Unies (ONU) c’est un grand pas au vu de la prise de décision au consensus de cette convention cadre sur les changements climatiques. 

Rappelons cependant que les COP ne sont pas vouées à exiger des applications très concrètes des différents États. Imaginons bien que des pays aux antipodes comme la Chine, ou l’Arabie Saoudite, ne sont pas entièrement d’accord avec d’autres pays comme la Suède ou la Nouvelle-Zélande. De plus, l’ONU n’a aucun pouvoir sur la souveraineté des États, et ne peut donc pas les contraindre à quoi que ce soit.

Le plus grand signe d’espoir de cet COP26 fut tout de même l’engagement de la population civile. Tou.te.s ces observat.eur.trice.s ont pendant deux semaines travaillé sans relâche pour vulgariser ce qu’il se passait, faire pression sur les négociat.eur.ice.s, et tenter de changer les choses dans l’enceinte de la COP26, mais aussi en dehors de ses murs. Et puis bien sûr, soulignons le travail continu de la société civile à l’échelle nationale et locale. 

Chacun.e aura donc son avis sur cette COP26. Un succès sans précédent pour les un.e.s, un échec monumental pour les autres. Cette COP n’est pas un échec total mais en pleine urgence climatique, elle est loin d’être un succès.

N’hésitez pas à faire accréditer votre établissement pour participer aux négociations internationales en consultant notre fiche pratique !

Pour comprendre les négociations internationales climatiques et les enjeux de la COP26 :

Pour en savoir plus sur notre délégation étudiante présente à la COP : https://le-reses.org/notre-delegation-cop-porte-nos-voix-pour-la-cop26/

Sources :

Article rédigé par Manon Bourhis