Retour sur les RENEDD 2018 : « Féminisme et écologie : la convergence des luttes »

Quel(s) rapport(s) existe-t-il entre la lutte féministe et la lutte écologiste ? Comment se positionnent les femmes par rapport à la nature ? Comment les femmes peuvent-elles être actrices de la lutte éco-féministe ? Toutes ces questions, et beaucoup d’autres, se sont posées pendant la table ronde « Féminisme et écologie : la convergence des luttes », le samedi matin lors des RENEDD 2018. Condensé de discussions inspirantes.

 

Les intervenantes

 

–         Pascale d’Erm, journaliste et auteure, a publié en avril 2017 Sœurs en écologie, essai dans lequel elle donne la parole à des femmes engagées dans un combat écologique. Spécialiste des thématiques liées à l’environnement, elle a notamment été durant 4 ans rédactrice en chef du magazine de la Fondation pour la Nature et l’Homme. Partant du constat qu’on entendait peu la voix des femmes sur les questions écologiques, elle choisit donc d’écrire sur leurs combats pour la planète et pour leur émancipation, qui sont selon elle intimement liés.

–         Fanny Petitbon, responsable du plaidoyer chez Care France, une association qui lutte contre l’extrême pauvreté et défend l’accès aux droits fondamentaux. Diplômée en sciences politique, genre et développement, elle s’occupe plus spécifiquement de l’égalité femmes-hommes, du changement climatique, des crises humanitaires et de l’aide publique au développement. Son rôle est de porter auprès des décideurs les problématiques liées à ces sujets, les crises observées sur le terrain par Care, tout en expliquant les solutions développées chaque jour.

–         Mouna Chambon, directrice du pôle recherche de l’association CliMates et du projet Gender and Climate Change ; et Mathilde Thonon, membre du projet GCC de CliMates. Mouna est étudiante en relations internationales à la Sorbonne : elles portent donc ce projet sur l’égalité femmes-hommes qui vise à étudier les biais genrés sur les sujets du changement climatique, tout en considérant l’opportunité que représentent ces changements pour l’émancipation des femmes.

 

L’écoféminisme

 

Marianne Legagneur, doctorante à l’EHESS et animatrice du débat, leur a tout d’abord demandé de revenir sur ce qu’était pour elles l’éco-féminisme. Les réponses sont multiples et permettent de saisir la variété des conceptions du sujet.

Né dans les années 80’ par des actions anti-nucléaires de militantes, le combat est théorisé philosophiquement par des philosophes comme Karren Wallen et Catherine Larrère. La convergence des luttes féministes et écologistes serait une action de transformation de la société et d’émancipation vis-à-vis du patriarcat et du capitalisme, de l’oppression des hommes sur les femmes et la nature. Il s’agit de ne pas assimiler les femmes à la nature par l’image de la mère nourricière, femme douce et aimante, mais de construire un nouveau lien, qui empêche toutes nouvelles formes de domination. On passe ainsi d’une équation où la femme et la nature sont assimilées, à une équation où elles se complètent. On peut aussi rajouter que féminisme et écologie sont liés intrinsèquement au niveau social pour les éco-féministes , puisque cela correspond à la rencontre et à la lutte contre deux injustices sociales.

 

Passer à l’action

 

Mais la majeure partie du débat s’est concentrée sur la façon dont les femmes pouvaient être actrices de cette lutte éco-féministe. En effet, il faut donner l’opportunité aux femmes de s’exprimer et de porter leurs projets. Elles sont trop souvent vues comme vulnérables, alors que les écouter permet de se rendre compte combien elles sont elle aussi actrices du changement. Il s’agit donc de créer des fenêtres d’opportunité pour ces femmes, en leur montrant également par la sensibilisation qu’elles sont capables de porter leurs projets.
Dans les pays occidentaux où nous vivons, l’éco féminisme peut aussi être un moyen pour réveiller une conscience écologique chez les femmes, pour leur permettre de se réapproprier leur sensibilité à la nature, afin de pouvoir ensuite mener une action politique et militante différente.

Les participant.e.s dans le public ont alors rappelé qu’ils.elles voulaient également agir en tant qu’étudiant.e.s, à leur niveau et leur échelle, et c’est dans cette optique que Mouna et Mathilde ont pu parler un peu plus en détail de leur projet Gender & Climate Change (GCC). Développé par des étudiant.e.s et jeunes pro, le projet se veut être un laboratoire d’actions et de réflexions pour porter la voix de la jeunesse sur les questions d’environnement et d’aide aux femmes, concernant notamment la légitimation de leurs paroles.

Le débat s’est conclu sur la difficulté de se revendiquer éco-féministe, puisque ce n’est pas un courant de pensée véritablement établi mais quelque chose en perpétuelle évolution. Les intervenantes ont fait valoir que cela correspondait plus à une prise de conscience, et que le mot féministe étant déjà difficile à assumer, il fallait porter l’éco-féminisme en nous avant de s’en réclamer.

Pour aller plus loin :

  • S’engager en rejoignant le projet Gender & Climate Change de CliMates ou d’autres projets militants
  • Quelques suggestions de lecture : Woman and nature, de Susanne Griffin ; Du bon usage de la nature. Pour une philosophie de l’environnement, de Catherine Larrère ; Reclaim, de Emilie Hache ; Soeurs en écologie, de Pascale d’Erm ; La révolution du féminin, de Camille Froidevaux-Metterie.
  • A voir : Taking roots de Lisa Merton et Alan Danter, sur la vie de la kényanne Wangari Maathai, lauréate du prix Nobel de la Paix.

Rédigé par Laureen Turlin et Caroline Gaboriau