Pour que l’écologie ne rime pas avec tachycardie

Vous sentez inquiet.e quand vous vous renseignez sur le réchauffement climatique ? Vous êtes triste d’observer le déclin de la biodiversité ? Vous êtes en colère face à l’inaction des autres ? Vous avez peur pour votre avenir, pour vos proches et les générations futures ? Vous ressentez probablement de la solastalgie, plus communément appelé l’éco-anxiété. 

Pour vous aider à prendre soin de votre santé mentale, reconnaître et accueillir vos éco-émotions, voici un tour d’horizon des solutions abordées pendant notre atelier “éco-anxiété et santé mentale” durant le WESES

Marine Lejeune et des étudiant.e.s pendant la conférence du WESES

L’éco-anxiété, les éco-émotions, c’est quoi ? 

Pour commencer cet atelier, Marine Lejeune, consultante et formatrice RSE & Développement durable et créatrice de Lumiver a proposé quelques définitions et éléments de langage sur l’éco-anxiété et les éco-émotions. 

“L’éco-anxiété est une forme de souffrance et de détresse psychique ou existentielle causée par exemple par les changements environnementaux passés, actuels et attendus, en particulier concernant le réchauffement climatique et la biodiversité.”

Il est important de notifier que l’éco-anxiété n’est pas un diagnostic médical mais une souffrance et/ou un stress en lien avec les enjeux écologiques. 

Pour mieux comprendre le fonctionnement de l’éco-anxiété, il faut comprendre celui de l’anxiété. L’anxiété n’est pas une émotion en tant que telle (les émotions de base sont la joie, la surprise, le dégoût, la peur, la tristesse, la colère, la honte) mais une réaction émotionnelle face à un stress anticipatoire entraînant des symptômes variés. 

Nos émotions sont nos boussoles pour mieux comprendre ce dont notre corps à besoin. C’est pourquoi il ne faut pas en avoir honte et il est important de leur donner l’attention  qu’elles méritent. 

Comme l’explique Marine, c’est normal et même sain de ressentir des émotions fortes face à la situation environnementale et sociale (ce qu’elle appelle les éco-émotions). Ce qui peut poser problème, en revanche, c’est de se sentir débordé.e et impuissant.e face à ces émotions (mais bonnes nouvelles des solutions existent pour ne plus se sentir débordé.e !). Plutôt que de parler d’éco-anxiété, Marine préfère parler d’éco-lucidité, terme qui est plus positif d’après elle. 

Marion Robin, notre deuxième intervenante et psychiatre, rappelait la différence de perception que chacun.e d’entre nous peut avoir. En effet, nous percevons un événement ou une situation selon des biais différents liés à notre éducation, à l’environnement dans lequel on évolue, etc. Si nous prenons deux échantillons et que nous leur faisons vivre une même expérience dans des conditions différentes, l’expérience ne sera pas vécue de la même manière pour les deux échantillons. 

L’éco-lucidité est donc vécue différemment en fonction des priorités et des perceptions de chacun.e sur les  enjeux environnementaux.  Pour certaines personnes, l’éco-lucidité entraîne une charge mentale importante. Plus un individu se sent responsable d’agir pour une cause et plus sa charge mentale est importante. 

Afin de clôturer cette partie introductive, nos intervenantes ont proposé aux étudiant.e.s de faire un peu d’introspection sur eux.elles-mêmes. N’hésitez pas à reproduire cet exercice en groupe pour libérer votre parole. Vous verrez, les émotions que vous ressentez ne sont pas isolées. 

  • quand je pense à mon avenir, j’imagine ….
  • quand j’ose voir les défis auxquels nous sommes confrontés, je me sens …..
  • ma réaction face à mon éco-anxiété est …..

Maintenant qu’on a appris ce qu’est l’éco-anxiété/ éco-lucidité, qu’on a appris à écouter nos émotions et besoins, on fait comment pour ne pas se laisser submerger ? 

Comment ne se laisser déborder par son éco-anxiété et vivre une vie plus sereine ? 

Afin de trouver collectivement des pistes d’action contre l’éco-anxiété, les étudiant.e.s ont, dans un second temps, échangé en petits groupes. 

Le résultat de leurs idées d’action en image : 

groupe 1 : 

  • se penche sur le sujet sans trop dramatiser 
  • se connecter dans un milieux qui n’est pas anxiogène 
  • s’exprimer, discussion, danse, dessin, faire la fête

groupe 2 : 

  • transformer l’anxiété en moteur d’action 
  • pouvoir se récompenser face à l’action 
  • ne pas s’isoler 
  • déculpabiliser 
  • décompresser, savoir lâcher prise 
  • s’autoriser des excès
  • se reconnecter à la nature 
  • passer des bons moments 
  • se former à l’écoute des autres
  • trouver le bon équilibre entre importance/ responsabilité ( qui entraîne beaucoup de charge mentale) et sa peur 

groupe 3 : 

  • se réunir pour échanger 
  • créer des choses 
  • créer des tiers-lieux hors de la société 
  • créer des liens entre les communautés 
  • méditer et utiliser des méthodes de relaxation
  • trouver son objectif de vie selon : ce dont on a envie / ce dont la société à besoin / ce dont on est doué pour

Merci à eux et elles pour leurs superbes idées ! 

Pour creuser ces pistes et en apporter d’autres, voici ce que Marine propose sur son site Lumiver

1 – Comprendre ce qu’il se passe en nous

Vos émotions sont votre boussole interne pour comprendre qui vous êtes. Si vous les écoutez, vous pouvez en apprendre beaucoup sur vous-même. Qu’est-ce qui vous anime, vous révolte, vous donne espoir ou au contraire vous plombe ? C’est de cette manière que vous allez pouvoir comprendre vos valeurs et votre raison d’être : et oui, rien que ça !

Comment on fait ? 

  • Répondre aux questions ci-dessus
  • Suivre un atelier de Travail qui Relie avec les membres de son association
  • Partager des ressources sur le sujet
  • Consulter un.e professionnel.le si besoin

2 – Exprimer ce que l’on ressent

Une fois que l’on a compris que ces émotions sont légitimes et même bénéfiques, c’est plus facile de les écouter et de les exprimer. Mettre des mots sur ses inquiétudes, ses colères, ses interrogations, c’est déjà un grand pas. Partager avec d’autres personnes qui ressentent aussi des éco-emotions vous aidera. Si cela vous semble difficile de partager, vous pouvez déjà commencer à écrire ce que vous ressentez. 

Comment on fait ? 

  • Organiser un cercle de parole avec d’autres personnes
  • Ecrire ce qu’on ressent dans un carnet 
  • Réserver des temps d’échanges dans les réunions (météo, pratiques d’éco-facilitation…)
  • Se former à la Communication Non Violente pour apprendre à partager ses émotions et accueillir celles des autres

3 – Passer par l’expression artistique

Vous pouvez aussi apprivoiser et exprimer vos éco-émotions d’autres manières : par la danse, la peinture, la musique, la photographie, la broderie… L’art et le mouvement aident aussi à sortir du mental, pour identifier des émotions. Ça peut aussi être une façon de se relier à d’autres personnes qui ont les mêmes passions que vous. 

Comment on fait ? 

4 – Se (re)connecter à la nature

Prendre soin de ce qui nous entoure, se reconnecter au vivant, c’est bénéfique pour notre bien-être. 

Connaissez-vous les bains de forêt par exemple ? Plusieurs études ont prouvé les bienfaits de la sylvothérapie : le renforcement du système immunitaire, la diminution du stress et de l’anxiété, une meilleure capacité à se concentrer, un sommeil de qualité, des idées plus claires… Au Japon, c’est d’ailleurs une pratique médicale reconnue et populaire, d’où son autre nom shinrin-yoku !

On peut aussi faire du jardinage ou apprendre à cueillir des plantes sauvages comestibles, ou bien encore observer les oiseaux. Ça peut aussi être une randonnée ou un footing en pleine nature.

Comment on fait ? 

  • Proposer une journée de cohésion en forêt
  • Organiser une visite dans une ferme
  • Animer des Deep Time Walk (marche de 4,6 km sur les âges de la terre)
  • Cultiver un potager collectif

5 – Méditer pour prendre du recul

Quand tout se bouscule à l’extérieur, on peut se réfugier à l’intérieur. Nous avons une incroyable capacité à nous recentrer grâce à la respiration. Comme la sylvothérapie, la méditation en se reconnectant à ses sensations, aide à mieux gérer l’anxiété et le stress. C’est une pratique qui favorise le lâcher-prise et l’acceptation, une attitude essentielle pour mieux vivre ses éco-emotions. 

Pour vous aider, vous pouvez utiliser une application comme Petit Bambou et Prezens ou écouter des enregistrements audio disponibles sur les plate-formes.

Comment on fait ? 

  • Proposer des méditations courtes aux membres de son asso / autres étudiant.e.s en début de réunions, conférences, etc. 
  • Se couper des informations négatives quand c’est nécessaire

6 – Cultiver la gratitude

S’ancrer dans la gratitude est la première étape de la spirale du Travail qui Relie. En effet, s’armer de gratitude permet ensuite d’oser faire face à nos éco-émotions. La gratitude nous aide à avoir un autre regard sur la vie et à célébrer chaque moment de joie. Cultiver la gratitude aide à concentrer notre esprit sur le positif et à être constructif. Ça pourrait paraître naïf, mais c’est au contraire très puissant pour avoir ensuite le courage d’affronter la réalité avec plus de lucidité.

Comment on fait : 

  • Noter chaque soir 3 choses pour lesquelles on éprouve de la gratitude
  • Célébrer les réussites individuelles et collectives
  • Partager ses sources de satisfaction (même des petites !) avec d’autres personnes
  • Partager sa reconnaissance pour les autres membres de son association

7 – Inventer les futurs possibles

De plus en plus de philosophes parlent, en effet, d’inventer de nouveaux récits. Les fictions ont un rôle essentiel dans notre manière d’appréhender le présent et l’avenir. Elles conditionnent nos ambitions et nos rêves. Proposer des nouveaux récits aide à se questionner sur notre propre condition : qu’est-ce qui nous rend heureux ? De quoi avons-nous vraiment besoin ? Comment se réinventer si nous venons à manquer de ressources ?

La reconquête des imaginaires est une manière de ne pas subir un avenir sinistre. Mais c’est aussi une façon de sortir d’un certain déni que tout restera comme avant. Le défi consiste à inventer un avenir positif mais réaliste quant à ses futures conditions environnementales et sociales.

Comment on fait ? 

  • S’inspirer d’initiatives positives existantes
  • Passer de la critique à la proposition d’idées
  • Proposer des ateliers sur les nouveaux imaginaires pour inventer des modes de vie alternatifs (Fresque des nouveaux récits)

8 – Passer à l’action ! 

Nos émotions sont le reflet de qui nous sommes véritablement. En les écoutant, cela nous aide à être plus aligné et à trouver notre place. Elles peuvent donc être le moteur pour effectuer des changements dans votre vie : consommer différemment, trouver un métier qui a du sens, apprendre de nouvelles compétences, rejoindre une association… Il s’agit aussi de se concentrer sur notre propre périmètre de responsabilité et influence, en acceptant qu’on ne pourra pas tout changer ! L’action permet aussi de rencontrer d’autres personnes qui partagent vos valeurs, ce qui est essentiel pour se sentir mieux. 

Comment on fait ? 

  • S’inspirer de la méthode Ikigai pour trouver son projet professionnel (il y a aussi la ressourcerie “orientation et emploi” proposée par le RESES)
  • Partager des trucs et astuces pour faire évoluer son mode de vie et de consommation
  • S’engager dans une asso (toutes les associations membres du RESES sont ICI. Et d’ailleurs, pourquoi ne pas devenir bénévole au RESES ? 😉 ​)
  • Monter des projets engagés avec son asso (le RESES peut t’y aider!)
  • Participer au programme Ré-action de MakeSense

En conclusion, pour faire face à son éco-anxiété, il est important de s’écouter afin de comprendre ses limites et doser l’intensité de son action en conséquence. Il n’existe pas une seule manière de s’engager sur les causes sociétales. A vous de trouvez celles qui vous font du bien. Avoir une certaine cohérence entre ses pensés, ses besoins, ses émotions et ses actions est la clé d’un engagement épanouissant. N’oubliez pas, non plus, d’en parler avec d’autres personnes et de trouver les activités qui vous ressourcent afin de pouvoir continuer d’agir dans la joie. 

D’autres liens qui font du bien : 

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Article rédigé par Clémentine Mevel