Alors que cette COP 27 se déroule en Afrique, continent touché de plein fouet par le changement climatique et ses pays étant parmi les plus vulnérables, la présidence égyptienne a fait des enjeux des pertes et préjudices et de l’adaptation la question centrale de cette session de négociations.
Qu’est ce que l’adaptation ?
Malgré les efforts de réduction des émissions de gaz à effet de serre mis en place et les grandes annonces faites par la plupart dirigeant.e.s de neutralité carbone d’ici la moitié du siècle, nous subissons déjà les premiers effets du changement climatique et cela n’ira pas en s’améliorant. En effet, entre les records de températures atteints ces derniers mois en France, au Canada, en Inde,… , les 1700 pakistanais.e.s mort.e.s à cause d’inondations début septembre, les sécheresses à répétition frappant la corne de l’Afrique, les exemples de drames climatiques sont nombreux. Les pays se retrouvent donc dans l’obligation d’agir afin de faire face à ces changements et de limiter les pertes et dommages. Ainsi le rôle de l’adaptation au changement climatique est de modifier nos actions, processus, structures qu’ils soient techniques, économiques ou écologiques dans un objectif de réduction des effets négatifs associés au changement climatique. En d’autres termes, changer nos modes de vie, nos infrastructures, nos sociétés afin de réduire au maximum les conséquences de la multiplication des phénomènes extrêmes associés à la crise climatique.
Quels sont les enjeux de l’adaptation ?
Les enjeux de l’adaptation sont multiples et il faut rappeler en premier lieu que bien loin d’être une question théorique, ce volet de négociation impacte directement la vie de femmes et d’hommes, qui en absence de mesures concrètes perdront des récoltes, des foyers, des proches, … Ceci étant posé, le second enjeu de ces discussions est associé à la dette climatique et à la plus forte vulnérabilité des pays les plus touchés par les conséquences du changement climatique. Ces pays, en plus d’avoir besoin de l’aide internationale pour des questions de pur bon sens humanitaire, paient les pots cassés des pays occidentaux qui se sont développés sur la base des énergies fossiles en grande partie responsables du changement climatique (avec d’autres modes de consommations et productions intensifs). C’est pourquoi la question de l’adaptation et de son financement pour les pays moins développés est un véritable enjeu.
S’ajoute à cela des considérations d’avantages liés à la mise en œuvre de cette aide, car si l’adaptation est nécessaire encore faut-il bien s’adapter. Construire des méga bassines asséchant de fait les nappes phréatiques ou bâtir des digues qui retiendront l’eau lors de crues sont des possibilités nombreuses mais qui sont mal adaptées. Il faut donc tenir compte de ce risque dans les mécanismes mis en place. Pour cela il faut des actions mises en œuvre à l’échelle locale et tenir compte des réalités des personnes concerné.e.s. Des réalités tant techniques (pour le cas des digues ou des méga bassines citées plus tôt) que sociales : il ne faudrait pas qu’une mesure d’adaptation se fasse au détriment d’une partie de la population (les personnes moins aisées ou les populations autochtones par exemple).
Où en sommes-nous ?
A l’inverse des pertes et préjudices dont nous vous parlions il y a une semaine, la question de l’adaptation fait partie des discussions depuis le début des COP. Elle était mentionnée dès le protocole de Kyoto qui prévoyait la création de fonds climatiques spécifiquement alloués à cette problématique ainsi que de mécanismes de transferts de connaissances et d’expertise sur ces sujets. Les parties s’engagent également dans ce protocole à mettre en place des plans nationaux d’adaptation (PNA).
Depuis, 25 ans plus tard, la situation a bien eu le temps d’évoluer avec la création du Groupe d’Experts pour les Pays Moins Développés chargé d’accompagner ces pays dans l’élaboration des plan d’adaptation (2001) et du Comité d’Adaptation en charge des transferts de connaissances (2010). L’adaptation est aussi devenue un des 3 objectifs de l’Accord de Paris. Aussi, sur les 100 milliards de dollars par an que les pays développés avaient annoncé verser d’ici 2020 pour aider les pays moins développés à faire face au changement climatique, 50% étaient censés aller à l’adaptation. Du fait du Covid il aura fallu attendre 2021 pour faire le point sur ces financements qui n’ont pas été atteint et ne le seront certainement que d’ici à 2023 selon un rapport de l’OCDE sorti en amont de la COP26. La COP 26 fut aussi celle où fut créé le programme de travail Glasgow – Sharm el-Sheikh (GlaSS) censé revoir l’objectif global d’adaptation défini dans l’article 7 de l’Accord de Paris ainsi que travailler sur les mesures plus concrètes associées à sa mise en œuvre. Entre autres renforcer l’implémentation d’action dans les pays moins développés et participer à l’évaluation des progrès faits dans ce domaine dans le cadre du Global Stocktake.
Des écarts entre perspectives et réalisations
Malheureusement, tout ceci est loin d’être suffisant, notamment pour ce qui est des financements comme le rappelle un rapport du Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE) sur les écarts entre besoins et perspectives pour l’adaptation. Ce rapport sorti le 3 novembre rappelle que bien qu’en plus d’être en retard, sur les 83,3 milliards de dollars par an déjà réunis (et certainement surestimés comme l’estime Oxfam), seuls 34% sont pour l’adaptation quand selon leurs estimations, la demande s’élèvera d’avantage à 202 milliards de dollars par an pour la décennie. Or la direction actuelle prise par les négociations ne présagent rien de bon avec une perte en ambition de ce qui avait été annoncé à la COP26. En effet, selon un article récent du Guardian, la mention de 2023 comme date butoir pour atteindre les 100 milliards de dollars par an a disparu des derniers brouillons du projet de finance climatique sur le long terme. Il en va de même pour l’objectif du doublement du financement de l’adaptation entre 2019 et 2025 qui avait été annoncé à la COP 26 qui a été remplacé par “une augmentation des financements d’adaptation […] en considérant de doubler les financements d’adaptation” dans les extraits auxquels le Guardian a eu accès.
Quant au GlaSS, celui-ci est en cours mais avance trop lentement au goût d’ECO (la newsletter de la COP rédigée par le Climate Action Network) avec des discussions encore trop générales centrées autour de questions internationales et des langues de bois. Or l’un des enjeux majeurs pour une aide à l’adaptation internationale efficace consiste en la reconnaissance du principe d’adaptation menée localement mis en avant par le centre mondial de l’adaptation. Celle-ci devrait garantir, d’une part, aux populations les plus vulnérables directement touchées par la crise climatique un libre arbitre et des pouvoirs pour trouver leurs solutions, et d’autre part, une amélioration de l’inclusivité et de l’accessibilité des ressources mises à disposition.
Pour la COP 27, COP africaine, les attentes sont encore grandes, pour citer le rapport de la PNUE : “L’échec de l’adaptation met le monde en danger”, il est encore temps de rebondir. Il faut que les pays riches s’engagent à doubler leurs investissements pour l’adaptation par rapport à 2019 et que la barre des 100 milliards de dollars par an soit atteinte sans aucune supercherie. Il est également nécessaire que le programme de travail GlaSS aboutisse sur un objectif global d’adaptation qui puissent laisser libre cours aux solutions locales. Et enfin, il faut que tou.te.s les acteur.ice.s : parties, organes onusiens, ONG,… comprennent que ce n’est pas une question théorique mais bien une problématique très concrète mettant la vie de personnes en jeu à court terme.
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Léo Maumet, bénévole RESES