L’ouverture de la COP 27 sous l’égide d’une nation africaine, après l’hégémonie des présidences européennes des précédentes COP, donne le ton quant à l’inscription à l’agenda de la question du financement des pertes et préjudices. Cette thématique est omniprésente dans les discussions, tant bien que les sessions de négociations ont été planifiées de telle sorte que tous.tes présent.e.s à la COP puissent les suivre.
Que sont les pertes et préjudices ?
Les pertes et préjudices sont les impacts d’événements liés au dérèglement climatique qui peuvent être soudains comme les ouragans ou les inondations, ou de longue durée (érosion des sols, sécheresses, montée des eaux…) et affectent les populations les plus vulnérables habitant dans des pays souvent les moins émetteurs de gaz à effet de serre, sans que celles-ci aient les moyens ou le pouvoir de s’adapter. Ces pertes, d’ordre économique et immatériel, sont irréversibles car elles concernent la destruction de l’habitat et de la biodiversité, la migration forcée entraînant la perte de la langue et de la culture, ainsi que le décès de milliers d’humain.e.s, dont l’exemple du Pakistan est le plus parlant. Les pertes et préjudices touchent déjà des millions de personnes dans le monde et ces catastrophes se sont intensifiées tout au long de l’année 2022, ce qui a amené ce sujet brûlant en premier lieu sur la table des négociations. Les pays touchés souhaitent faire pression sur les pays les plus développés, dont le G20 et la Chine, dans le financement des réparations.
En effet, jusqu’à présent, les financements climatiques concernent essentiellement deux volets importants de la politique du changement climatique : la réduction des émissions de gaz à effet de serre (atténuation) et les engagements pris pour anticiper et prévenir les impacts du réchauffement (adaptation). Les financements que réclament les pays les plus touchés par les pertes et préjudices est problématique puisque les pays développés, dont les Etats-Unis et l’Union Européenne en tête, contestent leur responsabilité historique dans ces impacts climatiques. Ce clivage est révélateur des rapports de force inégaux, liés à l’histoire coloniale entre les pays du Nord et les pays du Sud, et sur la pertinence de la coopération des premiers envers les seconds. C’est une véritable question de justice climatique qui s’achemine dans les discussions de la COP 27. Le nombre de victimes de ces pertes et préjudices est en constante augmentation et va mettre en péril les droits à la dignité humaine pour ces communautés (sécurité alimentaire, droit à l’eau potable, à l’hygiène, etc…). C’est le cas de l’État insulaire du Vanuatu, touché ces dernières années par des cyclones dont “Pam” en 2015, qui a causé la destruction de dizaines de milliers de logements. Celui-ci a décidé de porter ce sujet devant la Cour internationale de justice afin de contribuer à l’émergence d’une législation internationale sur les conséquences du dérèglement climatique sur les droits humains et soutient le traité de non-prolifération des combustibles fossiles.
Quelles avancées depuis la COP 26 ?
Un des enjeux majeurs de la COP 27 est de pérenniser la finance climatique pour restaurer la confiance entre les pays du Nord et les pays du Sud. Les financements sont des sujets clés et source de tension. Rappelons que la promesse des 100 milliards de dollars versés par les pays responsables du réchauffement climatique pour financer la transition des pays les plus affectés n’est toujours pas complète : 83,3 milliards ont été comptabilisés en 2020. A Glasgow, les pays riches ont déclaré que le fonds vert serait efficient en 2023. Les fonds destinés à financer les moyens d’adaptation doivent être également rehaussés pour permettre aux populations de moins subir les effets du dérèglement climatique. Ces mécanismes sont essentiels mais pourraient être dépassés par l’accélération des risques climatiques car ils sont sous estimés dans les projets de finance climat. Pour le moment un organe de coopération a été créé lors de la COP 25, le Réseau de Santiago, qui est censé permettre aux pays d’échanger techniquement sur les bonnes pratiques à mettre en place et qui les met en relation avec des prestataires d’assistance technique. Pour autant, cet appareil ne reste que théorique, il ne permet pas le financement direct des pays touchés par les pertes et préjudices et son opérationnalisation est toujours en cours. Ce sujet est si délicat qu’il n’y avait pas eu de réelles avancées à la COP 26, seuls la Wallonie, l’Ecosse et l’Allemagne avaient formulé la promesse de mobiliser un financement dédié de 10 millions d’euros. Cette somme paraît dérisoire au regard des projections qui chiffrent à 1 700 milliards les besoins nécessaires en 2050.
Un financement source de tensions et de critiques
Toutefois, l’ONG Oxfam alerte sur les manquements dans la comptabilité des financements climats internationaux qu’elle juge trompeuse. L’objectif d’atteindre le chiffre de 100 milliards de dollars en 2020 n’a non seulement pas été atteint mais la valeur réelle ne représenterait en réalité qu’un tiers du montant prévu. Cette différence s’explique par le fait que les prêts déclarés à leur valeur nominale (c’est à dire sans prendre en compte le remboursement et le taux d’intérêt) sont majoritaires dans la finance climat (71% des financements publics) et cette comptabilité aggrave la situation des pays vulnérables en contribuant à leur endettement massif à l’extérieur. Par conséquent les chiffres communiqués jusqu’à présent reflètent peu la réalité, sachant que la part des subventions s’élèvent au contraire à 26% du financement mondial en 2020. Le mérite qu’ont les pays développés de contribuer aux financements est donc trompeur puisque les pays qui subissent les événements climatiques supportent l’endettement du financement qui est censé les aider. La situation est particulièrement critique pour les pays à faible revenu car les coûts d’emprunt sont bien plus élevés.
Cette crise de confiance s’est également révélée en amont de la COP 27, lors de la pré-COP à Kinshasa, en République Démocratique du Congo début octobre 2022. Les nations africaines ont alerté sur le choix arbitraire auquel elles font face entre s’engager dans la mise en oeuvre des plans climatiques (ce qu’on appelle dans le langage des COP Contributions Nationales Déterminées, NDCs) sans réel soutien financier international et continuer la lutte contre la pauvreté grâce à l’exploitation de ressources pétrolières, ce qui entraînerait davantage de dommages climatiques. Un accord international serait donc un test décisif pour maintenir la coopération, la confiance et l’impartialité de la communauté internationale.
Une des pistes les plus concrètes à la COP 27 pour le financement des pertes et préjudices est le programme “Global Shield”, poussé par le V20, le groupe qui rassemble les pays les plus vulnérables, en opposition au G20. Il désigne un mécanisme d’assurance qui permettrait aux parties de verser des primes, créant ainsi un fond commun destiné à verser des indemnités en cas de dommages. Le chancelier allemand Olaf Scholz a déjà déclaré lundi, pendant le World Leaders Summit, que l’Allemagne fournirait 170 millions d’euros. Cependant Scholz n’a pas spécifié ce que cette contribution couvrirait ni à partir de quel moment ce fond serait disponible. Ce cas illustre bien la distance temporelle entre les promesses de dons et leur mise en application effective.
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Article rédigé par Maia